C’est l’histoire d’un constructeur automobile, Ford qui s’associe avec un producteur de Ketchup, Heinz, pour fabriquer des boîtes à gants. Dans un communiqué de presse, faire-part de cette alliance incongrue, Ford se targue « d’accélérer le développement de plastique 100% issu des plantes pour toute la production, de la fabrication à l’emballage ». Grâce aux pelures des 2 millions de tonnes de tomates pressées chaque année par son nouveau partenaire, le constructeur américain espère fabriquer l’ensemble de ses pièces en plastique, soit 20% d’un véhicule, en se passant de l’ingrédient pétrole.
« Fabriquer du plastique à base de matière organique, nous en sommes capables », explique Tatiana Budtova, chercheuse au centre de mise en forme des matériaux aux Mines Paris Tech. Bois, maïs, blé, canne à sucre et patate douce sont déjà sollicités pour fabriquer 1 % à 2% du plastique présent sur le marché mondial, utilisé principalement pour des sacs jetables et des emballages. Ces « bioplastiques », PLA (poly-acides lactiques) de leur acronyme scientifique, sont aussi sérieusement pressentis pour alimenter les imprimantes 3D.
Arbitrer entre se nourrir, rouler ou fabriquer
La tâche se corse pour les biens industriels. « Aujourd’hui, on bute sur la durée de vie des PLA », reconnaît Tatiana Budtova. Depuis 2008, cette spécialiste des polymères est missionnée par PSA Peugeot-Citroën et Schneider Electric pour plancher sur ce dossier. Car le bioplastique a les défauts de ses qualités : il est biodégradable. « Pour des applications médicales, cette propriété serait idéale, on pourrait remplacer un implant en métal par un bioplastique qui se dégrade au fur et à mesure qu’un os se reconstitue, s’enthousiasme la chercheuse, mais pour un tableau de bord, ce n’est pas ce que l’on cherche. » En l’état actuel des recherches, les automobilistes risquent de voir leur boîte à gants se décomposer au bout de quelques années.
D’autant que la pulpe de tomate n’est pas l’ingrédient idéal. « Il faudra, au minimum, une petite décennie avant qu’on soit capable de l’utiliser », estime Tatiana Budtova qui précise : « l’amidon a de meilleurs propriétés ». Or, pour en obtenir, il faut du maïs ou du blé. Les bioplastiques suscitent alors les mêmes craintes que les agrocarburants : devra-t-on arbitrer entre se nourrir, rouler et fabriquer ? Selon l’estimation de la PME Global Bioenergies, relayée par Le Monde, « équiper toutes les nouvelles voitures avec du plastique d’origine végétale nécessiterait d’y consacrer environ 2% des terres agricoles mondiales ». Depuis 1999, « Toyota a déjà consenti de lourds investissements dans des cultures indonésiennes de patate douce », se félicite le groupe sur son site Internet.
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