...Le hic c’est que "le problème n’est absolument pas pris en compte par les entreprises", relève Thierry Priestley, président de l’association Droit de comprendre, qui milite pour la défense de la langue française. Dans ces conditions, les salariés réfractaires au tout anglais sont condamnés à ronger leur frein. A l’exception d’une poignée d’entre eux qui, tels d’irréductibles gaulois résistent encore au rouleau compresseur anglo-saxon.
Fatigués de penser en anglais
Ainsi lorsqu’en 1999, la direction d’Axa assistance tente d’imposer un logiciel de messagerie électronique totalement en anglais, Jean-Loup Cuisiniez, délégué CFTC prend la tête de la résistance. "Contraindre le personnel à penser et à travailler dans une autre langue ajoute une fatigue mentale supplémentaire. Tous les salariés n’ayant pas besoin de l’anglais, le risque était grand que des postes faiblement qualifiés soient réservés à des bacs +2 ou plus, maîtrisant l’anglais", estimait alors Jean-Loup Cuisiniez.
Chez Axa, une décision symbolique
Devant la fronde des salariés, aiguillonnés par leurs représentants, la direction retire son projet. "Les salariés d’Axa assistance sont désormais décomplexés, ils n’accepteront plus de travailler dans une langue qui n’est pas la leur", se réjouit aujourd’hui le militant chrétien, exemple à l’appui. L’an dernier, Axa assistance a accepté de débaptiser le nouveau système informatique au profit d’une appellation issue d’un concours organisé auprès des salariés. C’est finalement "Concerto" qui fut retenu en lieu et place de... “Special IT Policy”. Tout un symbole.Usage idéologique
Il n’empêche, font observer les anglophiles convaincus : on n’a encore trouvé rien de mieux que l’anglais pour faire communiquer entre eux des Allemands et des Chinois, ou des Français et des Japonais. Là n’est pas le problème, rétorquent en substance les partisans du pluralisme linguistique. "Nous ne sommes pas opposés au principe d’une langue internationale, à condition d’aborder le problème de façon pragmatique", explique Thierry Priestley. "Or on est passé dans beaucoup d’entreprises d’un usage instrumental de la langue à un usage idéologique, dicté par la fascination pour le modèle anglo-saxon", renchérit Serge Airaudi.
Docteur Jean-Marie et Mister Messier
Suivez mon regard en direction de Jean-Marie Messier. Du temps de sa splendeur, l’ex grand Moghul des médias vaticinait à l’envi la fin de l’exception culturelle française, in english dans le texte of course. "La surenchère américanolâtre d’un Messier démontre la difficulté d’une certaine élite française à assumer sa propre identité", estime Serge Airaudi. Et de plaider pour une utilisation de l’anglais débarrassée de ses scories idéologiques.Franchouillard mais pas obtus
En clair, oui à l’anglais, mais dans le respect des identités nationales. "Si le recours à un anglais purement technique et fonctionnel peut se justifier en informatique ou en marketing par exemple, il faut au maximum privilégier les langues locales en matière de formation, de droit ou de relations sociales, autant de domaines étroitement liés à la culture de chaque pays", explique encore Serge Airaudi. Le mot de la fin à Thierry Priestley, souvent taxé avec ses amis de "franchouillard" : "On peut être ouvert sur le monde et défendre le français, comme on peut parler l’anglais couramment et faire montre d’un esprit obtus".(1) Rapport sur les pratiques linguistiques des entreprises françaises remis au ministre de la Culture en juillet 2003.
(2) Citation extraite d’une intervention au colloque sur les pratiques linguistiques des entreprises à vocation internationale qui s’est tenu au Canada les 9 et 10 juin 2003.
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