publicité
haut
Accueil du site > Actu > L’économie expliquée à mon père > La microfinance bataille pour ne pas perdre son crédit
Article Abonné
29-06-2009
Mots clés
Finance
Social
Société
Emploi
Monde
Bangladesh

La microfinance bataille pour ne pas perdre son crédit

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Petite somme d’argent prêtée deviendra grande richesse possédée : la simplicité du microcrédit a valu à ce concept un succès immense. Mais quelques revers aussi : bénéficiaires livrés à eux-mêmes ou surendettés. Serait-il déjà bon à jeter aux orties ?
SUR LE MÊME SUJET

Pourquoi Salim, paysan du Bangladesh, est-il « coincé » dans sa pauvreté ? Parce qu’il n’a pas un sou pour monter son petit commerce et s’ouvrir grand les portes de la richesse. Accordez-lui un crédit et le voilà qui achètera une vache, vendra le lait au marché, achètera une deuxième vache… et parviendra à s’extraire un beau jour de la misère. Et ce, grâce au microcrédit.

Ce joli conte nourrit l’enthousiasme des foules depuis quelques années. Depuis que Muhammad Yunus, un professeur d’économie formé sur les bancs des universités américaines, s’est emparé de ce vieil outil et a étendu son usage aux communautés du Bangladesh à la fin des années 1970. Trente ans et une chevelure blanche plus tard, le patron de la Grameen Bank est sacré prix Nobel et la microfinance érigée au rang de solution miracle.

Il faut dire que, dans le sillage du Bangladais, le secteur a pris de l’embonpoint. Aux côtés des premières ONG locales se sont engagés des gouvernements, des fonds d’investissement, des banques… Aujourd’hui, près de 10 000 institutions de microfinance (IMF) vendent leurs services (microcrédit, assurance, épargne…) à 150 millions d’exclus du système financier. Poids évalué du secteur : 40 milliards de dollars (28 milliards d’euros).

« Hors de portée »

Mais voilà, la microfinance n’a rien d’une baguette magique. Surtout si on lui attribue comme objectif de lutter contre la pauvreté. Retour au Bangladesh. Salim, avec ses 50 dollars en poche, ne va pas forcément voir le bout du tunnel. « Le pays est saturé de microcrédits, constate Jean-Michel Servet, professeur d’économie à l’Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID). Il y a 105 millions de bénéficiaires pour 150 millions d’habitants. Mais le taux de pauvreté n’a pas évolué pour autant. »

En 1992, la misère y touchait 36 % de la population. En 2000… idem. Salim ne gagne toujours pas plus d’un dollar par jour. Pourquoi ? Parce que s’il a acheté une vache, il n’a pas su vanter les mérites de son lait. « On pense qu’il suffit de donner de l’argent pour transformer des pauvres en entrepreneurs. Mais il faut une formation, une attitude face à la prise de risques… Pour beaucoup, c’est hors de portée », souligne Isabelle Guérin, de l’Institut de recherche pour le développement.

Plutôt qu’à Salim, le microcrédit s’adresse en fait à sa cousine Sathia, petite commerçante de ville aux revenus modestes. Car l’outil est destiné à assurer l’« inclusion » financière, martèle Jean-Michel Servet, plus qu’à éradiquer la misère. En clair, il sert à offrir à ceux qui n’ont jamais passé le seuil d’une banque ou possédé une carte bleue, le moyen d’entrer dans la valse financière. Or, la proportion de ces exclus dépasse largement celle des pauvres. Pour ces derniers, oubliés sur le bord de la piste depuis trop longtemps, restent les programmes d’aide classiques. « Heureusement, certains pays n’ont pas juré que par l’entrepreneuriat pauvre, et continuent de mener leurs politiques d’aide publique », remarque le chercheur de l’IHEID.

De « bénéficiaires » à « clients »

Mais même pour Sathia, le microcrédit n’est pas dénué de risques. Premier os : le surendettement. Car le microcrédit se vend à prix d’or. Toutes offres confondues à travers le monde, le taux d’intérêt moyen s’élève à 31 %. Téléportée au Mexique, notre petite commerçante bangladaise se verrait même proposer des prêts à 130 % chez Compartamos. La solution pour ceux qui peinent à rembourser ? Contracter un nouveau crédit pour éponger le premier, proposent certaines IMF peu scrupuleuses.

Il est loin, en effet, le temps des ONG bien décidées à hélitreuiller les pauvres hors de l’exclusion. Certains fonds d’investissement ne cachent pas leur objectif : faire du profit. A priori, rien de scandaleux. Chez PlaNet Finance, une ONG française spécialisée dans le conseil, Salim et Sathia ne sont plus « bénéficiaires » mais « clients ».

Avec AGF ou Axa, l’organisation travaille sur un réseau d’assurances destiné aux plus pauvres ou planche avec Orange sur un service de mobile banking destiné au transfert d’argent par téléphone. Sans complexe. « Si une institution n’est pas rentable, que va-t-il se passer ? Elle va disparaître », clame Arnaud Ventura, vice-président de PlaNet Finance. Soit, sauf que l’ONG s’attire ainsi les foudres du secteur. « Les organisations rentables sont celles qui font ni plus ni moins du crédit à la consommation sous un autre nom », tacle Cyril Fouillet, du Centre européen de recherche en microfinance.

Un agent pour 500 familles

De fait, au nom du profit, les employés de certaines IMF rechignent aujourd’hui à s’asseoir sur le sol terreux d’une maison pour discuter d’un prêt ou de l’avenir d’un commerce. D’autres pratiquent des économies d’échelle. « Chez nous, un agent de crédit suit 200 à 250 familles, explique Franck Renaudin, fondateur d’Entrepreneurs du monde. Mais dans d’autres organisations, il en a 500 à charge. Comment voulez-vous qu’il connaisse le prénom des gens dont il s’occupe ? La situation de leur entreprise ? »

Cependant, dans le troupeau de la microfinance, les brebis galeuses sont rares, s’accordent à dire tous les acteurs. « Il y a des tas d’activités beaucoup plus rentables que la microfinance pour ceux qui veulent faire du profit », rappelle Arnaud Ventura. Tout de même, pour éviter les excès futurs, une plus importante régulation s’avère nécessaire. Imposer plus de transparence ? C’est le credo de Chuck Waterfield, de l’université de Columbia, qui a créé une base de données répertoriant les taux d’intérêt pratiqués, mais qui fonctionne pour l’instant sur la base du volontariat. Changer les critères d’évaluation de la réussite des IMF ? Le réseau Cerise, qui œuvre pour la régulation du secteur a mis en place un indice de performance social qui ne mesure plus seulement la santé financière des IMF mais aussi leur impact sur le terrain.

Autant d’enjeux majeurs pour cet outil somme toute très utile. « La microfinance a un potentiel réel lorsque les bénéficiaires sont bien accompagnés, ajoute François Doligez, de l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement. Elle peut avoir un impact sur le niveau d’éducation, les infrastructures, les soins de santé. » D’autant qu’elle ne se résume pas au microcrédit. Sathia, qui a déjà contracté un emprunt pour acheter une caisse enregistreuse, est maintenant invitée à placer de l’argent à la banque, à s’assurer contre les risques de palu ou les aléas du chômage. Des outils fondamentaux pour pérenniser son petit commerce et redonner du peps à l’économie de sa ville. Miraculeuse, la microfinance ? Non. Mais un joli coup de pouce quand elle est bien employée. 

Illustration : Chloé Poizat


LE CAS COMPARTAMOS

Au début des années 1990 naît Compartamos (« Partageons »), qui propose des prêts aux femmes de la banlieue de Mexico. Très vite, c’est un succès. L’ONG devient banque en 2006 et, en 2007, elle place 30 % de son capital en Bourse. L’institution financière est valorisée à près de 2 milliards de dollars par le marché et les cadres dirigeants s’empressent de vendre 300 pesos des actions achetées en 2000 à 1 peso. Le secteur crie au scandale et lance ainsi le débat, toujours pas clos, entre mission sociale et rentabilité.

SUR LE MÊME THÈME

- " Des coûts cachés chez certaines institutions de microcrédit "
Sources de cet article

- MFTransparency

- Le portail Microfinance

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

1 commentaire
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • la problématique du micro crédit est celle de nos sociétés... définir ce qui est important et essayer de le préserver. Il y a peu, nous avions un débat intéressant sur la plateforme de micro crédit Kiva... en cause, l’acces des services de kiva pour les residents des USA frappés par la crise. ... provoquant un schisme entre les pour et contre l’acces de kiva aux citoyens americains/occidentaux.

    M Yunnus avait listé en son temps des indicateurs de la pauvreté... comme marcher 40 km tous les jours pour accéder à l’eau potable.... Je ne m’en étais jamais rendu vraiment compte avant de lire cet indicateur et peut être que je n’en suis toujours pas vraiment conscient ..mais je suis un privilégié. Je vis malgré ma perte d’emploi un conte de fées.

    2.06 à 09h57 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas