innovation politique |
Par Rodrigue Coutouly |
2-01-2012
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Les think tanks : vaste escroquerie ou chance pour la démocratie ? |
Les Think Tanks séduisent, paraissent un progrès pour un personnel politique à la peine pour trouver des solutions aux difficultés de nos sociétés. Mais, est-ce si simple ?
leur financement est en grande partie assuré par des entreprises, le plus souvent des grands groupes.
ils sont tous installés dans Paris intra-muros, et plus précisément dans les quartiers centraux ou de l’ouest de la capitale.
leur direction, leurs membres ou animateurs, sont tous issus de grandes entreprises françaises et/ou proviennent des grands écoles (ENA, Polytechnique, HEC, ...).
Autrement dit, la principale singularité des Think Tanks hexagonaux est de n’être absolument pas représentatif de la variété et de la pluralité de la société française.
Comment, dans ces conditions, proposer, par exemple, des solutions à la délinquance marseillaise, ou à la disparition des services publics dans le rural profond ? Comment le faire quand on connaît si mal la majorité des problèmes que rencontrent les citoyens de notre pays ?
La connivence et l’endogamie semblent plutôt présider à leur dynamique. Comme l’écrit Choukri Ben Ayed, sociologue, professeur à l’université de Limoges, dans une tribune du Café pédagogique : "Finis la démocratie représentative, la parole au peuple, désormais le politique gouvernera en faisant l’addition de toutes ces paroles d’experts autorisés, autoproclamés."
Mais, écartons ces arguments car, si les Think Tanks sont réellement compétents, ils peuvent être utiles malgré tout ?
L’endogamie de leurs membres a une conséquence concrète : toutes leurs propositions se ressemblent. Dans ce "petit monde courtois et feutré de l’establishment parisien où se croisent experts, banquiers, avocats, hauts fonctionnaires et politiques, et où l’on tutoie la crise et le chômage sans les connaître personnellement", comme l’écrit joliment Weronika Zarachowicz dans Télérama, on parle de sujets qu’on ne connaît pas, ou très peu. On aborde les thèmes traités avec les lunettes idéologiques supposées du laboratoire d’idées auquel on appartient.
Prenons une exemple. La Fondapol, en prévision de l’élection présidentielle, vient de publier "12 idées pour la France", un magnifique texte agrémenté de superbes photos. La sixième "idée" s’intitule "l’écologie sans la décroissance, relever le défi environnemental par l’innovation et la création de richesse". Ne nous attardons pas sur la qualité de l’"idée" qui n’est qu’un titre passe-partout et non une idée.
Rentrons dans le vif du sujet et étudions les propositions : "la politique énergétique doit proposer une réponse équilibrée, satisfaisant la pluralité des demandes" ; "il est de l’intérêt de la France de produire une partie de l’énergie consommée par ses habitants, ses entreprises et ses administrations". A la lecture de ces deux premières pensées, digne d’une dissertation d’élève de seconde en Sciences économiques et sociales, on mesure le haut niveau intellectuel de ce texte qui enfonce des portes ouvertes et n’apporte rien à la réflexion sur la transition écologique.
Comme l’écrit Choukri Ben Ayed : Le propre des Think Thank c’est leur capacité à écrire sur tout, à savoir tout sur tout. Fondapol, qui se définit comme un « Think Thank libéral progressiste et européen », écrit sur la santé, les classes moyennes, le logement, le parlement, la responsabilité, la « compétitivité par la qualité », la morale, l’éthique, la déontologie, le pouvoir d’achat, la jeunesse, la liberté religieuse, l’écologie, la sortie du communisme, etc. Bref Fondapol sait tout sur tout, mais à force de tout savoir sur tout, on en finit par ne plus savoir rien sur rien.
C’est le dernier travers des grands "laboratoires d’idées" parisiens, leur endogamie les rend incapables d’une pensée originale et précises sur les sujets sur lesquels ils prétendent proposer des solutions.
Revenons sur l’exemple de la rénovation écologique. Par exemple, sur la question énergétique, plutôt que d’aller consulter le texte de Fondapol, un candidat éclairé à l’élection présidentiel devra plutôt :
aller lire le projet Négawattsur la transition énergétique. Rédigé et travaillé par une dizaine d’experts de la question, y travaillant depuis plusieurs années, ce projet réfléchi permet d’imaginer un scénario de transition solide et charpenté.
pour maintenir une veille vigilante sur les technologies et les projets précis de système d’énergies renouvelables, les conseillers qui entourent ce candidat se connecteront sur le site découplage d’Olivier Daniélo.
pour chercher des solutions de mise en oeuvre concrètes, sur le plan fiscal, on ira lire les articles du site fiscalité environnementale, écrit par l’auteur de ce texte, site qui propose des solutions politiques innovantes dans ce domaine.
Conclusion : nous avons besoin de ce que j’appelle des Tink Tanks artisanaux, réalisés par des maîtres ouvriers qui, dans leur atelier, peaufinent les idées réfléchies de demain. Nous n’avons pas intérêt à voir les candidats à l’élection présidentielle se contenter d’aller puiser quelques vagues idées inventées par des officines industrielles qui produisent de beaux et vains discours.
Principal de collège, agrégé d’histoire-géographie, j’ai été, dans une autre vie, technicien forestier à l’Office national des forêts et j’ai travaillé en Afrique sahélienne. |
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