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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
2-01-2012

Les think tanks : vaste escroquerie ou chance pour la démocratie ?

Avec quelques décennies de retard sur les pays anglo-saxons, les Think Tanks, les "laboratoires d'idées", se développent en France. Dans les débats à la télévision et à la radio, par l'intermédiaire de tribunes dans la presse, leur présence est de plus en plus visible, leur influence de plus en plus grande. S'agit-il d'un progrès pour nos démocraties ou, au contraire, d'un phénomène qui confirmerait la faiblesse croissante des valeurs de notre République ?

1-Une chance pour nos sociétés démocratiques :

Dans des sociétés de plus en plus complexes, le personnel politique a besoin de réflexions et de propositions concrètes qui lui permette de gouverner avec intelligence. A cet égard, les Think Tanks peuvent être source de solutions précises. Les candidats, les gouvernements et le législateur accaparés par des agendas démentiels et par les enjeux de la communication médiatique n’ont plus le temps de réfléchir et de lire ? Les Think Tanks vont les épauler et leur fournir des outils de gouvernance près à l’emploi. Dans le passé, c’était les universitaires qui faisaient ce travail, mais ils sont aujourd’hui trop spécialisés et ne sont pas en mesure de travailler précisément les solutions politiques.

Les Think Tanks séduisent, paraissent un progrès pour un personnel politique à la peine pour trouver des solutions aux difficultés de nos sociétés. Mais, est-ce si simple ?

2-Une réduction de l’esprit démocratique :

Tous les grands Think Tanks français, qu’ils soient de gauche (Terra Nova, Jean-Jaurés, Copernic ...) ou de droite (institut Montaigne, Fondapol, IFRAP), ont trois caractéristiques communes :

- leur financement est en grande partie assuré par des entreprises, le plus souvent des grands groupes.

- ils sont tous installés dans Paris intra-muros, et plus précisément dans les quartiers centraux ou de l’ouest de la capitale.

- leur direction, leurs membres ou animateurs, sont tous issus de grandes entreprises françaises et/ou proviennent des grands écoles (ENA, Polytechnique, HEC, ...).

Autrement dit, la principale singularité des Think Tanks hexagonaux est de n’être absolument pas représentatif de la variété et de la pluralité de la société française.

Comment, dans ces conditions, proposer, par exemple, des solutions à la délinquance marseillaise, ou à la disparition des services publics dans le rural profond ? Comment le faire quand on connaît si mal la majorité des problèmes que rencontrent les citoyens de notre pays ?

La connivence et l’endogamie semblent plutôt présider à leur dynamique. Comme l’écrit Choukri Ben Ayed, sociologue, professeur à l’université de Limoges, dans une tribune du Café pédagogique : "Finis la démocratie représentative, la parole au peuple, désormais le politique gouvernera en faisant l’addition de toutes ces paroles d’experts autorisés, autoproclamés."

Mais, écartons ces arguments car, si les Think Tanks sont réellement compétents, ils peuvent être utiles malgré tout ?

3-"Un flagrant délit d’incompétence" :

L’endogamie de leurs membres a une conséquence concrète : toutes leurs propositions se ressemblent. Dans ce "petit monde courtois et feutré de l’establishment parisien où se croisent experts, banquiers, avocats, hauts fonctionnaires et politiques, et où l’on tutoie la crise et le chômage sans les connaître personnellement", comme l’écrit joliment Weronika Zarachowicz dans Télérama, on parle de sujets qu’on ne connaît pas, ou très peu. On aborde les thèmes traités avec les lunettes idéologiques supposées du laboratoire d’idées auquel on appartient.

Prenons une exemple. La Fondapol, en prévision de l’élection présidentielle, vient de publier "12 idées pour la France", un magnifique texte agrémenté de superbes photos. La sixième "idée" s’intitule "l’écologie sans la décroissance, relever le défi environnemental par l’innovation et la création de richesse". Ne nous attardons pas sur la qualité de l’"idée" qui n’est qu’un titre passe-partout et non une idée.

Rentrons dans le vif du sujet et étudions les propositions : "la politique énergétique doit proposer une réponse équilibrée, satisfaisant la pluralité des demandes" ; "il est de l’intérêt de la France de produire une partie de l’énergie consommée par ses habitants, ses entreprises et ses administrations". A la lecture de ces deux premières pensées, digne d’une dissertation d’élève de seconde en Sciences économiques et sociales, on mesure le haut niveau intellectuel de ce texte qui enfonce des portes ouvertes et n’apporte rien à la réflexion sur la transition écologique.

Comme l’écrit Choukri Ben Ayed : Le propre des Think Thank c’est leur capacité à écrire sur tout, à savoir tout sur tout. Fondapol, qui se définit comme un « Think Thank libéral progressiste et européen », écrit sur la santé, les classes moyennes, le logement, le parlement, la responsabilité, la « compétitivité par la qualité », la morale, l’éthique, la déontologie, le pouvoir d’achat, la jeunesse, la liberté religieuse, l’écologie, la sortie du communisme, etc. Bref Fondapol sait tout sur tout, mais à force de tout savoir sur tout, on en finit par ne plus savoir rien sur rien.

C’est le dernier travers des grands "laboratoires d’idées" parisiens, leur endogamie les rend incapables d’une pensée originale et précises sur les sujets sur lesquels ils prétendent proposer des solutions.

4-Militer pour des Think Tanks artisanaux spécialisés :

Si on admet que nous avons besoin d’idées innovantes pour aider le personnel politique de notre pays à trouver des solutions aux crises multiples que nous devons affronter, alors nous n’avons pas besoin de ces Think Tanks de la connivence, nous avons besoin, bien au contraire, de Think Tanks ultra-compétents sur des sujets précis, diversifiés dans leur approche et leurs propositions, de manière à ce que le personnel politique puisse y puiser des idées originales et argumentées, adaptées à chaque sujet.

Revenons sur l’exemple de la rénovation écologique. Par exemple, sur la question énergétique, plutôt que d’aller consulter le texte de Fondapol, un candidat éclairé à l’élection présidentiel devra plutôt :

- aller lire le projet Négawattsur la transition énergétique. Rédigé et travaillé par une dizaine d’experts de la question, y travaillant depuis plusieurs années, ce projet réfléchi permet d’imaginer un scénario de transition solide et charpenté.

- pour maintenir une veille vigilante sur les technologies et les projets précis de système d’énergies renouvelables, les conseillers qui entourent ce candidat se connecteront sur le site découplage d’Olivier Daniélo.

- pour chercher des solutions de mise en oeuvre concrètes, sur le plan fiscal, on ira lire les articles du site fiscalité environnementale, écrit par l’auteur de ce texte, site qui propose des solutions politiques innovantes dans ce domaine.

Conclusion : nous avons besoin de ce que j’appelle des Tink Tanks artisanaux, réalisés par des maîtres ouvriers qui, dans leur atelier, peaufinent les idées réfléchies de demain. Nous n’avons pas intérêt à voir les candidats à l’élection présidentielle se contenter d’aller puiser quelques vagues idées inventées par des officines industrielles qui produisent de beaux et vains discours.

COMMENTAIRES ( 1 )
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  • aujourd’hui la "pensée" boboïsée des tartuffes citadins

    En réduisant, comme il l’a affirmé, la part du nucléaire dans la production d’électricité française (de 75 à 50 %), il va devoir encourager les énergies renouvelables, qui coûtent une fortune, et procéder à des importations. La facture des consommateurs va s’en ressentir. Qui va payer ? Tout le monde, et l’augmentation sera surtout amère pour les moins favorisés. Hollande dit maintenant qu’il fermera la centrale de Fessenheim, sans préciser s’il arrêtera deux réacteurs par an pour atteindre son objectif en 2025. De deux choses l’une donc : ou il ne tiendra pas sa promesse, ou bien, s’il la tient, le prix de l’électricité explosera. Dans les deux cas, il ment à ses électeurs.

    28.01 à 13h02 - Répondre - Alerter
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