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29-05-2008
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Développement Durable

La Chine, force de la nature

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Premier émetteur mondial de C02, l’Empire du Milieu contre-attaque vertement. Recyclage, énergies renouvelables, lois impitoyables… Le respect de l’environnement résistera-t-il au boom économique ?
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On guettait la nouvelle. Propulsée par une croissance à deux chiffres qui doit tout au charbon, la Chine vient de ravir aux Etats-Unis le titre peu glorieux de premier émetteur mondial de CO2, avec 6,2 milliards de tonnes contre 5,8 pour le deuxième. En 2010, elle devrait rejeter 600 millions de tonnes de plus qu’en 2000. De quoi s’attirer les foudres des pays développés, qui affirment suer sang et eau pour limiter, eux, leurs rejets polluants. Pour sa défense, l’Empire céleste rappelle qu’un Chinois émet quatre fois moins de CO2 qu’un Américain. Et démontre aussi par A + B qu’en tant qu’usine du monde, il n’est pas seul responsable du changement climatique actuel.

Accusée hors frontières de sacrifier l’écologie sur l’autel de la croissance, la Chine ne reste pourtant pas les bras croisés et multiplie les mesures « vertes » à l’échelle nationale. Parmi la batterie de nouvelles résolutions, Pékin a décidé de soigner sa tête. L’agence nationale de l’environnement – poids plume face aux cartels et pouvoirs locaux – a été élevée au rang de ministère. Un mois après sa création, en mars dernier, l’institution exhibe pour la première fois des mesures contraignantes de contrôle des émissions de méthane de charbon, applicables dès le mois de juillet et tente d’encadrer la pollution sur les décharges de déchets solides.

Des bouteilles collectées à la main

« Ces décisions montrent que la question environnementale est largement intégrée par les décideurs », souligne Jean-François Huchet, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine. Ce n’est pas tout. Depuis le 1er juin, les magasins ont interdiction de fournir gratuitement des sacs plastique de moins de 0,025 mm d’épaisseur, trop fins pour être recyclés. Conséquence directe de cette mesure : le premier fabricant de sacs plastique Hua Qiang a fermé ses portes. La Chine s’efforce aussi de limiter les dégâts côté énergie. Depuis un an, les centrales thermiques ont été équipées de filtres, 553 petites centrales obsolètes au charbon ont été fermées afin d’être remplacées par de plus grandes, moins consommatrices de charbon à production énergétique égale.
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Ferme d’éoliennes près de la ville chinoise d’Urumuqi

Pour ce qui est des déchets, la Chine tente d’instaurer un système de tri sélectif et de limiter le recours à l’enfouissement. Le chemin vers le succès semble encore bien difficile. « Forte » de sa réputation de poubelle du monde – 80 % des 40 millions de tonnes de déchets électroniques produits chaque année dans le monde échouent dans ses décharges –, elle s’enorgueillit de nombreuses réussites malgré son peu d’expérience. Bienvenue chez Incom, usine de recyclage de plastiques semi-publique, implantée à la périphérie nord de Pékin et présentée par les autorités comme un modèle de modernité. Bâti en 2006, ce site possède la plus grosse capacité annuelle de retraitement du pays : 60 000 tonnes de déchets plastiques contre 55 000 tonnes pour la plus importante usine française.

Grâce à des techniques importées d’Europe, les bouteilles plastique, empilées sous forme de cubes compacts, jaillissent comme neuves. « Si elle est unique en son genre, c’est que son degré de recyclage du plastique est très élevé », explique Angel, assistante de la direction. L’ensemble du processus est contrôlé sur ordinateur et la chaîne de transformation est presque entièrement automatisée. Triées, broyées, lavées, les bouteilles passent ensuite par une phase d’élimination des paillettes, puis de filtration, avant l’obtention de résines par une technique dite de « polycondensation  ». Ce sont ces résines qui donnent une seconde vie aux bouteilles et permettent d’économiser la modique quantité de 300 000 tonnes de pétrole par an.

« A Pékin, 150 000 tonnes de bouteilles plastique ont été collectées en 2006, c’est énorme », souligne Angel. Par comparaison, 230 000 tonnes d’emballages plastique ménagers ont été collectées en France en 2007. En amont de la chaîne du recyclage, le secteur reste pourtant largement informel et artisanal. Des milliers de travailleurs individuels collectent chaque jour les bouteilles plastique de la capitale pour les revendre pour quelques centimes d’euro. « Aujourd’hui, le gouvernement essaye de rationaliser les filières de recyclage, notamment pour les déchets électroniques les plus dévastateurs pour l’environnement », assure Yun Lai, de Greenpeace Chine.

Objectif : « société harmonieuse »

De fait, la Chine ne peut plus fermer les yeux. Selon les sources officielles, plus de 50 000 émeutes éclatent chaque année en raison de la dégradation de l’environnement. Selon la Banque mondiale, dont le rapport a été mystérieusement retiré de l’Internet local, 750 000 personnes meurent chaque année en Chine du fait de la pollution. De plus, Pékin enregistre une augmentation de 30 % par an de ses émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsable des pluies acides. Acteur du changement climatique, la Chine en est aussi la première victime. Ce pays-continent concentre 7 des 10 villes les plus polluées au monde, 400 000 personnes y sont victimes de maladies respiratoires chaque année et 70 % de ses cours d’eau sont souillés. « La pollution coûte à la Chine 8 % à 12 % de son produit intérieur brut en pertes directes  », estime Michal Meidan, chercheur à l’Asia Centre à Paris. Dans les hautes sphères du pouvoir, ce n’est un secret pour personne : l’environnement est le talon d’Achille de la croissance, et pourrait, à terme, coûter cher au pays. D’où la mise en avant par le président Hu Jintao du concept de « société harmonieuse », certes lénifiant, mais qui traduit la volonté d’instaurer une harmonie entre l’homme et la nature.

L’arme des « crédits verts »

Au-delà des mesures environnementales annoncées depuis le début de l’année, la Chine s’est concoctée, depuis l’arrivée de Hu Jintao au pouvoir en 2002, des plans ambitieux et inscrits sur le long terme. Réduction de 20 % de l’intensité énergétique par point de PIB d’ici à 2010, 16 % de l’électricité du pays produite à partir d’énergies non fossiles d’ici à 2020, 1,35 % du PIB attribué chaque année à la lutte contre la pollution, ou encore accès à l’eau potable pour les habitants des grandes villes. « Même si tous les objectifs ne sont pas atteignables, la volonté du gouvernement est nette », juge Frédéric Gourdin, directeur général de Suez Environnement en Chine. Et de citer des exemples de réalisations  : « Vingt villes ont été pourvues de stations de mesure de la qualité de l’air, 3 MW d’énergie solaire vont être installés à Pékin d’ici à 2008, dont 1 100 panneaux couvrant le stade olympique. »

Ouvert aux expérimentations, le gouvernement ne demande qu’une chose : que les pays riches transfèrent leurs technologies. Sur le parc industriel Shanghai Chemical Industry Park (SCIP), le plus grand du pays et gros producteur de déchets dangereux, Suez a installé une usine d’incinération d’une capacité de traitement de 60 000 tonnes de déchets par an. L’incinérateur est équipé d’un système de récupération d’énergie qui permet de revendre la vapeur produite sur le parc chimique. Ce modèle d’économie « circulaire  » a vocation à être étendu au niveau national.

Dans l’immobilier, l’Etat tente aussi d’instaurer de bonnes pratiques et va débloquer 100 millions d’euros par an pour des projets immobiliers utilisant la géothermie, l’énergie solaire ou la biomasse. Mais Pékin ne joue pas seulement sur l’incitation. Les autorités savent aussi contraindre. L’introduction en Bourse de toute entreprise dont l’activité est jugée « polluante » – 13 secteurs ont été répertoriés – doit désormais être précédée d’un bilan environnemental strict. Quant aux firmes énergivores et à celles déjà cotées, elles vont devoir plancher sur leur bilan vert et le rendre public chaque année. Les investisseurs auront ainsi toutes les cartes en main pour évaluer le risque, une firme polluante étant désormais considérée comme « non durable ».

Polluer plus pour gagner moins

Le gouvernement possède une dernière arme dans son arsenal : les « crédits verts ». Inaugurés à la mi-2007, ils ont pour but de limiter ou geler l’accès au crédit d’entreprises polluantes. Le principe : le ministère de l’Environnement livre à la Banque centrale et au régulateur bancaire une liste d’entreprises susceptibles d’être mises au ban des établissements financiers pour avoir transgressé les réglementations environnementales. Plus de 30 000 firmes ont ainsi été épinglées. Seul problème : certains gouvernements locaux ont tendance à protéger les industries à taux de profit élevé…

Fort heureusement, la population pourrait en venir à se saisir des problèmes, car la prise de conscience environnementale n’est pas confinée à un cercle de happy few. Comme le rappelait Pan Yue, ministre de l’Environnement, « sans la participation du public, il ne peut y avoir de protection de l’environnement ». Les ONG vertes ont elles aussi fleuri, comme Global Village Beijing, dont l’objectif est de sensibiliser la population pékinoise à la protection de l’environnement. Membre de longue date, Junling a ainsi fait campagne pour le réglage des climatiseurs sur 26° C. « Si les climatiseurs de Pékin étaient réglés sur cette température, explique t-elle, cela diminuerait les émissions de dioxyde de soufre de 1 200 tonnes par an. »

Toutefois, de nombreux obstacles aux politiques « vertes » subsistent. D’une part parce que la question environnementale en Chine doit composer avec l’appétit de ses habitants pour les grosses cylindrées. Rien qu’à Pékin, 1 000 nouveaux véhicules prennent chaque jour possession du bitume. D’autre part, parce qu’il est difficile d’inciter aux économies d’énergie une population qui se chauffe et roule quasiment « à l’oeil ».

L’Etat contrôle en effet les prix à la pompe et décide de la température à laquelle les immeubles sont chauffés. Autre problème : sans tradition juridique, les lois environnementales sont souvent mal ou peu appliquées par des autorités locales, accrochées à la croissance de leur PIB. Ainsi, un amendement du 28 février prévoit que les patrons des entreprises les plus polluantes pourront perdre jusqu’à 50 % du salaire de l’année précédente. Mais sans justice indépendante, comment faire appliquer les lois ?

Pressée, la Chine s’emploie à développer des prototypes, à l’image de l’usine de recyclage de plastiques de Pékin, destinée à être dupliquée. Symbole d’une Chine « verte », cette usine fait la fierté de la presse officielle, qui lui a tressé des lauriers qu’elle ne mérite pas, la qualifiant à tort de « plus grande usine de recyclage de plastiques au monde ». —


Débordés par des déchets... importés

Avec 1,3 milliard de tonnes de déchets industriels en 2005 – dont 11,6 millions de résidus dangereux – et plus de 150 millions de tonnes d’ordures ménagères, la Chine dépasse largement ses capacités de traitement. Seuls 3 % à 5 % des déchets seraient ainsi recyclés et, malgré cela, le pays en importe à tour de bras. Faute de moyens, 7 milliards de tonnes d’ordures ont été stockées aux portes des villes en 2004, sur une surface de 500 millions de m². L’enfouissement, alternative peu coûteuses au recyclage, pose problème car les centres sont construits sans système efficace d’étanchéité. Néanmoins, les choses évoluent : l’incinération, qui permet de réduire la masse des déchets et de produire de l’électricité, se développe. Et le gouvernement multiplie les efforts pour inscrire leur gestion dans un cadre juridique moderne. En 2003, un programme prévoyait ainsi d’augmenter la capacité de traitement des déchets dangereux et médicaux. Autre révolution : le concept des 3R – réduire, réutiliser, recycler – a été inscrit dans le XIe plan quinquennal (2006-2010).

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