"Au début, on a dû oeuvrer en cachette."
Bertram Späth se souvient avec amusement
de ses premiers pas dans l’hôtellerie.
« C’était en 1985. Avec ma femme on venait
de racheter le Victoria avec l’intention d’y appliquer nos idées. »
Le Victoria ? Un hôtel chic au centre de Fribourg, dans le sudest
de l’Allemagne. Contre l’avis de leur entourage et de leur
banque, le couple se lance alors le défi de conjuguer standing
et développement durable. « A l’époque, l’environnement
c’était antimarketing, raconte t-il. L’écologie ça voulait dire la
révolution, les épinards… Rien à voir donc avec un hôtel quatre
étoiles et les préoccupations de la clientèle visée. »
Pour ne pas effrayer les touristes,
Bertram et Astrid transforment
progressivement le fonctionnement
de leur établissement. Par touches
homéopathiques. « On a commencé par
de petites choses, comme le buffet du petit
déjeuner : avant, les confitures, le beurre
ou le sucre étaient présentés sous forme de
portions individuelles, ce qui multipliait
le déchets. » Les époux Späth mettent
fin à ce système et se fournissent
depuis auprès des producteurs bios
de la région. Les deux propriétaires
s’attachent ensuite à un plus gros
chantier : les économies d’énergie.
Ampoules à basse consommation,
isolation thermique renforcée,
détecteurs de présence pour limiter l’utilisation des lampes :
rien n’est laissé au hasard. Autre innovation : les machines à
laver sont reliées au réseau d’eau chaude et n’utilisent plus
leurs résistances, gourmandes en électricité.
600 000 euros investis et une pluie de trophées
Mises bout à bout, ces mesures donnent rapidement des
résultats : le Victoria nouvelle formule consomme 15 à 30 %
d’énergie en moins. Et sans conséquence sur le bien-être des
clients.
« Une personne qui paie 200 euros pour sa chambre
ne peut pas accepter d’avoir de l’eau froide dans sa douche,
commente Bertram Späth.
Nous savions que notre entreprise
ne pourrait fonctionner qu’à condition de maintenir un haut
niveau de confort. » Pour rendre l’engagement écolo le moins
contraignant possible, l’ensemble du personnel met donc la
main à la pâte. Les femmes de chambres sont, par exemple,
chargées d’éteindre les téléviseurs restés en veille ou de trier
les déchets des clients qui n’ont qu’une seule poubelle à leur
disposition.
Mais la grande fierté des propriétaires est située au soussol
du bâtiment. Derrière une lourde porte en bois : une
chaudière jaune, conçue sur mesure et alimentée par des
copeaux de bois, qui produit 90 % de l’eau chaude et du
chauffage de l’établissement.
« Le bois provient des déchets d’une scierie voisine, explique Bertram Späth. Et
les cendres sont réutilisées comme fertilisants par les
agriculteurs de la région. » Pour compléter le tout,
le couple a installé des panneaux photovoltaïques
sur le toit de l’hôtel et investi dans un parc éolien.
« Nous avons aussi opté pour un fournisseur
d’électricité verte », précise-t-il. Au total, les
époux Späth ont investi près de 600 000 euros
pour faire de leur établissement le premier hôtel
« zéro émission » du monde. Leur initiative qui
avait commencé en catimini fait désormais figure
d’exemple. Energy Globe Award, Environnement
Award… les distinctions pleuvent. Et aujourd’hui,
Bertram Späth raconte son histoire à des
journalistes ou des groupes de curieux débarquant
du monde entier.
« Des Japonais ont écrit un livre
sur nous et demain j’ai rendez-vous avec une télé
coréenne. En une une dizaine d’années, la situation
s’est complètement inversée », conclut-il. —
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