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3-10-2007
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Développement Durable
France

Grenelle : la France voit vert

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Ecologie industrielle, plans de déplacement, chimie verte... L’Hexagone voit fleurir d’étranges pratiques. Portées par des Français visionnaires, ces expériences démontrent, à quelques jours du « Grenelle de l’environnement », que le développement durable n’est plus une utopie. Reportage.
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La France, pays du tout nucléaire, de l’agriculture chimique et de la voiture reine ? Certes, mais pas seulement. Des citoyens de l’Hexagone n’ont pas attendu Nicolas Hulot et le Grenelle de l’environnement pour cesser de croire que le développement durable (DD, pour les intimes), c’est un maximum de croissance le plus longtemps possible, que le bio, c’est un yaourt au bifidus actif, et que l’effet de serre, c’est une maladie du bronzage UV. L’écologie a fini par intéresser des acteurs publics et privés. Car non seulement préserver l’environnement bénéficie aux générations futures, mais cette démarche peut rapporter gros. Les expériences de nos voisins d’Europe du Nord en matière de gestion des déchets, de transports « doux », d’éco-conception ou de protection des ressources se sont petit à petit acclimatées ici.

De l’Aube à l’Aude, de l’Alsace à Lyon, notre tour de France de ces innovations prouve que, si le pays n’a pas encore revêtu le maillot jaune de l’économie verte, il est loin de figurer en queue de peloton. François Fillon, le Premier ministre, invoque même une « croissance verte », sans craindre l’oxymore. Dans tous les cas, le Grenelle de l’environnement constitue une caisse de résonance idéale pour ces bonnes pratiques.

Narbonne : un bon tuyau pour les déchets

« Chéri, tu veux bien descendre la poubelle ? » Cette injonction risque fort de devenir obsolète dans quelques années à Narbonne (Aude, 47 000 habitants). Terminé aussi, le ballet des camionsbennes, tôt le matin ou au coeur de la nuit. La sous-préfecture audoise s’est en effet lancée, début septembre, dans la construction d’un quartier révolutionnaire.

Non loin du centre, ses 650 logements plantés sur 13 hectares bénéficieront – une première en France – de la collecte et de l’évacuation des déchets domestiques par réseau souterrain. Les habitants les déposeront dans des points de collecte situés sur la voie publique ou dans les immeubles. Les déchets seront ensuite aspirés dans un système de canalisation, jusqu’à un terminal central. Là, ils seront triés, mis en conteneurs et dirigés vers des centres de valorisation, de compostage ou d’enfouissement. Adieu poubelles et mauvaises odeurs.

Le retour des égouts romains

Ce système de collecte pneumatique et totalement automatisé, dont le professeur Tournesol aurait rêvé, s’appelle Envac, du nom de la société suédoise qui l’a créé. Premier fournisseur mondial de systèmes de collecte de déchets automatisés souterrains, l’entreprise va installer, gérer et entretenir le réseau narbonnais. Envac n’en est pas à son coup d’essai. Elle affiche à son palmarès une centaine de villes dont Barcelone, Taïwan, Copenhague, ou Stockholm. La cité audoise envisage déjà d’étendre le principe à d’autres quartiers, y compris au coeur du centre historique, en passant par les égouts d’époque romaine.

Le réseau permettra de réduire significativement les rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère : « 13,1 tonnes de CO2 par an au lieu de 16,3 tonnes pour la collecte traditionnelle », affirme le maire Michel Moynier. Selon lui, « les panneaux photovoltaïques installés sur le terminal produiront 25 % des besoins du système, le reste de l’électricité étant fourni par un contrat d’achat d’électricité renouvelable  ». Les travaux s’achèveront en avril 2008 pour un coût de plus de 5 millions d’euros. Contrepartie financière : Envac devrait permettre à terme de réduire la taxe sur les ordures ménagères grâce à une baisse générale du coût de la collecte. Engagée dans une politique « zéro déchet non-valorisé », Narbonne soigne donc un peu plus son image de cité écolo. Les énergies renouvelables sont, elles aussi, dans le vent : près de la ville, une ferme photovoltaïque de 80 000 m2 de panneaux solaires sera opérationnelle l’année prochaine. Objectif : atteindre l’indépendance énergétique pour les bâtiments et l’éclairage publics.

Troyes : de la betterave naît le sable

Au début de l’histoire était la betterave… Direction Troyes dans l’Aube, à deux heures au sud-est de Paris. Dans la série les ordures des uns font le bonheur des autres, l’écologie industrielle adapte le refrain « rien ne se perd, tout se transforme ». Inventée au Danemark, à Kalundborg, l’économie circulaire a élu domicile près de Troyes, dans la sucrerie Cristal Union d’Arcis. De septembre à janvier, elle tourne au milieu des betteraves 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Casque de sécurité sur le crâne, le directeur du site, Benoit Lazilel, raconte la « synergie des sables ». «  La betterave sucrière a une caractéristique : il reste toujours un peu de terre, même si l’arrachage a été propre.

En fait, un peu de calcaire et beaucoup de sable. » Très peu par betterave. « Mais cela fait tout de suite des quantités importantes. A peu près 300 tonnes au quotidien, pour 22 000 à 24 000 tonnes de betteraves traitées » pendant quatre mois. Soit des milliers de tonnes de sable, pour lesquelles l’usine a obligation de prévoir un retraitement, puisque les sables sont considérés comme des déchets industriels. Certifiée ISO 14 001, la sucrerie doit réduire au maximum ses impacts sur l’environnement et maîtriser ses déchets. Jusqu’ici, elle répandait son sable sur les champs (de betteraves, entre autres), le donnait aux agriculteurs pour remblayer les chemins, ou l’enfouissait.

Des solutions au coup par coup. « Pour nous industriels, la pérennisation est importante et c’est ce qui nous intéresse avec Appia Champagne », une entreprise de travaux publics, installée près de Troyes, et filiale d’Eiffage, le concessionnaire du viaduc de Millau. Son patron, Patrick Thomassin, est à l’origine de cette première symbiose industrielle de la région. Une chance pour les carrières Du gagnant-gagnant : Cristal Union économise les coûts d’enfouissement des déchets inertes (70 euros la tonne) et Appia récupère gratuitement le sable pour ses travaux publics, épargnant ainsi ses carrières.

Comme le précise Patrick Thomassin, « ce ne sont pas des ressources inépuisables. Ce sont toujours 10 000 tonnes économisées. » D’autant que l’Etat prélève une taxe sur l’extraction : 10 à 12 centimes d’euro la tonne. Surtout, c’est bon pour l’image d’entreprises du BTP souvent montrées du doigt. « Dans les marchés publics, on nous demande de plus en plus de la haute qualité environnementale.  » Une louche de betteraves, une pincée de sable et un peu de bon sens font-ils la recette de l’écologie industrielle ? A la Chambre de commerce et d’industrie de Troyes, Bernard Castaing, directeur d’Aube Développement, est enthousiaste. « Ce qui intéresse le plus les entreprises aujourd’hui, ce ne sont pas les conditions d’implantation, mais les conditions d’exploitation. Il faut avoir quelque chose à leur proposer pour les faire venir. » Le Club d’écologie industrielle de l’Aube a donc créé Comethe, un projet retenu par l’Agence nationale de la recherche pour développer une méthode d’écologie industrielle applicable à chaque territoire. On trouve, à sa tête, le pape français du sujet, Dominique Bourg. Le philosophe vice-préside d’ailleurs la commission Compétitivité et emploi du Grenelle de l’environnement.

Schiltigheim : on bouge “ collectif ”

A Schiltigheim, près de Strasbourg, la coopération entre sociétés porte un nom barbare : le PDIE. Ce plan de déplacement inter-entreprises a été ratifié en août par une demi-douzaine d’acteurs institutionnels – Chambre de commerce et d’industrie, région Alsace, communauté urbaine de Strasbourg… – et 300 entreprises employant au moins 4 500 salariés. Objectif : favoriser « l’utilisation par les salariés des modes de transports alternatifs à la voiture personnelle  ».

Il s’agit de les sensibiliser au vélo ou à l’autopartage, mais aussi de leur proposer des solutions. L’Espace européen compte par exemple faire du lobbying et même des études de faisabilité pour le prolongement de la ligne de tramway vers sa zone, ou améliorer la fréquence des bus. Si l’on en croit Vincent Triponel, président de l’Espace européen, « outre l’importance sociale et écologique d’éviter que chacun se retrouve seul dans sa petite voiture, il y a aussi un enjeu économique  : éviter à nos salariés de perdre du temps dans les bouchons et prévenir les accidents et les incapacités qui en découlent, facteurs de charges pour l’entreprise.  » Rouler moins pour travailler plus. Et mieux.

Vittel : les agriculteurs se mettent à l’eau

Autre exemple d’alchimie réussie entre intérêt public et privé : la préservation des eaux de Vittel. L’eau minérale fait partie du patrimoine national, mais son exploitation dépend de Nestlé. En 1989, l’excès de nitrates menaçait les sources. Un projet de gestion de l’eau mené avec l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) a débouché sur la fondation de la société Agrivair, filiale de la multinationale suisse. Sa mission : empêcher les pollutions issues de l’agriculture intensive. La société a racheté des terres, jusqu’à posséder la moitié de la vallée, et, plus intéressant, a conclu un partenariat avec les paysans locaux sur le modèle de ce qui se pratique sur les bassins versants de Munich.

Les agriculteurs se sont engagé à respecter un cahier des charges pointu, proche de celui de l’agriculture biologique (interdiction des produits phytosanitaires et des pesticides, rotation des cultures…). En échange, Vittel n’est pas ingrate : elle a versé une aide sur cinq ans, à l’hectare, et assure des prestations gratuites telles que le désherbage, l’épandage, le compostage. Au total, 92 % des surfaces sur Vittel ont adhéré au cahier des charges, sur dixhuit ou trente ans. Pour cela, l’entreprise aura investi 24 millions en sept ans, dont près de 5,5 millions d’euros pour l’achat des parcelles et 3,8 millions pour les investissements dans les exploitations.

Seul hic : la déresponsabilisation de certains agriculteurs. En revanche, sur les 26 ayant contractualisé avec Vittel, 14 ont fait le choix de se convertir à l’agriculture biologique, s’imposant des contraintes – mais aussi des débouchés – supplémentaires.

Lyon : ça hume le bitume

Stimulés notamment par la directive européenne Reach, qui réglemente les substances toxiques, les débouchés devraient se multiplier pour les produits issus de la chimie verte. Celle-ci vise à remplacer les solvants toxiques par des produits neutres, ou à tirer les matières premières du monde végétal plutôt que du pétrole. Les innovations se nichent partout. Exemple : l’additif à macadam commercialisé depuis 2006 par l’entreprise française Ceca (groupe Arkema) et récompensé par le prix Pierre-Potier du ministère de l’Industrie.

La recette de cette « poudre de perlimpinpin  » reste secrète. Tout juste saiton qu’elle s’appuie sur les propriétés de molécules proches du savon qui permettent de réduire de 40°C à 50° la température du mélange, en conservant la même fluidité que les enrobés traditionnels. Ces derniers (95 % de gravier et 5 % de bitume) sont chauffés entre 160 et 180°C. Avec 2 à 4 kg d’additif vert par tonne de mixture, « la consommation d’énergie des centrales est réduite de 20 % à 50 %.

C’est autant de monoxyde et de dioxyde de carbone et d’oxydes d’azote en moins », explique Gilles Barreto, le responsable du laboratoire de recherche chez Ceca à Lyon. La centrale économise également de l’énergie et génère dix fois moins de poussières. Les premiers chantiers démarrés en France ont aussi confirmé une moindre pénibilité pour les ouvriers, car la chaleur rayonnée par l’asphalte fraîchement déposé sur la route est fortement réduite. Pourtant, le produit n’a pas encore obtenu l’estampille « 100 % vert ». « Nous utilisons 60 % de substances d’origine végétale », explique Guillaume Legouis, responsable de la division d’additifs pour bitumes chez Ceca. Le reste dérive du pétrole, mais l’entreprise vise un taux de 100 % de matières premières végétales.

Economies de fuel

Les débouchés et les avantages apparaissent évidents. A l’échelle européenne, la généralisation de l’enrobé tiède permettrait une économie de fuel de 700 000 tonnes par an. Chaque année, 350 millions de tonnes de macadam sont déposées sur les routes du Vieux Continent, dont 40 en France. Mais la bataille sera rude. Car Vinci et Mitsubishi peaufinent actuellement un produit révolutionnaire. Leur revêtement, en test dans une rue de Dinan (Côtes d’Armor), absorberait une part importante des polluants émis par les véhicules.

De quoi donner la banane aux constructeurs automobiles, souvent pris pour cible. La route s’arrête ici pour ce tour de France du développement durable. Provisoirement seulement. Car le Grenelle de l’environnement n’est que la première étape d’un long parcours. Et nous saurons très vite si ses participants se lancent à l’assaut d’une montagne, ou si celle-ci accouche d’une souris. —

Sources de cet article

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- Grenelle : les dossiers qui coincent (1/3)

- Grenelle : les dossiers qui coincent (2/3)

- Grenelle : les dossiers qui coincent (3/3)

- Attention, avalanche d’emplois

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- La planète peut-elle se passer du nucléaire ?


ALLER PLUS LOIN :

- Narbonne

Le site de la ville

Le site de la société Envac

- Troyes

Le site de la ville

Le site de l’université

Le site de la société Cristal Union

- Schiltigheim

Le site de la ville

Le site de la région Alsace

- Vittel

Le site de la ville

Le site de l’Inra->www.inra.fr/sad/vittel]

- Lyon

Le site de la société Ceca

Le site de la société Vinci

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