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18-01-2007
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Social
Société
France

Droit au logement : les discours... et la réalité

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Le coup médiatique de l'association des Enfants de Don Quichotte a placé le logement social au cœur du débat présidentiel. Terra Economica revient sur ce thème et bat en brèche 10 idées reçues.
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2006, année faste pour le logement en France ? On dénombrait 430 000 nouveaux chantiers l’an dernier, contre 260 000 en 1997. Un constat qui vaut aussi pour la construction de logements sociaux. Le rythme a doublé depuis 2000. Problème : il en manque toujours 900 000 ! "On n’a rien bâti pendant vingt-cinq ans. Et ce qu’on propose aujourd’hui est hors de la portée des ménages", souligne Christophe Robert, chargé d’études à la Fondation Abbé Pierre. Une pénurie aggravée par les mutations sociales des dernières décennies : vieillissement de la population, augmentation des séparations... et surtout, développement de la précarité. Résultat : on recense en France 3,5 millions de mal-logés. Pour réveiller l’opinion publique, l’association Les Enfants de Don Quichotte a planté ses tentes dans une dizaine de villes. Des centaines de bénévoles se sont installés sous les toiles, en signe de solidarité avec les sans-abri. Le 3 janvier, Dominique de Villepin, dans les traces du président Chirac, annonçait l’instauration d’un droit au logement opposable. Que cela signifie-t-il ? Est-ce réaliste ? Dix questions pour comprendre.

(1) Le droit au logement est inscrit dans la Constitution

Faux. Le chef de l’Etat et son Premier ministre se sont engagés ces derniers jours à garantir un droit au logement universel d’ici à 2012. Mais il n’est pas (encore) question d’inscrire ce droit dans la Constitution, malgré les demandes de plusieurs associations et personnalités. Pourtant, écrit la député européenne socialiste Marie-Noëlle Lienemann, "l’obligation de résultat, inscrite dans la Constitution représenterait un objectif contraignant pour tous les acteurs publics et un grand espoir pour ceux qui peinent à se loger." Du côté des textes internationaux, la Déclaration des droits de l’Homme de 1948 stipule que "toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires". En France, la loi Besson de 1990 a reconnu le droit au logement comme un "devoir de solidarité".

(2) Le droit au logement ne concerne que les SDF

Faux. Dans son discours du 3 janvier, Dominique de Villepin a insisté sur le caractère universel du droit au logement. "Au-delà de celles et de ceux qui sont sans toit, il ne faut pas oublier ceux qui vivent dans un habitat insalubre ou indécent, qui subissent une cohabitation forcée, ou habitent dans des espaces trop petits pour assurer une vie de famille", a-t-il souligné. La crise touche d’ailleurs aussi ceux qui ont un logement. "Pour les locataires, les aides pour le logement (APL) n’ont été revalorisées que de 2,8 % sur dix-huit mois, alors que les loyers ont progressé de plus de 5 %", explique Corinne Rinaldo, de la Confédération nationale du logement (CNL). En moyenne, les ménages consacrent 20 % de leur budget à leur logement. Mais, ce sont bien les plus pauvres qui sont durement touchés : en 2002, ce poste représentait 40 % du budget des 10 % des ménages les plus défavorisés.

(3) L’Etat n’a jamais construit autant de logements sociaux

Vrai (depuis la dernière décennie), même si cela ne suffit pas. Le parc social s’est agrandi de 80 000 logements en 2006, alors que seulement 40 000 avaient été construits il y a cinq ans. Un chiffre qui devrait être porté à 120 000 en 2007 soit "le niveau de 1990", rappelle Benoîte Bureau, de l’association Droit au logement (DAL). Mais même si les objectifs sont tenus, il manquera toujours 300 000 toits début 2012. De plus, la part des logements « très sociaux », accessibles aux plus démunis, est réduite, au profit de logements dits "intermédiaires". Ces derniers représentaient 9,2 % des nouvelles constructions du parc social en 1996, puis 29,9 % fin 2005. Or, le revenu minimum exigé y est de 1 130 euros ! Du coup, le gouvernement a récemment promis de bâtir 80 000 logements "très sociaux" en 2007.

(4) L’Etat consacre une part de plus en plus importante au logement

Faux. Malgré les mesures annoncées, la part du PIB dévolue au logement est en baisse. En 2000, la collectivité (Etat, collectivités locales et partenaires sociaux) a consacré 2,04 % du PIB à ce secteur, dont plus de la moitié financée directement par l’Etat. Six ans plus tard, la part totale s’est réduite à 1,82 %, l’Etat prenant en charge 1,13 % à lui tout seul.

(5) La loi 2006 sur le logement ne vise pas les plus défavorisés

Les avis sont partagés. La loi de juillet 2006 baptisée Engagement national pour le logement (ENL) prévoit notamment une construction accélérée de logements sociaux, l’interdiction des coupures d’eau, électricité et gaz pendant l’hiver. Elle cherche aussi à dynamiser le secteur privé, tout en encadrant les loyers. Selon l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi), les trois quarts des locataires du privé possèdent des ressources inférieures au plafond HLM. C’est donc un secteur sur lequel il faut compter. "C’est sur l’encouragement à la remise sur le marché de logements vacants qu’il convient de mettre l’accent. Cela pourrait rapidement augmenter l’offre de 300 000 logements sur l’ensemble du territoire", estime l’organisation dans son Livre blanc, paru à la mi-2006. Un organisme gouvernemental, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) gère les déductions fiscales pour les propriétaires, en échange d’un encadrement des loyers.

Mais ce type de dispositif ne fait pas l’unanimité car il favoriserait, selon certaines associations de locataires, un public déjà aisé. "Les propriétaires financent leurs rénovations, presque sans contrepartie, s’inquiète Corinne Rinaldo. Les loyers sont plafonnés pendant neuf ans, mais à un niveau élevé. Et personne ne vérifie le niveau de hausse des prix si le locataire est remplacé au bout de trois ou quatre ans." Le gouvernement veut également faciliter l’accès à la propriété. "Mais les maisons à 100 000 euros, ce n’est pas pour les smicards, poursuit Corinne Rinaldo. Sans parler du problème de surendettement qui va se poser dans 10 ans." Pour Benoîte Bureau, du DAL, "l’Etat dépense des milliards, mais il ne les dépense pas pour ceux qui en ont besoin. Pour sortir de la crise, il faut construire plus de logements sociaux, réglementer les loyers, et, à moyen terme, réquisitionner les bâtiments vides."

(6) L’hébergement d’urgence est insuffisant

Vrai. Il est indispensable d’ouvrir de nouvelles places. Selon le Secours catholique, l’espérance de vie d’une personne dans la rue "ne dépasse pas 47 ans". Pour faire face à la demande, 27 000 nouvelles places sont prévues pour 2007. Mais un lit de fortune n’est pas un logement stable, à plus forte raison pour les 14 000 enfants qui sont hébergés dans ces centres. Trois types d’hébergement existent : les centres d’urgence censés accueillir tout le monde, les centres d’hébergement et d’insertion sociale et les maisons-relais. Pour Claude Chaudière, qui représente Médecins du monde à la Commission pour le droit au logement opposable, les centres d’urgence "manquent de places et restent une solution temporaire : une semaine, renouvelable une fois maximum. Les conditions de vie y sont difficiles, avec plusieurs personnes dans une même chambre, et la fermeture des centres pendant la journée."

(7) Les financements annoncés vont résoudre les difficultés

La batterie d’annonces de la part du gouvernement en faveur des SDF laisse perplexe Médecins du monde. "Si nous obtenons vraiment ces financements annoncés en 2007, ce sera une avancée, mais la montée de la précarité nous empêche de prévoir. De plus, même lorsque nous avons des financements, nous ne trouvons pas toujours des locaux."

(8) "Oui aux logements sociaux, mais pas chez moi"

L’équation barre d’immeubles, violence et grande pauvreté constitue un épouvantail pour l’opinion publique. "C’est un argument pour faire peur. Les nouveaux logements sociaux sont de bonne qualité, et s’intègrent bien dans le paysage. Et deux tiers des ménages français - 1,3 million - disposent d’un revenu sous le plafond du logement social. Ils ne sont pas de grands marginaux", souligne Christophe Robert. Du côté des villes, "on se heurte au manque de foncier et à la réticence des habitants", explique Laurent Gélineau, directeur des services sociaux à La-Celle-Saint-Cloud, en région parisienne. En 2005, les logements sociaux n’y représentaient que 3,6 % des constructions. "Il s’agit surtout d’un choix politique, rétorque Christophe Robert. La question est plutôt : que construire ?"

(9) La règle des 20 % de logements sociaux est désormais appliquée

Pas par toutes les communes. La loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU) de 2000 imposait aux villes de prévoir au moins 20 % de logements sociaux dans les nouvelles constructions. Fin 2005, un tiers des communes n’atteignait même pas la moitié de ce chiffre. Certaines s’y mettent avec un peu de retard. "Nous avons construit 140 logements sociaux entre 2001 et 2005, dont 42 à la seule initiative de la commune", argumente Laurent Gélineau. D’autres continuent de payer les pénalités, comme Allauch, dans les Bouches-du-Rhône, qui n’avait construit aucun des 191 logements sociaux nécessaires pour atteindre son quota en 2005. "Il faut des pénalités plus importantes, mais aussi un ‘‘véritable’’ recours contre les communes qui ne respectent pas leur quota. Mais les 20 % de logements sociaux ne doivent pas être un objectif : c’est un minimum à atteindre", explique Benoîte Bureau.

(10) Faut-il tout détruire et tout recommencer ?

Oui, mais pas dans la précipitation. Depuis 2006, la Fondation Abbé Pierre estime que plus d’un million de personnes vivent dans "l’inconfort". Un doux euphémisme pour des logements sans W.-C., douche ou chauffage. En 2003, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) avait été créée, avec l’objectif de réhabiliter 400 000 logements, démolir et reconstruire 200 000 autres. Le bilan est moins glorieux : "Quand on démolit 400 logements, on construit 30 logements sociaux, généralement trop chers pour les anciens locataires et 40 en accession à la propriété familiale. On installe des espaces verts, une ligne de bus... ce qui améliore les conditions de vie, mais augmente les loyers et les charges, même pour ceux qui n’ont pas été délogés", s’inquiète Corinne Rinaldo. Dans son livre blanc paru en mai 2006, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi) parlait de 81 000 logements détruits, pour 78 500 constructions. Plus grave : "ce ne sont pas toujours des bâtiments en mauvais état qui sont détruits. C’est aussi un moyen pour les communes d’écarter les plus pauvres", s’alarme le DAL.


ALLER PLUS LOIN

Surfer

- Le site du ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement :

- Le site de la Fondation Abbé Pierre

- Le site de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI)

- Le portail de l’Agence nationale de l’habitat (Anah)

- Le site de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru)

- Le site des Enfants de Don Quichotte

- Le site de Médecins du Monde

Feuilleter

- Les SDF, Véronique Mougin, Editions Cavalier bleu, 128 pages, 9 euros.

- Des rues et des hommes, André Lacroix, Editions Dunod, 18 euros.

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