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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
21-09-2011

Lutter contre le chômage : aller plus loin que le contrat de génération

Dans les propositions des candidats à la primaire socialiste, une proposition retient l'attention : le contrat de génération. De quoi s'agit-il ? De contractualiser l'embauche d'un jeune en échange du maintien d'un emploi senior, celui-ci formant le premier. Le contrat de cinq ans suppose une exonération des charges sociales.Le financement de cette mesure sera assuré par la suppression d'autres exonérations (en particulier celles sur les heures supplémentaires).

Cette mesure semble bien séduisante. Pourtant, est-elle aussi innovante qu’elle y paraît ? Après tout, il s’agit, encore une fois, de relancer l’emploi par une réduction des charges.

Or, on connaît les conséquences de ces exonérations : le nombre de cotisants diminuant, les déficits des différentes caisses continuent de croître. Même si, pour la mettre en place, on supprime d’autres réductions, il n’en reste pas moins que ce dispositif, après tant d’autres, va participer à l’asphyxie progressive de nos caisses, répartissant les charges sociales sur un nombre toujours plus réduits de salariés. Cette mesure ne fera donc pas baisser le coût du travail en France

Nous allons proposer ici une autre méthode, bien plus innovante, construite autour de quelques principes :

- Il faut cesser de compartimenter les problèmes : le coût du travail, c’est les problèmes réunis du chômage, de l’assurance-maladie et des retraites.

- dans une société globalisée et complexe, il faut laisser les acteurs faire leurs choix en leur proposant des solutions qui les laissent assumer les avantages et inconvénients de leurs préférences.

- le coeur de nos problèmes est la réduction constante de la proportion de salariés dans la population active, il faut permettre au plus grand nombre d’accéder au travail, ce qui signifie un partage de celui-ci. Il faut tenir compte des erreurs commises dans la mise en place des 35 heures pour inventer un autre système.

Notre démarche se construit autour du système français de solidarité nationale. En France, l’ensemble des prélèvements payés par l’employeur est équivalent au salaire net payé. Si un salarié reçoit chaque mois 2000 euros, son employeur cotise environ pour 2000 euros. Cet argent sert à financer les retraites, le chômage et l’assurance maladie. Créer un emploi, c’est donc pour l’entrepreneur, dépenser chaque mois 4000 euros.

Dans le système que nous proposons, la base de travail est de trois salariés pour créer un emploi nouveau similaire. Prenons une entreprise et trois salariés qui ont tous acceptés de participer au nouveau dispositif de partage du travail, et donc de création d’un emploi. La durée légale du travail étant en France de 35 heures, ces trois personnes représentent un temps cumulée de 105 heures et un coût pour l’employeur de 12000 euros (sur une base de 2000 euros net par mois). Une personne est embauchée. Ce nouveau salarié et les trois anciens travaillent désormais 30 heures chacun, soit une base de 120 heures. L’employeur a donc gagné 15 heures. Il va pourtant garder un coût à 12000 euros pour ces quatre salariés. De quelle manière ? Chaque salarié a accepté une petite réduction de salaire de 200 euros en échange de sa réduction de durée du travail, l’ensemble des salaires nets revient donc à 7200 euros (6000 euros précédemment). Pour compenser cet effort de l’employeur, on réduit ses cotisations à 4800 euros (au lieu de 6000 euros). La collectivité doit donc trouver 1200 euros. Elle va d’abord pouvoir économiser les cotisations chômage du nouveau salarié. Elle va surtout demander des efforts supplémentaires aux entreprises et aux salariés qui n’auront pas faits les efforts effectués par ceux qui auront accepté de "jouer le jeu". Ces efforts vont prendre la forme de contributions demandés à la fois aux entrepreneurs et aux salariés. Ces contributions pourront être de l’ordre de 10 euros par mois par salarié et de 20 euros pour l’employeur. Dans le temps, que se passe-t-il ? Ces contributions vont augmenter chaque année de manière faible et progressive pour atteindre 100 euros par salarié au bout de 10 ans. Cette progression est nécessaire pour permettre de financer les volontaires qui rentreront dans ce nouveau système. Les entrepreneurs, qui ont joué le jeu, bénéficent d’une réduction de leur cotisations mais elle est limité dans le temps (à trois ans par exemple). Puis, toujours de manière progressive, les cotisations recommencent à augmenter et retrouveront le niveau normal dix ans après le début du processus.

Quelques remarques sur la méthode :
- la démarche repose sur un double volontariat : celui de l’entrepreneur et celui de trois salariés acceptant de perdre une partie de leur salaire (10%) en échange d’une réduction de temps de travail de 15% et travaillant dans le même service ou ayant des emplois similaires. Réclamant ces conditions, la démarche ne sera acceptée que lentement ce qui réduira le coût de cette réforme.
- Celle-ci sera pourtant inexorable car l’avantage comparatif de salaires des "conservateurs" sera lentement rogné par leurs contributions. De plus en plus de "novateurs" apparaîtront, alimentant un basculement progressif puis définitif du système.
- quand nous proposons de passer de 3 à 4 salariés et de 105 heures cumulées à 120 heures, il ne faut pas le voir uniquement comme un avantage pour l’employeur. Aujourd’hui, la recherche d’une meilleure productivité pousse souvent les employeurs à exiger du salarié qu’il fasse en 35 heures ce qu’il devrait faire en 45 heures. En passant de 3 à 4 personnes pour les mêmes tâches, on va donc aussi réduire la pression sur chacun d’entre eux et donc augmenter leur confort de travail à tous.
- il est évident que si l’employeur licencie alors qu’il bénéficiait du dispositif de partage du travail, il en perdra les avantages.
- Ce chiffre de 120 heures s’explique aussi par le fait que l’un des salariés peut être âgé. Dans notre système de partage du temps de travail, les volontaires salariés acceptent aussi de partir à la retraite à 70 ans. Mais en échange, leur durée de travail passe à 20 heures hebdomadaire à partir de 60 ans. 20 heures annualisés qui permettront à ces salariés "pré-retraités" de partir en vacances 6 mois par an et de travailler 30 heures par semaine les 6 mois suivants ou de travailler 15 heures par semaine. Cette règle de 70 ans sera, bien entendu, modulée en fonction de la pénibilité de carrière.
- ce système de partage du travail ne cherche pas à opposer employeur et salariés mais, au contraire, de faire de chacun d’entre eux des bénéficiaires. Chacun devra, pourtant, faire un choix qui présente des avantages et des inconvénients. Rester "conservateur" pour un salarié, cela veut dire garder son départ à la retraite à 62 ou 67 ans selon les cas et garder son salaire mais cela veut dire aussi cotiser davantage pour participer à l’effort collectif de financement du partage du travail et de réduction du chômage et continuer à vivre la pression d’un travail assumé en petit nombre. Etre volontaire pour devenir "novateur" pour un salarié, cela veut dire perdre un certain nombre "d’avantages acquis (départ à la retraite tôt) mais c’est aussi perdre du temps de travail, gagner en loisirs, réduire la pression et la souffrance au travail, c’est peut être aussi participer activement à la solidarité collective en créant un emploi.
- Ce système ne devrait rien coûter à la société. Pourquoi ? A court terme, le recrutement des "novateurs" se faisant progressivement, les contributions supplémentaires patronales et salariales vont équilibrer le système. A long terme, le partage du travail aura des conséquences positives : moins de retraités et de chômeurs à indemniser, cela signifie aussi davantage de cotisants et donc des rentrées plus nombreuses dans les caisses. C’est surtout l’espoir de sortir du chômage de masse, un cancer qui ronge les sociétés européennes.

Bien davantage innovante et globale que le sectoriel contrat de génération défendu par François Hollande, le système proposé dans cet article repose sur quelques principes :

- il est inspiré par le système de contributions incitatives, inventé par l’auteur de cet article, pour répondre aux défis environnementaux.
- il est construit autour de quatre principes d’actions politiques : *à problèmes sectoriels, solution globale *la liberté de choix des acteurs doit leur laisser arbitrer entre des solutions différentes qui ont, chacune, leurs avantages et inconvénients *les actes vertueux doivent être récompensés, les actes socialement coûteux doivent avoir un coût financier *le choix de chacun doit être favorisé par une transparence complète et une progressivité du coût ou du bénéfice du choix de chacun.

Pour aller plus loin : Le système du bonus-malus, un outil politique dépassé ? L’auto-régulation au sein du système de contribution incitative

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