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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
3-08-2011

"la dette française n’est pas un problème"

La dette publique française est actuellement de 1600 milliards d'euros environ, soit 20000 euros par habitant. Le remboursement de cette dette représente actuellement plus de 120 milliards d'euros (intérêts et capital). Le simple remboursement des intérêts est équivalent aux recettes de l'impôt sur le revenu.

Dans l’opinion publique française, il est courant de considérer que cette dette n’est pas un problème. L’économiste Jean-Paul Fitoussi, keynésien convaincu, est un des fervent défenseurs de cette idée.

Nous voudrions pointer les trois erreurs les plus courantes, que l’on trouve sur les forums et dans les discussions autour de ce thème.

1-"Il suffit à la France de retrouver sa souveraineté monétaire pour régler le problème, puisque on pourra "créer" de l’argent". Les tenants de cette thèse réclament la "libération monétaire" faisant remonter la source de nos problèmes à la loi du 3 janvier 1973 qui aurait empêché la banque de France d’émettre sa propre monnaie.

Cette vision appartient à une tradition française de la création "spontanée" de l’argent. Sous l’Ancien Régime, les caisses royales étaient souvent vides et les historiens affirment que les dettes du trésor royal sont une des causes principales de la Révolution Française. Deux épisodes fameux montrent pourtant bien que l’argent "ne s’invente pas".

En 1720, pendant la Régence, John Law tente par la création de la compagnie du Mississippi de résorber la dette publique. L’émission d’actions est censée alimenter le trésor royal, il déclenche en fait une fièvre spéculative, une bulle boursière qui explose, détruit la confiance et Law doit fuir avant d’être lynché. Law avait vendu "du vent" aux Français, en faisant miroiter des profits chimériques.

A partir de 1789, l’émission d’Assignats utilisés comme papier monnaie par l’Etat en déficit pour payer ses dépenses courantes aboutit à sa dépréciation et la spéculation. Les révolutionnaires l’utilisent pour financer leurs guerres. La quantité d’Assignats n’a cessé de gonfler, perdant toute valeur jusqu’à son retrait en 1796.

D’une manière générale, l’abandon par la majorité des Etats de la création monétaire spontanée pour régler leur problème de déficit correspond à une réalité économique : elle déclanche de l’inflation ce qui a des répercussions sur le pouvoir d’achat mais aussi .... sur les taux d’intérêts de la dette qui augmentent !

Ce phénomène a une explication simple : la création monétaire accroît la masse monétaire alors que la richesse réelle n’a pas grandi. C’est donc la valeur de l’unité monétaire qui baisse pour "régler" ce paradoxe.

Il n’y a donc aucun espoir de voir la planche à billets nous aider à résorber la dette. Même les Etats-Unis, qui ont bénéficié de la position hégémonique du dollar pour utiliser cette technique pendant 30 ans, sont en train de le payer.

2-"Il suffit à la France de faire payer les riches pour régler le problème, puisque c’est eux qui ont l’argent".

Depuis une dizaine d’années, en France et ailleurs, les plus riches ont obtenu des baisses d’impôts très importantes. Ils payent en proportion beaucoup moins d’impôts que les classes moyennes.

Cette situation est d’autant plus regrettable que les riches, même retranchés dans leurs villas ou sur leur yachts, utilisent les biens publics à leur profit. Dans les pays qui les accueillent, leurs voitures empruntent les routes payées par la collectivité. Ils se font soigner et bénéficient du système de santé nationale. Leurs enfants sont scolarisés dans des écoles, publiques ou privées, financées par la Nation. Et leurs biens sont protégés par la force publique.

Peuvent-ils alors régler notre problème de dettes ? Même si cette mesure n’est pas la seule facilité fiscale qui leur soit accordé, le bouclier fiscal n’a jamais "coûté" à l’Etat plus de 500 millions d’euros.

En admettant que l’on demande aux riches une contribution supplémentaire de 10 milliards par an, il faudrait un siècle pour que celle-ci suffise à éponger nos déficits !

Certains espèrent alors la nationalisation et l’expropriation de leurs biens. Mais dans un monde totalement globalisé, où l’on peut faire circuler des millions d’un simple clic, cela semble bien hasardeux. De plus, cette mesure éloigneraient définitivement les investisseurs de l’Hexagone : plus personne ne se risquant à investir un centime dans un pays si il craint de le voir capter par l’Etat.

Aussi, si les facilités fiscales accordées aux riches expliquent, en partie, l’augmentation de nos dettes, il ne suffit pas ni à le comprendre, ni à le résoudre.

3-"La dette n’est pas un problème puisque la France est un pays riche".

Le patrimoine national de la France, c’est à dire la différence entre les actifs et les passifs, est estimé à 12 115 milliards d’euros, dont 76% sont détenus par les ménages. C’est une bonne nouvelle !

Cette richesse explique d’ailleurs pourquoi notre pays bénéficie encore des meilleurs appréciations des agences de notation. Ce qui a une conséquence positive sur nos dettes puisque nous pouvons emprunter (mais pour combien de temps encore ?) à un taux très bas de 3%.

Mais il faut savoir que le patrimoine des Français est de plus en plus détenu par ... des étrangers ! Plus de 42% des titres du CAC 40 mais aussi des propriétés, des vignobles, des entreprises. Un dixième des résidences secondaires appartient à des étrangers.

Se reposer sur notre richesse pour continuer de vivre à crédit. Ce raisonnement s’apparente à la procédure de l’hypothèque : je peux emprunter grâce à ma maison, il suffit de garantir mes emprunts en hypothéquant mon bien.

On sait où parfois cela mène : on perd sa maison comme le vivent actuellement des centaines de milliers d’américains !

L’emprunteur prudent sait qu’il faut éviter d’aller trop loin dans les dettes. Or, la France perd de sa richesse nationale depuis des décennies, sa dette s’alourdit.

Continuer à dire que cela n’est pas grave car nous payeront plus tard, est infantile et dangereux.

Conclusion : le discours sur la dette a toujours été considéré comme un discours de droite libérale. Cela était vrai dans les décennies de la fin du XXéme siècle où on pouvait se permettre d’utiliser l’emprunt comme arme économique.

Aujourd’hui, alors que "le feu est à la maison", continuer à croire qu’il s’agit d’un discours réactionnaire relève de l’inconscience.

Quand le chef de famille a ruiné son ménage, tout le monde trinque, les enfants, les plus faibles, davantage encore.

Si on s’intéresse à l’intérêt commun et aux plus faibles, alors on doit se préoccuper de ce problème qui doit devenir un problème aussi pour la Gauche !

COMMENTAIRES ( 1 )
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  • Le graphisme du graphique suggère que les hausses ou baisses sont directement lièes aux photos qui sont en bas...

    Mais le besoin de créer de la dette provient de la rencontre de plus d’une cause.
    Par ailleurs, les décisions prises par les photos du bas sont souvent structurelles : elles prennent effet dans le temps.

    Ainsi, des décisions peuvent être des bombes à retardement, en particulier avec une structure de population par âge qui vieillit.

    Il serait bien, si c’est possible, de refaire ce graphique en tranches horizontales, par nature de coût, chaque tranche étant rattachée à la "décision-clef" qui lui a donné volume.

    3.08 à 19h59 - Répondre - Alerter
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