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8-12-2005
Mots clés
Environnement
Développement
Monde

Climat : quand le ciel nous tombera sur la tête

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Le changement climatique, ce sont peut-être quelques palmiers à Lille et la plage à Paris... C'est aussi et surtout le bouleversement annoncé de nos modes de vie, de nos emplois, de nos loisirs. Pour mieux saisir cette réalité et ses enjeux économiques, sociaux et humains, Terra Economica a fait pour vous un saut dans l'avenir. Bienvenue dans le monde tel qu'il pourrait être en 2043. Accrochez vos ceintures.
SUR LE MÊME SUJET
Cette fiction s’appuie sur des études scientifiques, des rapports de compagnies d’assurance, des discussions avec des spécialistes du changement climatique. L’approche ne consiste pas à noircir le trait mais à proposer un enchaînement de faits possibles à partir d’une situation réelle : le changement climatique est en marche. Si la mobilisation autour de cette question reste timide, une réaction franche de la communauté internationale n’est pas exclue et peut permettre de contenir les effets du changement climatique.

Londres, Royaume-Uni. 23 décembre. "... température agréable aujourd’hui... Nous avons 10 degrés ce matin et le thermomètre affichera 16 degrés à l’ombre dans l’après-midi... Tout de suite, les informations de 7 heures...". Sara est à la bourre, comme chaque matin.

"Veuillez présenter votre carte", nasille Nestor, à l’entrée de la cabine de douche. Nestor, c’est le sobriquet dont Sara a affublé la voix qui rythme son quotidien : en fait, un ordinateur à synthèse vocale qui contrôle en permanence le niveau d’émissions de gaz à effet de serre - on les appelle "les gaz" - de l’appartement de Sara, un coquet 25 mètres carrés perché au 25e étage d’une tour qui en compte 40.

Un euro le verre d’eau

Le principe est simple : quelques actes de la vie courante de Sara sont considérés comme neutres, car ils font appel à l’énergie de la centrale photovoltaïque de l’immeuble, réputée "non émettrice de gaz", ou au système de recyclage des eaux. Ainsi, consommer jusqu’à 20 litres d’eau froide ou tiède par jour, allumer la télévision 1 heure par jour, chauffer les pièces à 16 degrés la nuit. Au-delà de ces niveaux, il est considéré que Sara dépasse son quota. Elle doit alors utiliser sa carte CCU (Carte carbone universelle), sur laquelle Nestor débite à chaque fois quelques unités : 50 unités pour une minute d’eau chaude, 200 unités pour une nuit de chauffage à 19 degrés, 25 unités pour une heure de télévision supplémentaire. 10 unités pour un verre d’eau du robinet. Régulièrement, Sara doit payer pour recharger sa carte en crédits : 10 centimes l’unité.
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Sud du Bangladesh.Chaque année, la digue principale destinée à protéger la région des hautes marées est construite un peu plus haut. Photo Argos.

L’idée de ce barème date de Mathusalem. Elle fut imposée par le Parlement européen en 2019 et mise au point, bon gré mal gré, par les résidents de la Tour 34, puis par ceux d’autres tours, d’autres quartiers, d’autres villes, après plusieurs mois d’âpres discussions.

Pleins pouvoirs au Parlement européen

Car après les "événements de l’été 2017", il n’y eut plus le choix. Les Européens avaient pris l’habitude de vagues de canicules. Mais en juillet et août 2017, 200.000 d’entre eux y laissèrent la vie, du Portugal à la Bulgarie, de la Grèce au Danemark. Quand, à l’automne 2017, un nouvel épisode de pluies diluviennes et d’inondations frappa le centre de l’Europe, les gouvernements nationaux pris de panique face à la vague de manifestations suscitée par l’accumulation des aléas climatiques.

Après des années d’inertie, après l’échec des négociations internationales pour le troisième volet du protocole de Kyoto (2015), le Vieux continent réclamait une action vigoureuse de la part des élus. Celle-ci ne se fit pas attendre... Paralysés par l’enjeu, la totalité des parlements nationaux européens remirent leur mandat et leurs pleins pouvoirs au Parlement européen. Une période tendue, durant laquelle resurgirent les tentatives de repli nationaliste. A quoi bon ? Il ne pouvait y avoir de solution que globale.

Optimiser les vies

Début 2019, après une année d’états généraux climatiques, l’assemblée de l’Union européenne plancha sur un "plan universel de réduction des émissions", le PURE, immédiatement rebaptisé le "plan" par ses détracteurs. Avec PURE, les décisions douloureuses commencèrent à pleuvoir. Chaque fait, chaque geste, de chacun - particulier, entreprise, collectivité - serait passé au crible des émissions de "gaz". Il fallait "optimiser" les vies. La clé de voûte de l’édifice serait une carte individuelle permettant de décompter et de taxer les gestes du quotidien, émetteurs de gaz à effet de serre. Circuler en voiture à essence ? Taxé. Dîner au restaurant ? Taxé. Consommer au supermarché ? Taxé, toujours.
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Louisiane, Etats-Unis, septembre 2005. Nouvelle-Orléans, quartier du Ninth (9th) Ward inondé après le passage de l’ouragan Katrina (29 août) . Photo Cédric Faimali - Argos

La taxe sur les gaz envahit les vies, même les plus misérables. Pas pour renflouer les caisses des Etats, mais pour dissuader les comportements les plus "polluants". Vingt-cinq ans plus tard, le système fonctionne. A tort ou à raison, plus personne n’y voit à redire. Des historiens ont même baptisé les années 2019 et suivantes les "10 dernières" : les dix années de la dernière chance pour contenir la dérive climatique.

Les résidents de la Tour 34 n’échappent, donc, pas à la règle. Selon le barème établi par le PURE annuel et mis en place par le département londonien de la planification décentralisée, l’immeuble où vit Sara ne peut émettre plus de 1000 tonnes de gaz à effet de serre cette année. Et ses habitants sont tenus de négocier ensemble un compromis équilibré, au sein de ce "quota". Exemple : en hiver, la centrale électrique de l’ascenseur est désactivée aux heures de pointe. Les panneaux photovoltaïques de la Tour 34 ne fournissent pas d’électricité en quantité suffisante pour le bâtiment. Les résidents ont dû choisir : douche tiède ou ascenseurs. Personne n’ayant envisagé de renoncer au confort de l’eau tiède dans des appartements "chauffé" à 16 degrés, Sara dévale donc quotidiennement les 25 étages qui séparent son appartement de la rue, à pied. 512 marches. 15 minutes de descente.

Un ascenseur toutes les 15 minutes

Sara devrait échapper ce soir à l’escalade à pied. Fonctionnaire au service alimentation du département municipal de la planification décentralisée, elle regagne rarement son appartement avant 21 heures. Les halls de la tour sont, alors, à peu près déserts et le ballet des ascenseurs peut reprendre tranquillement : un départ tous les quarts d’heure, en moyenne. Ce soir, Sara reviendra les bras chargés de légumes de saison. Elle passera chez "le Pakistanais", l’épicerie de sa tour. Comme un mardi sur deux, elle a touché hier son carnet de tickets alimentaires. Une ration de 200 grammes de légumes biologiques par jour, en provenance directe des jardins du sud de la ville.

En quittant la Tour 34, l’une des cents tours (re)construites sur pilotis - caprices de la Tamise obligent -, Sara songe à sa famille, restée à Marseille, qu’elle n’a pas revue depuis cinq ans. Les retrouvailles ne seront pas pour cette année. Il y a belle lurette que les avions ne volent plus en Europe. Sous la pression des industries et des rares transporteurs routiers encore en exercice sur le continent, le transport aérien a été mis au banc des accusés pour son incapacité à réduire significativement ses émissions de gaz. Assommées par "la" taxe, les compagnies aériennes ont fait faillite les unes après les autres : le prix d’un billet Genève-New York avait bondi de 300 à 2000 euros. L’Union européenne a mis la main sur les derniers coucous en état de marche, pour les affecter aux services d’urgence et aux armées.

Rationnement

Pour se rendre à Marseille, Sara ne pourra même pas prendre le train. Constamment saturé, il est hors de prix à cette saison de l’année : 1000 euros l’aller-retour. De toute façon, les vacances de Sara viennent d’être annulées : un parasite a touché les jardins de l’Est. La récolte de 500 hectares de potagers et vergers est perdue pour cette année. Il va falloir réaffecter les employés et trouver de nouvelles sources d’approvisionnement pour les quartiers Est. Comme il y a deux ans, les quartiers Nord percevront une ration un peu plus chiche pendant un mois, puis ce sera le tour des habitants de l’Est et du Sud, puis de nouveau ceux de l’Ouest. Ainsi de suite jusqu’à la fin de l’année 2044. Cette fois encore, l’affaire devrait passer sans trop de manifestations, espère Sara.
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Lac Tchad. Tchad, mai 2005. Des femmes se rendent à pied sur l’île de Blarigui, dans la partie tchadienne du lac, où se tient le marché aux poissons. Photo Cédric Faimali - Argos.

C’est le prix à payer pour une agriculture 100% biologique. Car l’utilisation des engrais a été proscrite - leur fabrication nécessitait trop d’énergie - et celle des pesticides est contingentée. Des armées d’ouvriers agricoles et d’ingénieurs agronomes ont été affectées aux champs, tant la tâche est complexe : il faut surveiller en permanence tous les indicateurs, l’évolution des parasites. Et quand l’un d’entre eux prolifère, c’est le branle-bas de combat (...) Lire la suite

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5 commentaires
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  • Totalement génial. Un petit côté "Brave New World" (Aldous Huxcley) mais hélas c’est sans doute plus réel. A lire et faire lire partout.

    25.01 à 23h33 - Répondre - Alerter
  • Faut rigoler , faut rigoler pour empêcher le ciel de tomber.

    Pas se fendre la gueule mais creuser des rigoles....

    Biefs du Pilat

    Pour que la terre soit plus fraiche et humide pour attirer les nuages régulièrement et en douceur au lieu de les repousser à cause d’un sol trop chauffé par le soleil ou de les faire monter très haut en altitude jusqu’à ce qu’il retombe sur la tête.

    Voir en ligne : Gestion globale de l’eau

    29.12 à 22h35 - Répondre - Alerter
  • Faut rigoler faut rigoler pour empêcher le ciel de tomber !!!

    C’est ce que je fait depuis 20 ans :

    http://fr.video.yahoo.com/video/pla...

    Parceque la progression de la sécheresse sur les continents modifie les climats

    13.12 à 19h12 - Répondre - Alerter
  • Consternant. Et pourtant c’est un petit jeu qui peut etre passionnant et donner coours a l’imagination.Mais là vraiment.Il y a 60 ans au lycée c’etait le sujet d’une redaction en sixieme.J’avais tout de même imaginé que puisqu’on se nourrirait de comprimés, on transformerait les WC en cabines telephoniques. En quoi je me trompais evidemment puisqu’on se nourrit (mal) mais comme il y a 60 ans,mais surtout que les cabines telephoniques ont plutôt tendance à disparaitre. On pourrait evidemment les transformer en WC publics. Suggestion à faire a France telecom. Donc, soit on s’amuse soit on
    s’efforce de ne pas ecrire n’importe quoi. En partant de ce texte on ne peut même pas essayer de d’ameliorer le scenario de mener un débat .dommage

    21.12 à 11h21 - Répondre - Alerter
  • Vous nous dites, consommez moins, prenez moins de bains, n’utilisez votre voiture qu’à bon escient. Je réponds "pourquoi pas ?" Mais cette pression ne provient que des Organisations non gouvernementales et de la société civile. Où sont les mises en garde de nos gouvernements, des multinationales ? Il semblerait que seuls les citoyens trouvent un intérêt à protéger ce qui nous entoure. A quand - par exemple - des déductions fiscales incitatives au non-changement climatique ? A quand des produits de grande consommation sans emballage ? A quand le ferroutage ? A quand de vraies mesures fortes et courageuses pour offrir quelques éclaircies au futur de notre planète ?

    12.12 à 14h40 - Répondre - Alerter
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