« Tôt ou tard, le rapport à l’animal se répète et même commande le rapport des hommes entre eux ». Cette idée avancée par la philosophe Elisabeth de Fontenay, auteure notamment du remarquable Silence des bêtes [1], se vérifie souvent. Si tant est que l’on puisse juger une société en fonction des valeurs qu’elle promeut, la façon dont celle-ci considère et traite les animaux renseigne bien sûr la hauteur de ces valeurs. Qu’il s’agisse des animaux domestiques, sauvages ou d’élevage, nombre de figures illustres se sont penchées sur le droit des animaux et l’injustice radicale de leur souffrance : de Michelet à Hugo, de Zola à Clémenceau, etc.
En France et ailleurs, des millions de foyers comptent en leur sein un voire plusieurs animaux qui sont choyés et aimés comme des membres à part entière de la famille. Des professionnels de tous domaines qui travaillent auprès d’eux et avec eux connaissent la sensibilité, l’intelligence particulière de ces êtres, et dans certains cas leur dangerosité. Malheureusement, les mauvais traitements et actes de cruauté persistent en parallèle.
On se refuse ainsi à voir certaines pratiques d’élevage, de transport et d’abattage des animaux voués à notre alimentation. En 2009, les conditions innommables d’élevage des porcs dans l’Etat de Veracruz au Mexique ont conduit à une épidémie de grippe qui aura largement dépassée les frontières du pays. Nous pourrions citer le massacre industriel des baleines et des dauphins mais aussi le gavage des oies, et disons-le les abattages rituels qui sont exemptés d’étourdissement préalable, notamment en France.
Dans plusieurs régions du monde, la corrida s’apparente encore à un spectacle narcissique de domination exercée par l’homme sur l’animal avec pour catharsis les blessures successives infligées au taureau puis sa mise sa mort. Pourtant, respect des traditions et absence de cruauté s’accommodent parfaitement au Portugal où le taureau n’est pas piqué en corrida à pied, ni tué depuis 1977.
Que dire des dizaines de milliers de photos et de vidéos de sévices de nature sexuelle envers les animaux accessibles en quelques clics sur Internet. L’absence de facultés de langage et de communication entre l’Homme et l’animal rend impossible tout consentement par ce dernier. La déviance prend ici le pas sur la transgression en constituant un délit réprimé à juste titre par la loi. Le retrait des photos et vidéos zoophiles dans les références des moteurs de recherche, ainsi que la fermeture de tout site les diffusant reste à réaliser. Internet a créé un espace privilégié de liberté d’expression et de communication à l’échelle planétaire, n’acceptons pas qu’il desserve la dignité humaine.
Degré d’évolution atteint par l’Humanité
Au-delà du principe de responsabilité, le rapport que les hommes entretiennent avec les animaux est un indicateur fiable pour mesurer le degré d’évolution atteint par l’Humanité. Parce que nous formons avec le reste du vivant un tout interdépendant, les éléments qui composent la Nature (animaux, végétaux, minéraux, etc.) ne doivent plus être appréhendés comme un univers extérieur mais comme une « partie de nous-mêmes ». Penser que l’espèce humaine puisse tirer seule son épingle du jeu en continuant d’altérer le rôle joué par chaque élément n’est pas seulement une vanité, c’est certainement la plus fatidique erreur d’appréciation que l’on puisse commettre.
Pour vivre en harmonie avec la Nature, une mutation profonde de nos modes de vie et de production s’avère nécessaire. La survie même de notre espèce dépend de cette vision renouvelée du progrès. Mais le changement culturel tarde toutefois à s’opérer. A titre symbolique, songeons au nombre de tigres en captivité aux Etats-Unis (environ 5 000) qui à lui seul est supérieur au nombre de tigres encore sauvages dans le monde (3 200).
Selon l’Union mondiale pour la Nature (UICN), 17 291 espèces sur les 47 677 répertoriées sont menacées d’extinction. La dernière mise à jour de sa Liste des espèces menacées révèle que 21% de tous les mammifères connus, 30% de tous les amphibiens connus, 12% de tous les oiseaux, 28% des reptiles, 37% des poissons d’eau douce, 70% des plantes et 35% des invertébrés répertoriés à ce jour sont menacés. Alors que nous sommes loin d’avoir fait l’inventaire du vivant (la majorité des espèces restant à découvrir), la crise d’extinction en cours n’en finit pas de gagner du terrain malgré les initiatives entreprises.
Si les aires marines protégées et les parcs nationaux jouent pleinement leur rôle de conservation, leurs effets ne suffisent pas à effacer l’impact des tendances lourdes : destruction des habitats (constructions non régulées, déforestations), dérèglement climatique (émissions des gaz à effet de serre), pratiques agricoles intensives, introduction d’espèces exotiques, surexploitation des ressources naturelles, pollutions des eaux et des océans, braconnages et trafic illégal.
Des histoires merveilleuses d’animaux sont racontées aux enfants dans le monde entier. Elles sont un moyen universellement partagé pour leur éducation et une expérience capitale dans leur développement. En voici une pour terminer : l’histoire de plusieurs dizaines de baleines qui s’échouaient sur les plages d’années en années. Les hommes ne comprenaient pas pourquoi ces mastodontes des mers se donnaient ainsi la mort. Certains avançaient des interprétations mais aucune n’était vraiment convaincante. Constatant une fois de plus la bêtise des hommes, un groupe de baleines expliqua un jour son sacrifice. Les hommes entendirent alors un message d’alerte sur les périls qui menaçaient à cause d’eux l’avenir de leur planète commune. Ils décidèrent en conséquence de changer radicalement leurs comportements. Depuis, on ne vit jamais plus de baleines venir s’échouer sur les plages…
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