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8-04-2011
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Chronique

Le jour où le « développement durable » sera ringard

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Le jour où le « développement durable » sera ringard
(Photo : Greenboy, super normal héros écolo. Crédit : facebook.com/LeGreenBoy)
 
Ce jour-là, nous n'aurons plus besoin d'ajouter le mot « éco » devant chaque chose, espère Serge Orru, directeur du WWF France. Car démonstration sera faite que performance économique, équité sociale et respect de l'environnement sont bien compatibles.
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La montée de la conscience écologique dans l’opinion publique ne doit pas faire oublier l’immense effort de pédagogie qu’il reste à mener. Ce que l’on appelle « développement durable » n’a pas encore franchi le pas de la majorité. L’idée continue de prêter à sourire voire à provoquer le cynisme. Outre le fait qu’elle soit réduite le plus souvent au seul respect de l’environnement, elle est encore considérée comme une variable d’ajustement budgétaire (dans le monde de l’entreprise) ou électoral (dans le monde politique). Souvenons-nous de cette déclaration du Président de la République qui a pourtant initié le Grenelle de l’environnement : « l’environnement, ça commence à bien faire » [1]. Le but ici n’est pas de jeter l’anathème mais bien de rappeler en quoi l’idée est originale. Combien elle implique une évolution culturelle qui n’en est qu’à ses débuts. Penser et agir différemment, adopter des comportements nouveaux dans son foyer comme dans son travail ne se fait pas en un jour.

Face aux voix considérant le « développement durable » comme un effet de mode, il existe un argument incontestable. Cet argument tient en une phrase : si l’activité humaine augmente et donc nos besoins en conséquence, cela n’est pas le cas de la taille de notre Terre et par là-même des ressources qu’elle produit. En ce sens, la croissance infinie dans un monde fini est une équation intenable. La Terre est un équilibre : les éléments qui la composent (faune, flore, minéraux, eau, etc.) forment un tout indissociable et interdépendant. Son fonctionnement qui repose sur un principe de compensation est bouleversé par l’Homme dont l’empreinte écologique ne cesse d’augmenter. Nous vivons au-dessus des moyens de la planète, détruisant ainsi les équilibres naturels et mettant en péril les services rendus par les écosystèmes [2].

Performance économique, équité sociale, respect de l’environnement et exigence démocratique ne sont pas incompatibles. Ce sont les quatre piliers du « développement durable », ou devrait-on dire, d’un « développement humainement soutenable ». La solidarité entre les hommes et avec le vivant n’est pas seulement une vertu mais un levier d’actions. Plutôt que de fonder leur approche de manière défensive, certaines entreprises ont bien compris les opportunités de marché qu’elle ouvrait : des produits éco-conçus, biologiques et équitables, à la fourniture de solutions environnementales telles que les énergies renouvelables. En tant qu’écologistes, notre pari tient au fait que ces niches économiques démontrent par l’exemple leur efficacité. Comment justifier de produire en dégradant lorsque des alternatives viables existent ?

Internalisation des principes

Eco-construction, éco-quartier, éco-conception des produits, éco-tourisme…Ces termes devraient toujours s’écrire avec un tiret. Les concevoir autrement que comme des expressions composées ferait oublier le caractère transitoire qu’ils ont vocation à avoir. L’idée du « développement durable » aura triomphé le jour où ses principes seront internalisés dans l’ensemble des enseignements et secteurs d’activité.

Le jour où la HQE (Haute Qualité Environnementale) ne sera plus un module parmi d’autres au sein des formations liées à la construction mais la base même de ces formations. Le jour où l’ISR (Investissement Socialement Responsable) ne sera plus une offre financière proposée par les banques mais que ses principes gouverneront leur cœur de métier. Le jour où l’agriculture dite biologique sera l’unique mode de production en vigueur dans le secteur. Le jour où tourisme rimera forcément avec responsabilité et que l’activité contribuera de fait à la valorisation des milieux et la prospérité des habitants. Finalement, le jour où le préfixe « éco » ne sera plus nécessaire et que « développement durable » aura cessé d’être un oxymore. Les initiatives vertueuses et bonnes pratiques se multiplient partout. Elles courent toutefois le risque d’être étouffées à terme par les tendances lourdes. Quelle que soit leurs orientations, les femmes et hommes politiques sont appelés à les promouvoir par la loi. La puissance publique est une arme incontournable pour défendre le bien commun et enrayer le cycle infernal de la dégradation. L’éducation en est une autre, cet effort-là nécessitera une attention sans cesse renouvelée.

Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est le propre de l’Homme. Changer maintenant, c’est éviter de subir demain, c’est se montrer à la hauteur de ce que nous sommes. « Rien n’arrête une idée dont le temps est venu » écrivait Victor Hugo. Tâchons donc de ringardiser au plus tôt le « développement durable » !

[1] Déclaration de M. Nicolas Sarkozy lors du Salon de l’Agriculture en 2010.

[2] Rapport « Planète Vivante » édition 2010 du WWF qui donne un état des lieux de la planète sur les aspects biodiversité et consommation des ressources naturelles. Réaliser à partir de données scientifiques s’appuyant sur un réseau d’experts et de laboratoires universitaires.

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Directeur général du WWF France

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  • Plus qu’un changement, il s’agit d’une "révolution" intellectuelle au sens que Kropotkine donne à ce mot : un changement profond de nos idées fondamentales.

    Les Américains Osborn et Vogt ont déjà traité de nos problématiques actuelles, dans leurs livres respectifs publiés en 1948.
    Tous deux proposaient comme "solution" le développement de la recherche scientifique et la diffusion des connaissances. Ces deux éléments, mis au service de son intelligence, devaient amener l’humanité à prendre les mesures qui s’imposent. C’était il y a 60 ans.
    La recherche et la diffusion du savoir on fait un bond énorme depuis. Mais ils ont été mis au service d’un "pillage" plus méthodique, plus scientifique des ressources.
    Cette solution n’a donc pas fonctionné.
    En effet, pourquoi l’individu choisirait-il de changer radicalement son mode de vie et renoncerait-il à son intégration dans un groupe social dont les Valeurs principales -qui sont aussi les siennes- sous-tendent l’architecture et l’harmonie du-dit groupe ?

    Pour faire bouger les lignes, je pense que la méthode suivante mériterait d’être considérée :
    * d’abord, conceptualiser et décrire à grands traits un possible monde du futur lointain. Plusieurs visions sont possibles. L’une d’elles pourrait être, par exemple, un monde de haute technologie, dans lequel l’humanité n’utiliserait que des énergies renouvelables ET serait grandement respectueuse de la biodiversité et de l’environnement. A cette vision correspondraient des modes de vie très différents des nôtres actuels, avec, dans bien des régions du monde, des implications importantes tant au niveau du volume des populations que de leur consommation par tête.
    * ensuite, identifier les Valeurs qui pourraient sous-tendre ces modes de vie différents. Il serait alors souhaitable que les leaders d’opinion/croyances d’aujourd’hui s’emparent de ces valeurs et en fassent la promotion, afin que puisse s’accomplir la "révolution intellectuelle" (Lesdits leaders devront donc participer à la phase de conceptualisation/description.)
    La manière de manifester son adhésion à des Valeurs peut prendre bien des chemins. Ainsi, pour prendre un seul petit exemple : dans un monde où "l’économique" ne serait plus un élément central de l’architecture du groupe social, les disparités de "standing" pourraient être faibles. Dans ce monde futur, la différenciation entre individus pourrait être formalisée par un titre temporaire ou par un détail vestimentaire, qui soulignerait l’excellence d’un individu dans tel ou tel domaine. Ces domaines d’excellence seraient ceux mis en avant par les leaders, dès aujourd’hui.

    En effet, les gens ne perçoivent généralement pas le "comment" de ce nécessaire "changement", ni sa mesure réelle.

    En démocratie, la "révolution intellectuelle" doit précéder/accompagner la mise en oeuvre d’une structure sociale construite autour de ses propres Valeurs. Valeurs dont la hiérarchie/pondération marquerait une évolution nette par rapport à aujourd’hui. En effet, comment espérer qu’un monde différent du nôtre actuel puisse fonctionner avec exactement les mêmes ressorts que ceux qui règlent ce monde que nous devons changer ?

    18.04 à 22h21 - Répondre - Alerter
  • Ce qui veut dire changer profondément de mode de pensée, puisqu’il s’agirait d’agir et de "gouverner en pensant systématiquement aux conséquences". Et tout cela n’est pas sans des implications également profondes (Cf. http://vertigo.revues.org/9468).

    11.04 à 11h55 - Répondre - Alerter
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