La montée de la conscience écologique dans l’opinion publique ne doit pas faire oublier l’immense effort de pédagogie qu’il reste à mener. Ce que l’on appelle « développement durable » n’a pas encore franchi le pas de la majorité. L’idée continue de prêter à sourire voire à provoquer le cynisme. Outre le fait qu’elle soit réduite le plus souvent au seul respect de l’environnement, elle est encore considérée comme une variable d’ajustement budgétaire (dans le monde de l’entreprise) ou électoral (dans le monde politique). Souvenons-nous de cette déclaration du Président de la République qui a pourtant initié le Grenelle de l’environnement : « l’environnement, ça commence à bien faire » [1]. Le but ici n’est pas de jeter l’anathème mais bien de rappeler en quoi l’idée est originale. Combien elle implique une évolution culturelle qui n’en est qu’à ses débuts. Penser et agir différemment, adopter des comportements nouveaux dans son foyer comme dans son travail ne se fait pas en un jour.
Face aux voix considérant le « développement durable » comme un effet de mode, il existe un argument incontestable. Cet argument tient en une phrase : si l’activité humaine augmente et donc nos besoins en conséquence, cela n’est pas le cas de la taille de notre Terre et par là-même des ressources qu’elle produit. En ce sens, la croissance infinie dans un monde fini est une équation intenable. La Terre est un équilibre : les éléments qui la composent (faune, flore, minéraux, eau, etc.) forment un tout indissociable et interdépendant. Son fonctionnement qui repose sur un principe de compensation est bouleversé par l’Homme dont l’empreinte écologique ne cesse d’augmenter. Nous vivons au-dessus des moyens de la planète, détruisant ainsi les équilibres naturels et mettant en péril les services rendus par les écosystèmes [2].
Performance économique, équité sociale, respect de l’environnement et exigence démocratique ne sont pas incompatibles. Ce sont les quatre piliers du « développement durable », ou devrait-on dire, d’un « développement humainement soutenable ». La solidarité entre les hommes et avec le vivant n’est pas seulement une vertu mais un levier d’actions. Plutôt que de fonder leur approche de manière défensive, certaines entreprises ont bien compris les opportunités de marché qu’elle ouvrait : des produits éco-conçus, biologiques et équitables, à la fourniture de solutions environnementales telles que les énergies renouvelables. En tant qu’écologistes, notre pari tient au fait que ces niches économiques démontrent par l’exemple leur efficacité. Comment justifier de produire en dégradant lorsque des alternatives viables existent ?
Internalisation des principes
Eco-construction, éco-quartier, éco-conception des produits, éco-tourisme…Ces termes devraient toujours s’écrire avec un tiret. Les concevoir autrement que comme des expressions composées ferait oublier le caractère transitoire qu’ils ont vocation à avoir. L’idée du « développement durable » aura triomphé le jour où ses principes seront internalisés dans l’ensemble des enseignements et secteurs d’activité.
Le jour où la HQE (Haute Qualité Environnementale) ne sera plus un module parmi d’autres au sein des formations liées à la construction mais la base même de ces formations. Le jour où l’ISR (Investissement Socialement Responsable) ne sera plus une offre financière proposée par les banques mais que ses principes gouverneront leur cœur de métier. Le jour où l’agriculture dite biologique sera l’unique mode de production en vigueur dans le secteur. Le jour où tourisme rimera forcément avec responsabilité et que l’activité contribuera de fait à la valorisation des milieux et la prospérité des habitants. Finalement, le jour où le préfixe « éco » ne sera plus nécessaire et que « développement durable » aura cessé d’être un oxymore. Les initiatives vertueuses et bonnes pratiques se multiplient partout. Elles courent toutefois le risque d’être étouffées à terme par les tendances lourdes. Quelle que soit leurs orientations, les femmes et hommes politiques sont appelés à les promouvoir par la loi. La puissance publique est une arme incontournable pour défendre le bien commun et enrayer le cycle infernal de la dégradation. L’éducation en est une autre, cet effort-là nécessitera une attention sans cesse renouvelée.
Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est le propre de l’Homme. Changer maintenant, c’est éviter de subir demain, c’est se montrer à la hauteur de ce que nous sommes. « Rien n’arrête une idée dont le temps est venu » écrivait Victor Hugo. Tâchons donc de ringardiser au plus tôt le « développement durable » !
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions