publicité
haut
Accueil du site > Actu > Le marketing expliqué à ma mère > Un concentré d’édition s’il vous plaît !
Article Abonné
27-01-2005
Mots clés
Marques, Marketing
Multinationales
France

Un concentré d’édition s’il vous plaît !

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Saint-Germain des Prés, son église, son orchestre de jazz, ses librairies, ses cafés... l'écrin de la vie littéraire française. Ici, des livres se signent, s'éditent, se critiquent. Gallimard, Grasset, Le Seuil, y ont leurs quartiers où rien ne semble avoir changé depuis l'après-guerre. Pourtant, l'édition française vit depuis quelques années une crise majeure. Bienvenue dans un monde de requins.
SUR LE MÊME SUJET

27 avril 2004. Dans un salon privé du centre des congrès de Deauville s’achève un banal séminaire du groupe Lagardère. Et coup de théâtre. Aux côtés du grand patron Arnaud Lagardère apparaît un invité très inattendu. Michel Houellebecq est à la tribune. À la surprise générale, le pédégé annonce que l’écrivain quitte les éditions Flammarion pour rejoindre le groupe Hachette, qui publiera son prochain livre, L’île. Montant estimé du transfert : 1 million d’euros.

Dans ses bureaux du 26, rue Racine, à Saint-Germain-des-Prés, le nouveau directeur littéraire de Flammarion, Frédéric Beigbeder, découvre la nouvelle dans la presse matinale. Son "ami" Michel Houellebecq, avec lequel il s’est rendu en Espagne quelques semaines auparavant pour la remise du prix Schopenhauer, ne l’a pas prévenu. Pas un mot, ni un coup de fil. La "trahison" a un goût amer. "Si le mouvement de l’industrie du livre doit prendre le chemin de celui du disque, commente l’auteur de 99 francs après le départ de celui des Particules élémentaires, alors c’est Bonjour tristesse."

Dans le même temps, Arnaud Lagardère annonce qu’une autre filiale de son groupe, GMT, s’apprête à produire un film réalisé par Michel Houellebecq. Une adaptation de L’île. Il n’est plus question de querelles littéraires, ni de batailles d’egos. Les enjeux sont devenus industriels. L’édition française représente désormais, d’après le Syndicat national de l’édition (SNE), un chiffre d’affaires annuel de 2,35 milliards d’euros, ce qui la place en tête de toutes les activités culturelles dans l’hexagone. Le marché de l’édition en France est, par exemple, plus de deux fois supérieur à celui du cinéma, qui se monte à environ 1 milliard d’euros, selon les données fournies par le Centre national de la cinématographie (CNC). De quoi susciter l’appétit des multinationales.

La bataille d’Editis

Le groupe Lagardère est à la pointe de ce processus d’industrialisation. En octobre 2002, la multinationale annonce son intention de racheter Vivendi Universal Publishing, rebaptisé Editis, pour plus d’1 milliard d’euros. Arnaud Lagardère, qui vient de succéder à son père, Jean-Luc - dont le portrait trônera, quelques mois plus tard, au-dessus du Salon du livre - est en passe de contrôler 70% de la distribution de livres, 80% de l’édition de livres de poche et 80% de l’édition scolaire. Du jamais vu.

Aussitôt, les éditeurs indépendants, appuyés par certains libraires et par les syndicats, montent au créneau. Ce n’est pas le premier combat qui les oppose à Hachette, qu’ils ont surnommé "la pieuvre". Les pétitions et les contre-pétitions se succèdent, impliquant, dans une sorte de tourbillon, tout le petit monde de l’édition parisienne. En juin 2003, les éditeurs indépendants saisissent les services du Commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, qui ouvre une enquête pour abus de position dominante. L’affaire sort de France.

Dans cette bataille, Lagardère dispose d’un appui de poids : l’Elysée et, en particulier, Bernadette Chirac, une amie intime de Madame Lagardère, qui intervient en coulisses. Officiellement, il s’agit d’éviter qu’Editis ne tombe entre les mains d’un fonds d’investissements étranger. Il faut, à tout prix, défendre l’"exception culturelle française".

L’Elysée fournit son appui, mais c’est une ancienne ministre socialiste, Frédérique Bredin, qui monte au front. Avec l’aide du cabinet d’avocats Bredin-Prat, dirigé par son père, elle met au point l’argumentaire destiné à Mario Monti. C’est l’échec. L’argumentaire ne convainc pas Bruxelles, qui décide d’ouvrir une "enquête approfondie". Les éditeurs indépendants, avec à leur tête le PDG du Seuil, Claude Cherki, multiplient les voyages à Bruxelles. Le 10 novembre 2003, le verdict tombe : Lagardère doit céder 40% d’Editis à la concurrence.

Le grand partage

Les candidats, dont le groupe Media Participation, qui rassemble de nombreuses publications catholiques, et le groupe italien Rizzoli, déjà propriétaire de Flammarion, se disputent les faveurs de Matignon et de l’Elysée. Mais c’est, finalement, Wendel Investissements, le holding familial d’Ernest-Antoine Sellière, le "patron des patrons", tête de pont du Medef, qui l’emporte, pour 660 millions d’euros. L’une des candidates au rachat, Odile Jacob, proche des milieux américains, dénonce les conditions de la cession. Elle prétend avoir fait une meilleure offre que Wendel Investissements. Elle porte l’affaire en justice. Mais elle est déboutée. Lagardère cède à Wendel Investissements les marques Le Robert, Bordas, Nathan, Plon-Perrin, Robert Laffont, Presses de la Cité, Belfond, Pocket, Fleuve Noir, 10/18 et La Découverte. Mais il conserve des "poids lourds" très rentables, comme Larousse, Armand Colin, Dunod et Dalloz en France, ainsi que le groupe espagnol Anaya.

A-t-il payé pour ses prises de position ? Quelques temps après la décision de Bruxelles, le principal opposant à la fusion Lagardère-Editis, Claude Cherki, est contraint de démissionner. La raison : un mystérieux "corbeau" a dénoncé dans des lettres anonymes la plus-value qu’aurait réalisée le pédégé du Seuil au détriment de ses employés, lors de la revente de sa maison aux éditions La Martinière, en janvier 2004. La vente aurait porté sur un total de 80 millions d’euros. La plus-value réalisée par Claude Cherki se monterait, elle, à 2 millions d’euros. L’ex-pédégé du Seuil est accusé d’avoir racheté à bas prix les actions de ses salariés, alors qu’il négociait en secret la revente de l’entreprise, au prix fort, à La Martinière. Une opération légale, mais qui aurait rendu impossible le maintien de Claude Cherki à son poste.

...Lire la suite de l’article

Lire l’article lié :
Et le serpent perdit ses plumes

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
1 commentaire
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Bonjour,
    Merci pour votre article très pertinent sur les concentrations dans le monde de l’édition. Une suggestion : pourrait-on lire bientôt dans votre magazine une enquête sur les rachats dans le monde de la presse ? Il me semble que dans ce domaine aussi, la concentration fait feu de tout bois, sans que les réactions ne soient finalement très fortes. Dassault, Lagardère, Rothschild, la liste est tout de même assez impressionnante ! Comment est capitalisée Terra economica ? Peut-être avec les finances d’un nabab russe ou saoudien ? Dites-nous, ça nous intéresse.

    4.02 à 10h01 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas