Examiner nos ordures à la loupe, tel est le métier de Cécile Guéritaud. Lunettes sur le nez, allure studieuse, à 25 ans, cette jeune femme n’a pas peur de se salir les mains. Elle est consultante rudologue au cabinet-conseil Tic Ethic à Gentilly (Val-de-Marne). Ce nom qui semble faire référence à une spécialité médicale, désigne en réalité l’ingénieur en gestion des déchets. « Dire rudologue, c’est plus classe. Les gens sont surpris, me demandent en quoi ça consiste, et se souviennent toujours de moi », explique Cécile Guéritaud, dans un petit sourire.
Le plus souvent, le rudologue travaille pour des bureaux d’études. « Nous sommes chargés d’optimiser le traitement des ordures, de les analyser et de trouver des lieux de stockage. » Le but ? Prévenir les risques de pollution. « Je fouille dans les poubelles des entreprises, je regarde si les salariés trient les matériaux, je vérifie les factures concernant la gestion des déchets. » Certains rudologues sont exposés aux produits toxiques. Ce n’est pas le cas de Cécile Guéritaud. « Cela m’est arrivé une seule fois, dans les sous-sols désaffectés d’un campus, des bidons fuyaient. Je n’ai rien touché et j’ai appelé un prestataire pour les enlever. »
Bon communicant
« Je fais 25 % de terrain et c’est ce que j’aime le plus », explique Cécile. Pour mener à bien ses projets, elle est souvent en déplacement. Le reste de son temps, elle le passe au bureau. « Je réponds aux appels d’offres de collectivités ou de sociétés. Hier par exemple, j’ai visité une déchetterie dans le cadre d’un appel d’offres, j’ai été voir des associations pour trouver des synergies afin de mettre en place une recyclerie (lieu où sont stockés divers produits pour être réparés et revendus à bas prix, ndlr). J’ai fini la journée avec les élus pour leur parler du projet », explique la jeune femme.
Freins économiques, culturels… Face aux réticences des administrations à accepter la création d’un site de recyclage, le rudologue se doit d’être un bon communicant. « J’explique par exemple aux élus que la mise en place d’une éco-recyclerie est un investissement rentable. Cela représente une économie d’un euro par habitant chaque année. »
Pari gagné
Dans son enfance, Cécile n’a pas été spécialement sensibilisée à la protection de l’environnement. « Lorsque j’ai annoncé à mon oncle ce que je voulais faire, il m’a dit : “Je connais très peu de personnes qui voudraient travailler dans la merde volontairement” », raconte la rudologue en hochant la tête. Travailler dans ce domaine fut plus « une révélation » sur le tard. Après avoir passé une licence en géographie « par hasard », elle intègre le master pro en gestion des déchets du Mans. « Je me suis dit que ça pourrait être un bon plan pour trouver du boulot. » Pari gagné !
Cécile Guéritaud travaille pour Tic Ethic depuis 2008. Stagiaire à ses débuts, elle a été embauchée en CDD puis est devenue consultante associée auprès de l’entreprise. L’ingénieure balaie les idées reçues : « Les jeunes ne doivent pas être rebutés par les métiers du déchet. Il y a du travail, des projets intéressants et concrets. » Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), en 2006, chaque Français produisait en moyenne 354 kg d’ordures ménagères.
Créer des emplois valorisants
« C’est une véritable satisfaction de travailler pour la protection de la planète. » Redonner une seconde vie aux matériaux est aussi une mission essentielle du rudologue. « Mon métier permet la création d’emplois valorisants. J’accompagne les créateurs d’entreprise dans le montage de filières de recyclage et dans le domaine du réemploi. Lors d’une mission en Bourgogne, j’ai dû faire un diagnostic de la gestion des déchets, repérer des partenaires pour créer une filière réemploi, élaborer le business plan et trouver le local. Je devais réfléchir aux produits à recycler », explique la jeune femme. Et le courrier qu’elle s’empresse d’ouvrir après le passage de la factrice, n’entame pas son optimisme. « On vient de gagner un appel d’offres pour créer une nouvelle recyclerie. Je suis contente ! »
L’aspect social du métier lui tient aussi beaucoup à cœur. « J’anime des réunions sur la réduction et la gestion des déchets dans les entreprises, auprès de gens en insertion… » Sensibiliser le public n’est pas nouveau pour elle. Durant ses études, elle a créé deux associations liées à la protection de l’environnement : Orduracuir et Geoprotect. Lors d’une opération, « nous avons récolté 800 kilos de déchets en deux jours : des scooters, des bouteilles de bières, une bague en or et beaucoup de préservatifs », se souvient-elle. La rudologie permet de mettre en lumière les modes de consommation de la société et c’est « un secteur relativement porteur », se réjouit Cécile Guéritaud.
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