Depuis plus de trente ans, des rapports officiels dénoncent la pollution de l’eau par les nitrates et l’agriculture industrielle. Mais jusqu’ici, on se disait sûrement que ce n’était pas la mort du petit cheval. Mais depuis qu’enlisé dans les algues vertes, un cheval, un vrai, est mort, d’autres voix se font entendre. La Cour des comptes, notamment, dénonce – je cite – « l’insuffisante volonté de l’Etat de remettre en cause des pratiques agricoles marquées par l’encouragement au productivisme et le choix d’une agriculture intensive ». Excusez du peu !
Miracle technologique ! Une station d’épuration serait une boite magique. Faites-y pénétrer l’eau la plus souillée qui soit et elle ressortira limpide ! Troublant, non ? Si la technique est au point, ne nous méprenons pas ; elle n’est pas sans impacts : boues d’épuration qu’il faut traiter, utilisation d’énergie, etc. Et comment croire qu’elle ne laisse rien passer de dommageable pour la santé ?
Alors face à cela, utiliserons-nous plus d’énergie et d’argent pour nettoyer nos eaux sales ? Continuerons-nous à produire des solutions de bouts de tuyau ? Soigner les symptômes a ses limites. Attaquons-nous aux véritables causes : l’agriculture industrielle et son utilisation massive de pesticides et d’engrais. L’achat de ces intrants représente une charge pour les agriculteurs. Charge à laquelle ils parviennent à faire face grâce aux subventions de la PAC (Politique agricole commune).
Quel PAC-radoxe ! Le contribuable paie pour l’épuration d’une eau dont il a subventionné la contamination. Pour le département de l’Eure-et-Loir, champion de la production intensive de céréales et grand bénéficiaire des aides de la PAC, c’est au minimum 200 millions d’euros que le contribuable devra débourser pour régler la facture de décontamination de l’eau… On aurait comme un grain, non ? Ces pratiques décennales maintiennent nos agriculteurs dans une impasse économique, sociale et écologique. Et j’ajouterai sanitaire : les dangers des produits phytosanitaires pour leur santé s’accumulent, pour eux et pour leurs proches.
Il existe pourtant d’autres modèles agricoles. Ils ont fait leurs preuves. Ils sont bénéfiques pour l’environnement, l’emploi et le revenu des agriculteurs… mais ils font moins les choux gras de certains… Les premières réorientations du Grenelle et du plan Barnier sont à encourager mais restent insuffisantes. Il est grand temps de sortir de la « cogestion » entre le ministère de l’Agriculture et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), de cesser de gaspiller les deniers publics. Il est l’heure d’élaborer un nouveau contrat social avec les agriculteurs que nous devons aider à sortir de l’ornière où ce système dévastateur les a placés.
Seul un ministre de l’Agriculture courageux saura initier cette évolution salvatrice et ainsi répondre à la mise en garde du sage Hadj Garm’Orin : « A force de reporter l’essentiel au nom de l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ».
La position de la France pour la prochaine réforme de la PAC témoignera de la volonté du gouvernement de mettre fin – ou non – à l’incohérence entre politique de l’eau et politique agricole. La volonté de mettre fin à ce qui constitue depuis trente ans un scandale d’Etat. Parce que, franchement, ces histoires de productivisme agricole, ça commence à bien faire !
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