Au téléphone, la voix est rugueuse, marquée d’un fort accent picard. C’est Robert, 71 ans, qui parle. Jean-Marie, de sept ans son aîné, commente dans le lointain de la pièce. « Deux frères célibataires », comme ils se décrivent. Ces deux-là ont longtemps été agriculteurs dans leur ferme, à une quinzaine de kilomètres de Saint-Quentin (Aisne). Ils y cultivaient des céréales et de la betterave sur 40 hectares, élevaient 25 vaches laitières aussi. Il y a une dizaine d’années pour Robert, un peu plus pour Jean-Marie, les deux hommes ont pris leur retraite. Et touché, leur pécule. 622 euros pour l’un. 636 pour l’autre.
« C’est peut-être difficile à expliquer à quelqu’un qui n’est pas d’ici, souffle Robert. Mais comme on était célibataires, on est longtemps resté avec nos parents. On était ce qu’on appelle “une aide familiale”. En fait, comme on était les enfants de la ferme, on ne touchait pas de salaire. » Pas de points retraite non plus. Jusqu’au départ des parents à la fin des années 70 et la reprise de l’exploitation à leur compte. Robert avait déjà presque une quarantaine d’années. Trop tard sans doute pour préparer décemment ses vieux jours.
Alors aujourd’hui ? « Vous savez, on se contente de ce qu’on a », explique Robert. « Notre mère disait toujours “Ne regardez pas ceux qui sont mieux mais ceux qui sont pire que vous”. On n’est pas là pour se plaindre. » Leur quotidien, les deux frères l’améliorent des fruits et des légumes qu’ils cultivent, des volailles qu’ils élèvent. « On vit beaucoup d’auto-production », confie Robert. On achète quand même des choses au supermarché. Il faut pas exagérer. » Leur grosse dépense ? Le fioul, qui sert à chauffer la maison familiale de cinq pièces dont ils sont propriétaires. Mais le restaurant, « on ne connaît pas ». Sauf quand le club des anciens agriculteurs organise une petite sortie. Les vacances ? Un voyage de cinq jours à Lourdes, chaque année en juillet. « Ça va faire la cinquième année qu’on y va », souligne Robert. « C’est du tourisme catholique », rigole Jean-Marie en arrière-plan.
Pourtant les deux hommes ont trimé pendant leurs années de labeur. Soixante à soixante-dix heures par semaine, 365 jours par an, élevage oblige. « On commençait à 6h30 par la traite, on cassait la croûte vers 9h30 avant d’aller travailler aux champs. On déjeunait puis on repartait. Et après le goûter de 17h, on retournait s’occuper des bêtes jusqu’à 19h30. » Des regrets ? « Non, c’est quelque chose qu’on aimait. Une passion, disons. »
LE PORTE-MONNAIE DE ROBERT ET JEAN-MARIE
Retraite 622 euros et 636 euros par mois
Revenu terrien 1500 à 2000 euros par an.
Loyer zéro (ils sont propriétaires).
Leur petit luxe Un pèlerinage à Lourdes chaque année. 400 euros par tête.
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