Quand Nadia* se raconte, elle le fait d’une voix rauque. « Avant je fumais trois paquets par jour, maintenant plus qu’un seul. Et à chaque fois que je passe une radio, on me dit que j’ai des poumons de bébé », sourit-elle. A presque 82 ans, Nadia est drôle, version caustique, rudoie aussi parfois. Assise dans un grand fauteuil transat, elle se repose, fatiguée d’avoir tiré sa large silhouette jusqu’à la banque, quelques rues plus bas.
Nadia est née à Paris dans le 12e arrondissement. Fille d’un père marocain mort à la guerre, d’une mère italienne décédée à 39 ans, elle a eu six enfants, trois garçons et trois filles. « J’en voulais qu’un, moi. C’est ironique. » A l’époque, son mari, huissier dans une société pétrolière, gagne bien sa vie. La famille part en vacances en Italie, en Espagne. Pourtant à 45 ans, Nadia se met à travailler à la cantine d’une école. « J’en avais marre de torcher les gosses. Et puis là bas tout le monde m’aimait bien », se souvient-elle. Mais beaucoup s’étonnent de son choix. « On me disait d’arrêter de bosser. Mais moi je me disais “qu’est ce que je ferais s’il arrive quelque chose à mon mari ?”. Finalement j’ai eu raison ».
En 1983, le mari de Nadia décède. Il a 78 ans. Après trois ans passés en congé longue maladie, Nadia est mise à la retraite d’office. « Ils ont fait les totaux. A ma retraite de 400 et quelques euros, ils ont ajouté la pension de reversion pour mon mari [NDLR : la part qui lui revient de la pension de son défunt mari]. 127 euros seulement. Au fur et à mesure des années, le total a un peu augmenté. Mais bon, ça fait pas des mille et des cents. » 850 euros aujourd’hui qu’elle touche le 5 du mois. Puis vient le temps du loyer, des factures, le règlement des crédits. « Et le 20 ? Il n’y a plus rien. Je peux pas mettre un sou de côté et pourtant je ne fais pas de folie. Quand on a eu de l’argent toute sa vie, et qu’on se retrouve comme ça c’est difficile », soupire-t-elle.
Alors depuis, Nadia se débrouille. Fait ses courses chez ED. Prend les vêtements qu’on lui donne. (« Sur les marchés, les jupes sont trop courtes. Quand on se baisse, on vous voit le derrière. ») Craque quand même pour des poires comices. « Qu’est ce qu’elles sont bonnes. J’en mangerais sur la tête d’un galeux. » Et redoute les imprévus. En janvier, la vieille dame a été malade. Elle n’a pas pu payer. « Alors ils me retirent 100 euros par mois. Mais je ne peux pas vivre avec les 700 euros restants ». L’Italie et l’Espagne sont loin. Cette année, elle partira à Borme les Mimosas dans le Var avec les Petits Frères des Pauvres. « J’aime bien. Je m’assois sur une chaise et j’étudie tout le monde, c’est très instructif », sourit Nadia.
* Le prénom a été changé
Le porte-monnaie de Nadia
Retraite : 850 euros
Loyer : 270 euros (environ 300 euros avec les charges)
Son petit « luxe » : Les poires comices.
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