Le voyage-partage

Elles sont Sénégalaises, sans ressources, et sensibilisent leurs consoeurs à la prévention du paludisme, du sida et des maladies sexuellement transmissibles. Rien d’extraordinaire, si ce n’est que la formation est en partie financée par l’industrie du tourisme, via l’organisation non gouvernementale Enda. A l’origine de cette action, l’association Tourism For Development (TFD), créée en 1998 par Arielle Renouf, professionnelle française de la communication, et Mustapha El Gendy, armateur égyptien, en réaction aux attentats de Louxor perpétrés en 1997. Son credo : concilier tourisme et aide aux pays pauvres. "La misère est inévitablement génératrice de violence. Fédérer l’industrie du voyage et les touristes peut contribuer au développement des populations les plus démunies", estime Arielle Renouf, présidente de l’association en France. L’idée consiste à attribuer le "label TFD" aux professionnels du tourisme qui acceptent de redistribuer un pourcentage de leur chiffre d’affaires - en moyenne, entre 7 622 et 15 245 euros - au financement de micro-projets humanitaires. Aujourd’hui, l’association affiche 34 destinations labellisées et un total de 17 projets financés dans 13 pays, dont six menés en 2003. Trois voyagistes, une compagnie aérienne, deux réseaux de distributions et trois chaînes sont affiliés au réseau.

Mise en place d’un moulin à céréales dans un village du Kagera, en Tanzanie, par l’association les Amis de Partage Tanzanie. (Crédit : Amref)

"Donner un sens concret au voyage." Telle est la philosophie de STI Voyages. Ce voyagiste spécialisé dans les destinations vers l’Egypte, l’Afrique et le Moyen-Orient, reverse 0,05 % de son chiffre d’affaires à l’association. "Pour la saison 2003-2004, nous avons labellisé notre brochure Afrique. L’argent permettra de mener une action d’information sanitaire au Sénégal", expose Tania Zana Turini, directrice commerciale. Agence spécialisée dans le safari photo, Objectif Nature compte également au nombre des donateurs de TFD. "Le label nous permet d’officialiser les actions que nous menons déjà. Avec eux, on sait précisément quel projet on subventionne, par exemple la construction d’un moulin à huile dans un village de Tanzanie, courant 2004", témoigne Hervé Fourneau, président d’Objectif Nature.

Engagement ou bonne conscience ?

Construction de puits au Maroc, lutte contre la malnutrition en Turquie, soutien alimentaire au Cambodge... Les projets relèvent du minimum vital : eau, habitat, nutrition, santé. Pour leur réalisation, TFD s’appuie sur une douzaine d’ONG, dont le Secours Populaire, Care, Enda, ou Migrations et Développement. Celles-ci sont choisies "selon leur expérience et leur volonté de parrainer des ONG locales", précise Arielle Renouf. Par la suite, un cabinet d’audit mandaté par TFD contrôle les actions menées. La démarche semble satisfaire la plupart des ONG impliquées. "Confronté à la misère, un touriste a "envie" de partager. Ce geste est facile. Mais profite-t-il véritablement aux personnes et permet-il de participer à un sauvetage durable ? Selon moi, TFD répond à cette attente : canaliser les dons, cibler les bénéficiaires et sélectionner les actions les plus efficaces et les plus durables", témoigne Geneviève Courbois, de l’association Les Enfants du Désert. Certaines associations reprochent bien à Tourism For Dévelopment de promouvoir un tourisme de "bonne conscience". "Qu’importe, rétorque Arielle Renouf. Les gens ont le droit de se prélasser dans une piscine si une partie de leur argent est destinée aux populations locales. Et même s’ils voyagent comme des crétins, c’est mieux que rien !"

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