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11-05-2015
Mots clés
Santé
France

Contre le moustique tigre, une veille citoyenne au goût de marketing

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Contre le moustique tigre, une veille citoyenne au goût de marketing
(Crédit photo : James Gathany - Centers for Desease Control and prevention - Wikimedia)
 
Les sciences participatives ont la cote. La marque de produits antimoustiques Manouka l'a bien compris avec son site dédié « Vigilance moustiques ». Les scientifiques, eux, déplorent un certain sensationnalisme.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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A vos loupes, citoyens ! Les beaux jours reviennent, la chaleur avec : les moustiques tigres, vecteur du chikungunya et de la dengue, arrivent dans vos jardins. Ils sont petits, ils sont méchants et surtout, ils colonisent le territoire français. Pour les surveiller de près, rien de tel que la remontée d’infos de terrain, façon science participative. C’est ce que propose le site Vigilance moustiques.

Créé il y a deux ans, cette plateforme qui se qualifie de « premier site d’information actualisée sur les moustiques », donne la possibilité de signaler la présence de ces insectes en général et d’Aedes albopictus, le moustique tigre, en particulier, en remplissant une fiche standard, puis en envoyant une photographie. Un dispositif classique des opérations d’observations participatives telles que les pratique, depuis de nombreuses années, le Muséum d’histoire naturelle, par exemple. « Le moustique tigre s’installe plus volontiers chez les particuliers, assez peu dans l’espace public, il est difficile à tracer : dans ces conditions, une veille citoyenne est indispensable », explique Stéphane Robert, directeur éditorial du site. Le problème, c’est que Stéphane Robert, en plus de guetter la bestiole pour le bien collectif, est un marchand de produits antimoustiques !

Le veilleur-vendeur ne s’en cache d’ailleurs pas. La traditionnelle rubrique « Qui sommes-nous ? » du site tourne à la quadrature du cercle. Y est affirmée l’indépendance de Vigilance moustiques face à l’industrie pharmaceutique, tout en présentant son président comme le directeur général du Laboratoire A, propriétaire de la marque Manouka, spécialiste des lotions et sprays anti-insectes. « Mais notre contenu éditorial est complètement neutre par rapport aux mesures de prévention recommandées pour se protéger des moustiques », revendique Stéphane Robert. Il y a bien ce gros bandeau publicitaire vantant le baume répulsif en ministick ou le roll-on apaisant, mais pas plus, nous assure-t-on, en appelant les concurrents à venir faire leur promo ici.

« Quand vous êtes un petit acteur dans votre domaine, soit vous faites une publicité classique qui manque totalement d’efficacité, soit vous développez un marketing original, qui rend service aux gens et qui répond à une attente », ajoute Stéphane Robert. C’est limpide et ça marche plutôt bien. En deux années d’existence, Vigilance moustiques peut afficher quelque 500 000 visites, plus d’un million de pages vues et treize mille heures de connexion. Il est cité régulièrement dans les médias comme une ressource dans la surveillance d’Aedes albopictus. Fort de son succès, le site produit des cartes de France de la progression du moustique tigre et lance cette année son « plan national de veille citoyenne ». Il faut dire qu’elles sont inquiétantes, ces cartes de l’Hexagone où les départements s’affichent en rouge, orange, jaune et vert, façon pollution atmosphérique, en fonction du danger potentiel, en l’occurrence l’arrivée de l’insecte et de son cortège de fléaux.

C’est bien cette interprétation, un poil trop sensationnelle, des données publiques de propagation qui inquiètent les spécialistes d’Aedes albopictus. Car il en existe déjà un, de plan national anti-dissémination du chikungunya et de la dengue, sous l’égide du ministère de la Santé. Et il fait déjà appel à la veille citoyenne. Lancé quelques mois après le site privé Vigilance moustiques, le portail de signalement du moustique tigre a été créé par le Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV). A l’aide d’un questionnaire assez simple et d’une série de clichés comparatifs, cet outil permet aux entomologistes de faire un premier tri efficace des alertes lancées par les habitants.

Quelque 4 500 signalements ont ainsi été reçu l’année dernière. Si soupçon il y a, une enquête est déclenchée, assurée par un Etablissement interdépartemental de démoustication (EID), acteur public mandaté pour cette mission. « Nous prenons contact avec la personne qui a fait la déclaration et nous nous rendons sur place dans les vingt-quatre heures pour valider l’information sur le terrain. Les données remontent en temps réel au ministère de la Santé », explique Sébastien Chouin, directeur scientifique et technique de l’EID Atlantique, chargé de la surveillance de 28 départements entre la frontière espagnole et la frontière belge, qui s’appuie également sur l’application I -Moustique, téléchargeable gratuitement. L’ensemble de ces enquêtes permettent à la Direction générale de la santé de publier chaque année la carte officielle de présence d’Aedes albopictus.

Elle présente un visage bien différent de la carte de Vigilance moustiques. Implanté en France métropolitaine depuis 2006 dans six communes du Sud-Est, l’insecte s’est depuis installé dans 20 départements des régions Paca, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine, Bourgogne et Rhône-Alpes. Ils sont tous classés en niveau 1 de surveillance. Au-delà de cette zone, embarqué dans les coffres des voitures, voilà le moustique voyageant allégrement le long des autoroutes. Un réseau de pièges est disposé pour le repérer son arrivée sur ces axes routiers.« Mais cela ne signifie en aucun cas que le moustique est installé !, explique Yvon Perrin, entomologiste au CNEV, qui gère le portail de signalement du moustique tigre. S’il ne rencontre pas de gîte propice, il ne s’implante pas. »

Les départements où un signalement a déjà eu lieu restent d’ailleurs classés en niveau 0, mais avec une vigilance particulière. Enfin des pièges sont posés sur des points précis du territoire hexagonal, là où le moustique pourrait arriver à la faveur de divers transports, près des gares de ferroutage, des aéroports, des marchés d’intérêt nationaux… Au final, c’est la majeure partie du territoire qui se trouve sous l’œil des entomologistes. Sans pour autant qu’Aedes albopictus ne soit ni partout, ni menaçant, tel que suggéré par les cartes de Vigilance moustiques, qui, en colorisant chaque niveau de surveillance, dramatise le tableau. « Sans être fausses, les cartes produites par ces sites privés donnent l’impression que le moustique tigre est beaucoup plus installé qu’il ne l’est actuellement. Elles participent à créer une forme de défiance de la population face aux messages officiels », déplore Yvon Perrin.

Anxiogène, la communication de Vigilance moustiques ? « C’est subjectif, rétorque Stéphane Robert, son directeur éditorial. Moi, j’ai le sentiment de produire de l’information objective, nous avons surtout créé un site avec une bonne visibilité. Or, la veille citoyenne, ça ne peut pas rester confidentiel ! » Mais, aux yeux des spécialistes de santé publique, inquiéter les foules pour rien est tout autant dommageable. Car avec le moustique tigre, le spectre de la maladie se faufile. « Le risque est présent, mais il ne s’agit pas d’annoncer la catastrophe !, souligne le docteur Paul Lechuga, directeur à l’Agence régionale de santé de Poitou-Charentes. A très long terme, le pourtour atlantique sera vraisemblablement colonisé par Aedes albopictus, mais cela ne veut rien dire, car le risque épidémique dépend d’un ensemble de facteurs. » Pour que le chikungunya apparaisse, il faut en effet que son vecteur, le moustique tigre, soit installé durablement, mais aussi qu’un humain débarque d’un pays exotique en étant porteur du virus, qu’un Aedes albopictus lui suce le sang et vive assez longtemps pour le transmettre à un autre humain. Moins d’une dizaine de cas dits « autochtones » ont ainsi été déclarés depuis l’arrivée de l’insecte en France.

En attendant, Vigilance moustiques prépare tout de même la parade. Son plan de bataille repose sur un bon millier de pharmacies qui accueilleront autant de présentoirs. On y trouvera plus de 200 000 livrets d’information avec cartes de propagation, appels à la veille citoyenne, conseils pour se protéger… mais aussi des produits Manouka, chargés de financer la campagne, en quelque sorte. « C’est que ça coûte cher d’être présent en pharmacie. C’est un partenariat que nous avons trouvé astucieux », explique Stéphane Robert.

A lire aussi sur Terraeco.net :
- « Dengue, chikungunya : comment éviter l’épidémie sans insecticides »

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