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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
27-03-2011

Nucléaire : Le scénario Négawatt est-il plausible ?

Alors que la catastrophe japonaise entraîne un renouveau du débat sur le Nucléaire, on parle beaucoup du scénario de l'association Négawatt. Ceux qui veulent en sortir essaient de montrer que cela est possible, alors que les partisans du nucléaire continuent d'affirmer que cet abandon n'est pas réaliste. Le regroupement de professionnels à l'origine du scénario Négawatt veut montrer, de manière concrète, que l'on peut y échapper. Mais leur scénario est-il crédible ?

1-Comment fonctionne le scénario Négawatt ?

La démarche des concepteurs de Négawatt consiste à imaginer un scénario qui cumule trois méthodes complémentaires pour sortir du nucléaire et diminuer nos consommations électriques :

- la sobriété énergétique qu’ils opposent à notre "ébriété" énergétique actuelle. Cela consiste à diminuer nos consommations en changeant nos pratiques et nos modes de vie. Il s’agit donc de démarches individuelles, de mutations culturelles qui vont s’installer progressivement et qui seront favorisés par l’augmentation inévitable du coût de l’énergie électrique.

- l’efficacité énergétique qui vise à réduire les pertes et les utilisations inutiles d’énergies. La diminution de nos consommations provient alors des mutations technologiques et de l’évolution des équipements. Elle dépendra surtout de notre capacité à faire évoluer les parcs d’appareils, de moyens de transports et de nos bâtiments.

- le recours croissant aux énergies renouvelables (ENR), "par définition inépuisables" permet alors en complément de la réduction de la consommation de remplacer progressivement le nucléaire.

Le scénario étudié par Négawatt consiste à imaginer une sortie en quarante ans combinant ces trois méthodes. Techniquement, leur démarche paraît solide et crédible.

Séduisante, la démarche Négawatt a cependant une véritable faiblesse. Elle imagine une évolution des curseurs de chaque énergie : "augmenter l’éolien", "recourir à la géothermie profonde", "renouveler les équipements"...

Mais elle n’explique pas comment nous allons faire bouger ces curseurs. Autrement dit, les experts de Négawatt, chercheurs et ingénieurs, n’ont pas forcément réfléchi aux outils politiques indispensables pour mettre en place leur scénario. Leur démarche, technique, oublie que les réformes ne se décident pas d’un coup de baguette magique mais nécessitent des méthodes pour les faire approuver par l’opinion publique et pour les mettre concrètement en pratique. L’évolution énergétique d’un pays ne se décrète pas. Il serait naïf de le croire. Il faut alors envisager des outils concrets pour agir.

On n’insistera pas ici sur la sobriété qui dépendra de l’évolution conjointe des mentalités et des prix pour s’intéresser à la mise en place de l’efficacité et des renouvelables.

2 - Comment mettre en place politiquement l’efficacité énergétique ?

L’évolution de nos équipements dépend en grande partie de la rapidité de leur renouvellement. Plus le renouvellement est rapide, plus nous aurons des équipements économes en énergies. Ce principe se heurte, d’ailleurs, à la nécessité de ne pas multiplier les consommations d’équipements neufs coûteux en matières premières.

Il paraît relativement facile d’agir sur le neuf en agissant sur la réglementation : la mise en place de normes plus exigeantes, des prescriptions de consommation énergétiques de plus en plus faibles sont efficaces dans le bâtiment neuf ou dans l’achat d’électro-ménager. Cependant, l’évolution des réglementations sera freinée par les professionnels du secteur qui résisteront car cela remet en question leur démarches habituelles et leurs marges.

En agissant uniquement sur le neuf, le levier réglementaire ne permet pas à l’efficacité énergétique de s’améliorer de manière significative. C’est particulièrement vrai dans le bâtiment. Le renouvellement du parc immobilier est très lent et, sans actions concrètes, nous allons traîner des "passoires" thermiques pendant des décennies.

L’obligation d’isoler ces bâtiments ne peut se faire par des méthodes coercitives d’une part parce qu’elles se heurteraient à la liberté de propriété, d’autre part parce que cela nécessite des moyens financiers dont ne disposent pas forcément les propriétaires.

Comment faire alors ? En utilisant des méthodes plus douces,incitatives et contributives à la fois, qui vont entraîner fermement les propriétaires dans la direction de l’efficacité énergétique.

Le levier que l’on peut utiliser est celui de la taxe foncière. On propose de lui adjoindre une contribution faible - dix centimes d’euro par mètre carré, par exemple - qui va augmenter progressivement et inexorablement. Seuls les bâtiments à énergie positive seront exemptés de cette contribution.

Le produit de cette contribution sera redistribué aux propriétaires sous la forme de subventions quand ils feront les travaux nécessaires pour transformer leur bâtiment et se mettre aux normes.

Ainsi, on pourra faire bouger le curseur de la consommation des bâtiments, en dépassant le frein énorme que constitue la forte inertie du parc immobilier. On travaillera à la fois sur l’incitation financière et l’augmentation des tarifs tout en provisionnant les investissements nécessaires.

3 - Comment développer politiquement les énergies renouvelables ?

Contrairement aux idées reçues, courantes en France, le renouvelable est techniquement au point. Il est parfaitement possible de constituer un réseau électrique permettant d’alimenter l’ensemble du territoire.

Par contre, on a encore du mal à produire du kilowatt en renouvelable qui soit concurrentiel avec le kilowatt nucléaire (hors gestion à long terme des déchets). La difficulté est donc bien d’"amorcer la pompe" de l’investissement pour des infrastructures qui ne sont pas rentables pour l’instant. Les incitations fiscales dans le photovoltaïque, comme la CSPE, ayant démontré leur inefficacité, il nous faut trouver d’autres outils politiques, d’autres leviers incitatifs dans un contexte de raréfaction budgétaire qui interdit le recours à l’argent public pour aider à la généralisation des ENR.

On peut alors imaginer de taxer légèrement, mais inexorablement de manière croissante, la production d’électricité reposant sur des combustibles fossiles (hydrocarbures, uranium) et d’utiliser ces contributions pour subventionner les investissements dans l’éolien, le soleil et l’eau.

Conclusion :

Aujourd’hui, réaliser en quelques décennies la transition d’une production électrique d’origine nucléaire vers une production davantage maîtrisée et reconductible à l’infini est possible. L’outillage technologique et systémique est en place. Ce qui manque, c’est la création des mécanismes incitatifs politiques et financiers qui rendront possible cette transition. Il nous faut les inventer maintenant.
COMMENTAIRES ( 11 )
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  • Il a le mérite de donner des pistes mais malheureusement donne trop de données optimistes qui sont évidemment vite contestables ce qui finalement rend caduc le but recherché. Son principal défaut est de surestimer les rendements et de ne pas ou très peu parler des coûts.
    Je n’imagine pas ma chère mère, habitant dans la maison familiale construite il y a plus de 75 ans se lancer dans des travaux ruineux ( 20 000€) pour baisser sa note d’énergie. Le payback serait d’au moins 20 ans. Elle a 87 ans, alors.... Et les héritiers ne la vendraient pas plus cher, d’autant plus que ces travaux sur une vieille maison en induiraient surement d’autres ! Où est le rendement alors ?
    En conclusion, Ce scénario est bien sur trop optimiste mais donne une tendance pour aller vers une moindre prodigalité d’énergie.

    3.04 à 17h13 - Répondre - Alerter
    • Votre argument n’est pas du tout convainquant :
      - vous prenez le cas de l’ investissement chez une personne très âgée. Des propriétaires d’une soixantaine d’années réalisent ou son prêts a réaliser de tels investissements
      - une habitation mal isolée est dévaluée. L’ isolation et la facture qui en résultent sont des facteurs que les jeunes prennent en compte, et on les comprend.
      - vous parlez de "coûts" . alors que l’absence de transition énergétique condamnerait la planète.

      4.04 à 20h47 - Répondre - Alerter
  • Si vous voulez responsabiliser les citoyens envers leur consommation énergétique, il suffit de taxer l’énergie. Pour que ce ne soit pas au détriment des plus pauvres, il faut que la taxation soit progressive en fonction de la consommation : pratiquement rien voir subventionner les premiers watts qui correspondent aux besoins les plus fondamentaux, puis augmenter les prix à mesure que celà correspond à du luxe. Pour calculer cette taxe il faut donc cumuler consommation électrique de gaz et de fuel.

    30.04 à 17h22 - Répondre - Alerter
  • Callard Aurélie : Proposition d’outil

    Transférer le budget alloué à la défiscalisation par la loi Scellier, aux crédits d’impôts en faveur de l’amélioration énergétique de l’habitat existant !

    La loi Scellier est un exemple de défiscalisation qui pousse à la création de logement neuf sans prise en compte des contraintes environnementales qui nous affectent !
    Ainsi les lotissements, cités dortoirs à l’horizontal se sont développés au grand dame de l’agriculture et des paysages de campagne.

    Il faut arrêter de subventionner ce type de construction !

    Ce budget rendu disponible permettrait :

    - de subventionner les éco-quartiers et éco-villages qui s’appliquent à la fois à la création de nouveaux logements mais aussi aux réaménagents d’anciennes constructions.
    - de proposer des crédits d’impôts sur l’amélioration énergétique des habitats existants à des taux plus intéressants.

    Les outils existent mais c’est la VOLONTÉ du gouvernement actuel de les mettre en œuvre qui manque !

    31.03 à 14h56 - Répondre - Alerter
  • Tout est question de volonté politique : lorsqu’il y a quelques décennies, l’ "on" a décidé de faire le TOUT NUCLEAIRE, on ne s’est pas posé autant de questions, même si elles sont légitimes.

    Nous nous sommes bien amusés mais maintenant la 3e révolution est en marche, et celle-là, à la différence des précédentes (néolithique et industrielle) nous est imposée par Dame Nature : http://seaus.free.fr/spip.php?article400

    30.03 à 15h05 - Répondre - Alerter
  • Tout est question de volonté politique : lorsqu’ily a quelqus décennies, l’ "on" a décidé de faire le TOUT NUCLEAIRE, on ne s’est pas posé autant de questions, même si elles sont légitimes.

    Nous nous sommes bien amusés mais maintenant la 3e révolution est en marche, et celle-là, à la différence des précédentes (néolithique et industrielle) nous s’est imposé par mère nature : http://seaus.free.fr/spip.php?article400

    30.03 à 15h05 - Répondre - Alerter
  • Comment remettre en cause la production actuelle d’électricité sans remettre en cause la position d’EDF ? En redécouvrant le plaisir de la voiture à pédales, du moteur à frictions et du cheval vapeur ? Oui, mais pas que. Sûrement en apprenant à ce pays à produire son/ses énergie(s) de façon locale et multiple.
    Bref entrer dans l’ère de la complexité de la pensée (ce qui ne veut en aucun cas dire "compliqué", cf le dico à Robert) et de l’éducation à l’environnement.
    Sans une réelle politique d’éducation à l’environnement et à l’énergie (non soumis aux lobbies, ce qui est faisable mais difficile actuellement) au niveau national et le lien avec des dynamiques locales d’éducation à l’environnement (qui existent déjà dans la plupart des régions de France, grâce à la volonté de la société civile, appuyée très fortement par les collectivités territoriales), le chemin sera long vers un plan à la NegaWatt.
    Il faut donc créer, dès maintenant, plus de ponts entre les techniciens, les ingénieurs, les responsables politiques et la société civile pour éviter que chacun ne réfléchisse dans son coin (intelligemment, cela va de soi) sur ce sujet.

    30.03 à 10h43 - Répondre - Alerter
    • Bonjour,
      Tout à fait d’accord avec "fée électricité", " produire son/ses énergie(s) de façon locale et multiple ", mais déjà interrompre ce stupide moratoire sur les énergies renouvelables et commencer à songer sérieusement à des moyens simples pour produire l’électricité auxquels on ne songe peut-être pas encore, par exemple :
      - dans les salles de sport, prévoir la récupération de l’énergie dépensée sur les vélos d’appartement pour la transformer en électricité (ça doit pouvoir se faire !),
      - remettre des ailes aux moulins toujours taxés quand ils ont des ailes par une taxe d’un autre monde(toujours d’actualité !) et leur faire produire de l’électricité s’ils ne servent plus à rien... (et bien sûr abolir cette stupide taxe !) : c’est plus joli dans le paysage qu’une éolienne (même si je n’ai rien contre les éoliennes),
      - ce sont les premières idées qui me viennent mais je suis sure qu’il y a d’autres possibilités auxquelles je ne pense pas !

      31.03 à 09h22 - Répondre - Alerter
  • Le KW/h nucléaire est actuellement subventionné en France. Son prix ne prend pas en compte le coût du démantèlement des centrales et du traitement des déchets. Pour sûr, ce coût sera à la charge du contribuable.

    Je suis donc d’accord pour une taxe progressive sur la production d’électricité nucléaire. Elle devra en priorité financer ce surcoût.

    La libéralisation du marché de l’énergie a eu au moins un point positif. Les particuliers peuvent désormais choisir d’autres fournisseurs d’électricité qui ont une démarche plus citoyenne qu’EDF et l’actuel état français. Certains de ces fournisseurs proposent de l’électricité issue des énergies renouvelables. En faisant ce choix, on ne se rend plus complice du lobby nucléaire.

    Taxer la production d’électricité nucléaire devrait donc permettre de moins faire peser le coût du démantèlement des centrales et du traitement des déchets nucléaires sur les citoyens qui ont fait le choix d’une électricité propre.

    Pour plus d’information sur les autres fournisseurs d’électricité voir :
    http://www.energies-renouvelable.co...

    29.03 à 21h43 - Répondre - Alerter
  • Suffit d’augmenter le prix du KW/h
    Si on fait le bilan a long terme des catastrophes nucléaire le prix du KW/h nucléaire ne tient pas face au renouvelable même face au solaire. le japon est pourri et pour très longtemps va faloir le grillager comme tchernobyl la même catastrophe en france et juste le prix de la cote d’azur fera pencher la balance d’autre part le démantelement des centrales je prefere ne pas y penser et la vie de tous ses japonnais qui ont perdu leur reperes et leur biens, leur jardin amoureusement entretenu et pas question de recommencer comme apres un tsunami

    29.03 à 20h53 - Répondre - Alerter
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