Un Nouvel an chinois plus rouge que vert

(de notre correspondante à Pékin) - Samedi 13 février, minuit, marquait le coup d’envoi du Nouvel an 2010, selon le calendrier chinois. Avec la semaine de vacances de la fête nationale du 1er octobre, la Fête du Printemps est le seul moment de l’année où les Chinois peuvent profiter de plus de 3 jours de vacances nationales d’affilée. Officiellement du 13 au 19 février, le Nouvel an 2010 s’étale en réalité sur l’ensemble du mois si l’on prend en compte les départs précoces et tardifs.

Tout le monde sur la route

L’une des premières conséquences de ces festivités sont les spectaculaires migrations, qui mettent chaque année à rude épreuve les transports nationaux. Étudiants, travailleurs migrants (estimés à 200 millions) qui repartent vers leur campagne, sans parler du reste de la population, tout le monde ou presque (les touristes partant à l’étranger) se hâte de rentrer au foyer, comme le veut la tradition. Cette année, les autorités tablaient ainsi sur 2,54 milliards de trajets entre le 30 janvier et le 10 mars (+7,7% par rapport à 2009). Or la plupart des trajets s’effectuent par la route avec 2,27 milliards de trajets de bus prévus (+7,5%). Seuls 28,9 millions choisiront la voie aérienne (+12,5%) et 210 millions le train (+9,5%), même si le rail chinois est loin de répondre aux besoins.

Air pollué aux pétards

Selon une étude réalisée à Taïwan entre 1994 et 2006, le Nouvel An a certes un effet positif sur la qualité de l’air, appelé « l’effet vacances. » Six polluants majeurs dont les oxydes d’azote, les particules en suspension et le dioxyde de soufre ont été enregistrés à la baisse, selon cette étude, pendant la durée de la Fête du Printemps. Mais c’est sans compter d’autres formes de pollution. L’an dernier par exemple, la pollution générée par les feux d’artifice et l’incendie de la tour de télévision, a été si forte que le dernier jour du Nouvel an a été comptabilisé comme "jour le plus pollué" depuis huit mois. D’une manière générale les feux d’artifice et les explosions de pétards provoquent des émissions de particules fines dangereuses pour la santé et qui peuvent contaminer les cours d’eau (baryum, strontium). Sans parler des nuisances sonores (130 à 150 dB quand l’oreille supporte 85dB de manière prolongée).

Année du Tigre

L’année 2010 étant celle du Tigre dans le calendrier zodiacal chinois, les vendeurs de produits de médecine traditionnelle chinoise voient affluer la demande en produits dérivés de l’animal. A tel point que le ministre indien de l’environnement Jairam Ramesh s’en est inquiété, estimant que 2010 constituait une menace pour le tigre sauvage. Malgré l’interdiction de produits de médecine traditionnelle fabriqués à base d’os ou griffes de tigre, la faiblesse de l’application des lois favorise en effet le braconnage et le commerce illégal de produits dérivés du tigre. Les vendeurs de peau de tigre s’attendent également à de gros bénéfices cette année.

Des mets à base d’espèces rares

Le Nouvel An est aussi le moment de l’année où les Chinois, notamment les plus riches, varient les plaisirs culinaires et dégustent des mets plus raffinés qu’à l’accoutumée. Les organisations de défense des animaux et des espèces rares, en sont très conscientes, et tirent la sonnette d’alarme chaque année avant le début des festivités. Ailerons de requin, concombres de mer, espèces marines type abalone sont particulièrement prisées... Sans compter celles dont le nom chinois est symbole de prospérité ou encore les revigorants à base de pangolin ou de tortue -symbole de longévité.

Des cadeaux "sur-emballés"

Certes offrir des cadeaux n’est pas propre à la période du Nouvel An, mais quand il s’agit de passer quelques jours en famille, les Chinois partent rarement les mains vides. Or même de faible valeur, les cadeaux sont souvent "sur-emballés", comme l’explique un article du site China Dialogue. Selon l’auteur de l’article, plus l’emballage est volumineux, plus le cadeau a de la valeur. Le phénomène fait d’ailleurs débat chaque année, et a même entraîné le vote de lois spécifiques pour définir et réglementer l’emballage "raisonnable". Jin Shi, secrétaire général de l’association internationale de l’emballage alimentaire (IFPA) justifie ces mesures par le fait que les paquets cadeaux sont parfois fabriqués avec 7 ou 8 matériaux différents, dont du verre et du métal, ce qui rend plus difficile le recyclage. Or le tri sélectif est encore peu développé en Chine.