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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
27-08-2011

Maîtriser l’Energie : à propos du rapport de Terra Nova

Le rapport de Terra Nova consacré à la maîtrise de l'Energie, rédigé par un groupe de travail présidé par Alain Grandjean est pertinent et intéressant. Faisons-en une lecture critique.

Le rapport de Terra Nova une lecture critique.

Relevons les points sur lesquels nous sommes en accord. Tout d’abord, la nécessité de revoir la loi NOME pour sortir le nucléaire des règles de marché. C’est un des principaux enseignements de Fukushima : la libéralisation du nucléaire ne peut être totale car elle met en péril la sécurité des centrales. Il faut disposer d’un financement pérenne et sûr qui permette d’assurer cette sécurité.

Autre point d’accord : les contributions, relèvements de tarifs et autres taxes doivent servir deux objectifs :
- venir en aide aux plus démunis qui vont subir, davantage que d’autres, les hausses des tarifs de l’énergie
- et surtout, financer les investissements nécessaires pour construire une politique durable de maîtrise de l’énergie.

Relevons une imprécision du rapport : il est fait plusieurs fois (pour l’automobile, le bâtiment) la proposition de mettre en place des systèmes de bonus-malus "rénovés". Au regard du bilan mitigé du bonus-malus auto actuel, on aimerait en savoir plus sur ces propositions de rénovation de ce système . Pour ma part, dès avril 2008, j’avais analysé les faiblesses du système de bonus-malus et proposé des modifications.

Venons-en d’abord aux points de divergences. Passons rapidement sur nos positions sur le nucléaire qui sont, par principe, différentes. Celle de Grandjean et de son équipe est de défendre le nucléaire "jusqu’en 2025" au nom du réalisme (les ENR ne peuvent répondre à la demande et le risque est grand de voir les énergies fossiles compenser l’abandon du nucléaire). Je crains fort, pour ma part, que cette position engage notre pays dans de nouvelles tranches nucléaires, qui auront un double inconvénient. D’abord, de nécessiter de nouveaux investissements qui ne pourront se faire, par arbitrage, qu’au détriment des ENR. Ensuite, on sait que le nucléaire a un coût croissant (souvent non chiffré) en fin de vie et après fermeture des centrales. Relancer de nouvelles tranches signifie donc faire payer à nos descendants le maintien de cette politique. Je préfère donc le scénario Negawatt qui préfère "mettre le paquet" sur les ENR et organiser la sortie raisonnée du nucléaire au fur et à mesure de leur montée en charge. Pour que cela marche, il faut organiser la montée en puissance de la sobriété énergétique. Or, Grandjean prévoit pour cela essentiellement une politique d’augmentation du prix de l’énergie qui "pousseraient" le consommateur à limiter ses consommations. On se doute bien de l’insuffisance de cette politique : les hausses seront supportées par les classes moyennes qui n’auront pas les moyens de changer leur mode de vie et qui vivront cela comme une nouvelle injustice. Par effet ricochet, cette politique va créer une tension énorme autour du seuil entre les populations défavorisés qui vont bénéficier d’une baisse de leur tarif énergétique (et donc qui seront loin de la sobriété !) et les classes moyennes qui vont en être victime. Il faudra mieux être sous le seuil qu’immédiatement au-dessus !

Cette proposition souffre donc du même défaut que la taxe carbone : elle sera très impopulaire. Dès lors, dans nos sociétés démocratiques, il est probable que le politique n’osera pas prendre ce risque.

Autre désaccord : le rapport propose le développement et la généralisation d’une contribution au service public de l’énergie qui remplacerait la CSPE actuelle réservée à l’électricité. Cela permettrait de financer les investissements nécessaires. C’est une bonne chose de rentrer dans cette logique de contributions incitatives, mais une CSPE généralisée deviendrait un enjeu financier énorme pour les grands groupes. On peut leur faire confiance pour organiser, par le lobbying, la captation de cette manne au profit de leur propre développement. Le risque est donc grand de voir une taxation des ménages profiter à des grands entreprises. Même si cela est fait pour "la bonne cause énergétique", est-ce une politique efficace socialement ? Il est permis d’en douter.

Enfin dernier point : sur les mobilités, le rapport insiste essentiellement sur le développement des véhicules à très basse consommation (en-dessous de 2 litres). C’est là encore une bonne chose, mais une vision parcellaire de nos problèmes de mobilité. Continuer à penser que la voiture individuelle restera la principale solution à nos problèmes de transport est un non-sens à l’échelle des 30 ans à venir. Le développement de la mobilité 2.0 doit amener à sortir de ce schéma qui n’est pas tenable à long terme car on ne peut envisager une planète avec plusieurs milliards de voitures individuelles. La voiture basse consommation doit être vu comme une solution de transition ... à condition d’envisager et de préparer le financement de la suite.

Conclusion : ce rapport représente un vrai progrès par rapport aux anciennes approches de cette question essentiellement parce qu’il voit la taxation environnementale, sous différentes formes, comme le seul moyen de financer la transition énergétique. Il s’agit d’une véritable innovation cruciale en cette période d’endettement généralisé. Mais les modalités d’actions choisies restent trop traditionnelles pour répondre aux enjeux qui nous attendent. La lecture du rapport est d’ailleurs, sur ce point, décevant par son classicisme par rapport à la synthèse. Dans un prochain article, nous proposerons d’autres démarches davantage innovantes pour permettre cette transition, des contre-propositions. Cette démarche a pour souci d’alimenter le débat sur cette question cruciale de la maîtrise de l’énergie.

Deux interrogations pour finir :
- Finalement, le rapport ne fait-il pas la part trop belle aux grandes entreprises au détriment du consommateur et du citoyen ?
- les deux tiers des membres du groupe de travail ayant rédigé le rapport se présentent sous un pseudonyme. Si cette démarche peut se comprendre pour un haut-fonctionnaire ou un cadre du privé, elle interroge pour un professeur d’université ou un ingénieur indépendant. Que cache cette (fausse) pudeur ?

COMMENTAIRES ( 14 )
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  • Voici le lien demandé vers Negatep
    http://sauvonsleclimat.eu/new/spip/...

    30.08 à 13h49 - Répondre - Alerter
    • Le scénario Négatep provient des pro-nucléaires de sauvons le climat. Cela ressemble fortement à un contre-feu au scénario Négawatt. Le texte que j’ai parcouru me semble bien léger "le nucléaire ne pose pas d’inconvénients majeurs". Les ENR sont analysées de manière critique, avec le reproche permanent de l’intermittence. Les méthodes de stockage et de régulation qui permettent de régler ces problèmes d’intermittence ne sont même pas abordés ! Alors que ces outils sont connues de toutes les personnes sérieuses qui travaillent sur ces questions !

      26.01 à 09h33 - Répondre - Alerter
      • Voilà, être pro-nucléaire est un CRIME !!! Bonjour les démocrates, 2 % d’intention de vote et la même loi d’airain pour tous, celle de la RELIGION
        du RENOUVELABLE PUR et SANS DEFAUT

        On n’a PAS LE DROIT d’être CRITIQUE vis-à-vis des soit disant Nouvelles Energies Renouvelables (celles utilisées depuis l’antiquité
        avec les moulins à vent !)

        Démasqués les ESCROLOS !

        26.01 à 19h34 - Répondre - Alerter
      • j’ajoute : pitoyable contre-feux d’un technicien de l’ONF avec un parti pris idéologique vis-à-vis de physiciens chevronnés de la Société Française de Physique.

        26.01 à 19h49 - Répondre - Alerter
      • Heureusement il y a MARINE LE PEN 2012 pour attaquer le problème à la racine : stopper l’immigration d’où moins de bétonnage et moins de conso électrique.

        TErra Nova, le Sink Tank des bobos sans cervelle

        Allez hop, envoyez la censure !

        26.01 à 19h52 - Répondre - Alerter
      • poutine7 : SUR LE FOND

        Sur le fond, la question énergétique présente 3 aspects :

        - complexité. Il n’y a pas les gentilles ENR et les méchantes autres énergies,
        - complémentarité. Il ne sert à rien d’opposer ENR et nucléaire. Pour réduire les émissions de C02 et conserver les hydrocarbures pour la chimie, il faut les 2.
        - incertitudes. C’est très difficile de faire des extrapolation à 2030 voire 2050. Assurer comme François Hollande que l’on passer de 75 % nucléaire à 50 % en 2025,
        c’est du pipeau car on doit passer d’un système de production très centralisé à un système très décentralisé (des milliers de producteurs). Et pour cela, il faut
        développer énormément le réseau et faire en sorte qu’il ne s’effondre pas ainsi que les systèmes de stockage (les barrages ? où ? Des batteries ? Quelle capacité ? Quelle durée de vie ?). Un problème technique très difficile à résoudre. Sans compter l’opposition des populations
        quand elles vont voir "fleurir" des éoliennes et de lignes HT partout.

        27.01 à 13h28 - Répondre - Alerter
    • Pour se dépolluer la tête après la lecture de Terra Ecouillonnade :

      Jean-Marc Jancovici : www.manicore.com
      "Changer le Monde, tout un programme".

      Acket
      "Les énergies renouvelables :Etat des lieux et Perspectives".

      J Foos

      "Peut-on sortir du Nucléaire ?"

      27.01 à 11h47 - Répondre - Alerter
      • Toujours aussi virulent Poutine7, vous avez bien choisi votre pseudo...
        Vous faites la part belle à l’électricité comme LA solution, évidemment, qui dit rendement électrique, le nucléaire est le meilleur ! Comment savoir orienter son point de vue pour convaincre facilement le néophyte... Bravo !

        Pour ma part, Sauvons le Climat est une association très bien documentée, mais pas assez transparente sur les impacts environnementaux, je m’explique : Ils parlent du problème climatique comme ayant pour cause unique le dioxyde de carbone (en tout cas ils se focalisent sur le facteur 4 carbone)... Même si cette assertion est vraie (ce qui n’est pas encore prouvé, juste corrélé à des courbes sur une échelle de temps pas assez précise...), le problème de notre chère planète n’est pas qu’issu de la quantité de carbone dans notre atmosphère, mais bien plus complexe (évidemment comme le dioxyde de carbone est le gaz le mieux quantifiable dans l’atmosphère, on s’est vite focalisé dessus...).
        Mais quid des problèmes environnementaux graves, des impacts environnementaux ET sociaux de l’extraction des éléments radioactifs de base dans les pays africains ? C’est sûr que tout le monde s’en fout de l’Afrique, jusqu’à en faire une vrai poubelle universelle. Ne parlons même pas des déchets radioactifs qui sont gentillement balancés directement dans la mer notamment près des côtes somaliennes, détruisant un écosystème des plus riches au monde. Et bien sûr, nous avons des pêcheurs qui viennent se fournir en poissons le long de ces côtes, qui se retrouvent sur nos beaux étalages fournis.
        Pour dire que le problème est bien trop complexe pour n’aborder que celui-ci dans l’axe de l’électricité décarbonée...

        D’autre part, travaillant dans le bâtiment durable, je peux vous dire que les systèmes classiques de chauffage/climatisation fonctionnant à l’électricité ne sont pas forcément apprécié. Bon évidemment je parle des systèmes de diffusion par convecteur, voir les plancher chauffant à résistance électrique.
        Seules les pompes à chaleurs eau/eau ayant pour source d’alimentation l’électricité, mais pour source de chaleur fossile du sol ou des nappes ont les meilleurs rendements. Mais avec les possibilités de stockage qu’offre l’eau, l’utilisation en continue de l’électricité n’est pas nécessaire, et des systèmes de production alternatifs intermittents peuvent être utilisés.
        Il existe également les réseaux de chaleur et de froid qui ne fonctionnent pas forcément à l’électricité, et pour la part effectivement fonctionnant à l’élec, la zone de production étant centralisée, elle peut être relié à des centrales solaires ou éoliennes en dehors des zones habitées, pour éviter la ramification du réseau électrique jusqu’aux habitations.
        Ensuite, pour l’éclairage, il existe déjà des systèmes reliés à des énergies renouvelables qui fonctionnent.
        Pour les voitures électriques, elles peuvent se recharger au bureau pdt que vous travaillez (une borne de recharge 2h nécessite 50m² de panneaux solaires, une borne de recharge 7h 20m² en région parisienne).

        Bref, l’électricité certes nous en avons besoin mais avec partimonie.
        Pour d’autres postes d’utilisation (chauffage, moteurs thermiques), les énergies stockables deviennent plus intéressantes (biomasse, biogaz). De plus, grâce à la co-génération (voire tri-génération), la production d’électricité sur site à partie d’énergie stockable est possible...

        Donc restons ouvert sur le débat, le but n’est pas de savoir qui a raison et qui a tort. Le but est d’expérimenté, et pour ça à force de parler, nous avons pris beaucoup de retard par rapport à nos voisins (7000 usines de méthanisation en Allemagne, quand nous Français avons construit notre première en 2004... Nous en sommes à une cinquantaine...).
        Le nucléaire pose des questions légitimes, mais ne perdons pas de vu le projet ITER (http://www.iter.org/fr/accueil), qui pourrait voir le jour de la réussite de la fusion nucléaire, qui ne créée pas les déchets dont nous ne savons que faire, et la réserve énergétique est quasiment inépuisable car les éléments combustibles sont abondants sur Terre, contrairement au plutonium et uranium. Si cette technologie s’avère possible, elle pourrait libérer 4 fois plus d’énergie que la fission nucléaire classique...

        26.06 à 19h05 - Répondre - Alerter
  • Il existe un scénario alternatif à Negawatt, il s’appelle NegaTep et comme son nom l’indique, au lieu de faire la chasse au watt électrique fait la chasse au Tep fossile. Bref tous ce que les escrolos n’ont pas compris : la dépendance au fossile est infiniment plus grave que la dépendance au nucléaire

    29.08 à 21h09 - Répondre - Alerter
  • Il faut rappeler que Terra Nova est financé par ses mécènes, comme annoncé ouvertement sur cette page :
    http://www.tnova.fr/les-partenaires

    Etant donné que parmi les mécènes figure Areva (à noter aussi la fondation Total), il n’est pas étonnant que le rapport ne propose pas un arrêt rapide de l’électronucléaire.

    29.08 à 11h07 - Répondre - Alerter
  • Sans les entreprises, pas de société en mouvement, pas de richesses à redistribuer, pas de vie en commun ... etc.
    Votre question, ci dessous reproduite, me gêne.
    "Finalement, le rapport de terra-nova, ne fait-il pas la part trop belle aux grandes entreprises au détriment du consommateur et du citoyen ?"
    NON, à mon avis, les grandes entreprises, si elles sont locales, doivent être soutenues sans réserve, elles sont le "bras armé" de l’exportation ; de plus, certains marchés ne sont accessibles qu’aux entreprises disposant d’une solide notoriété et des ressources humaines et matérielles adaptées.
    Les PME et TPE, sont le "bras armé" de l’innovation, de l’adaptabilité, de la proximité.
    Toutes les entreprises actives sur le territoire, sont complémentaires.
    Si le politique avait compris le rôle des entreprises, nous ne serions pas devenu une nation de consommateurs, à la merci de la cupide finance.
    Le grand absent, c’est l’état, garant des recherches sur le long terme.
    Je résume : l’état prévoyant et honnête + les grandes entreprises + les PME et les TPE + les universités en synergie, avec des consommateurs responsables, et des citoyens engagés, voilà la seule façon de maîtriser les énergies plurielles et la transition.
    jean-Louis Gaillard

    29.08 à 00h19 - Répondre - Alerter
    • Merci pour ce commentaire. Je suis parfaitement d’accord avec vous : les entreprises sont des acteurs essentiels de la révolution écologique. Cela n’est sans doute pas assez explicite dans mon texte.
      Je voulais dire qu’il y a le risque de vouloir tellement aider ces multinationales, notre bras armé à l’exportation, que l’on en oublie l’intérêt du citoyen et de la Nation.

      29.08 à 07h54 - Répondre - Alerter
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