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12-03-2015
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Agriculture
Afrique
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Les nouveaux résilients (5/7) : le marchand de carbone

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Les nouveaux résilients (5/7) : le marchand de carbone
(Crédit photo : Belgian FPS Foreign Affairs)
 
En République démocratique du Congo, Olivier Mushiete Nkole s'est lancé dans un vaste programme d'agroforesterie. Et pour financer les investissements initiaux nécessaires, il a fait appel au marché carbone.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Ici, le changement climatique n’est encore qu’une épée de Damoclès. Là-bas, il sévit déjà. Sécheresse, dégradation des sols, insécurité alimentaire… Du Togo au Congo, en passant par les Philippines et la Papouasie-Nouvelle Guinée, des populations sont, dans leur quotidien, aux prises avec les conséquences du dérèglement. Pour s’en prémunir ou s’y adapter, des porteurs de projets rivalisent d’inventivité. Ils imaginent de nouvelles sources d’énergie, redécouvrent des plantes, réapprennent à cultiver en milieu aride. Le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Agence française du développement (AFD) a lancé le concours Challenge Climat pour récompenser ces initiatives. Terra eco est allé à la rencontre de ces nouveaux résilients.

Les crédits carbone qui s’échangent – à prix dérisoire – sur le marché semblent bien intangibles. Pourtant, dans les pays où le CO2 s’économise, ils ont des visages très concrets. C’est le cas sur le plateau des Batéké, à deux heures de route de Kinshasa (République démocratique du Congo). Là, des étendues d’acacias parsemés de manioc s’offrent au regard. C’est cette savane herbeuse de faible fertilité qui, ainsi transformée, s’est vue officiellement érigée au rang de puits de carbone agroforestier, le premier d’Afrique centrale enregistrée à la Convention cadre des Nations Unies, dans le cadre du mécanisme de développement propre. Mieux, si les plantations séquestrent, elles évitent aussi – en limitant le risque de feu et en fertilisant les terres pour les habitants – les tentations de déforestation. Aussi, d’ici à 2020 devront être plantés 8 500 hectares de la même combinaison – acacias + manioc – (voir pdf. Assez pour prétendre cette fois au mécanisme Redd (Réduction des émissions de CO2 provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts), là aussi valorisé au sein des Nations Unies à travers le versement de crédits carbone.

Une double ambition à mettre au compte d’Olivier Mushiete Nkole, un ingénieur agronome formé en Belgique. Pour y parvenir, l’homme a fondé deux structures : d’un côté, une société privée, Novacel, qui plante acacias et manioc, les récolte et transforme les produits qui en sont issus ; de l’autre, une ONG, GI Agro, qui forme les habitants des villages alentour aux vertueux principes de l’agroforesterie, mais aussi améliore leur vie au quotidien via la construction d’une école et d’un dispensaire.

Formation. Crédit photo : Ibi village.


Invité à Paris par l’Agence française de développement dans le cadre du Challenge Climat, Olivier Mushiete Nkole raconte son expérience à Terra eco.

« Mon père est mort en 1999 et a légué à mon frère, ma sœur et moi, un terrain sur le plateau des Batéké qu’il avait lui-même reçu de ses parents. C’est un terrain d’héritage coutumier qui est dans notre famille depuis longtemps. Moi, j’avais fait des études d’agronomie en Belgique. Quand je suis rentré, c’était la fin de l’ère Mobutu. A cette époque, il était difficile de mobiliser des ressources financières. D’autant que le plateau des Batéké, avec son sol sablonneux qui retient peu les éléments fertilisants, avait une faible productivité. L’avantage, en contrepartie, c’est que les étendues sont vastes. En 1997, Kabila est arrivé et on est entrés dans une longue période d’instabilité. La guerre a éclaté en 1998 et ne s’est terminée qu’en 2003. C’était difficile, là encore, de trouver de l’argent.

La stratégie d’agroforesterie, je l’avais déjà dans la tête mais j’ai dû ronger mon frein à cause des problèmes politiques. J’ai commencé l’expérimentation en mars 2005. Dans notre modèle d’agroforesterie, on fait des lignes de manioc et d’acacias. Après dix-huit mois, on retire le manioc et on consomme les tubercules. L’arbre, lui, continue de pousser pendant sept ans avant qu’on ne le coupe pour en faire du charbon de bois. Mais pendant tout ce temps, les feuilles des arbres s’accumulent, un matelas se met en place. Et quand on coupe les arbres, le manioc retrouve un sol protégé de l’impact du soleil et de la pluie et fertilisé par les acacias qui ont capté l’azote de l’air. Le manioc, lui, a protégé les arbres contre le feu, puisqu’il ne brûle pas. Un des grands inconvénients de ce procédé, c’est que le cycle est long et donc difficile à gérer pendant les dix premières années : il y a beaucoup de travail, mais peu de revenus. Une fois cette période passée, on rentre dans un processus viable et vertueux. Les villageois ne vont plus dans la forêt primaire pour chercher du bois et la gestion du territoire s’en trouve modifiée. »

Dans le manioc. Crédit photo : Ibi village.


« Pour financer cette première période, je me suis engagé dans l’aventure carbone dès 2005. En septembre de cette année-là – alors que je commençais à peine à expérimenter l’agroforesterie sur mes terres – la Banque mondiale m’a signé une lettre d’intention me garantissant l’achat d’un million de tonnes de CO2 (soit l’équivalent de 5 millions d’euros au cours d’aujourd’hui, ndlr) via le mécanisme de développement propre qui récompense la séquestration du CO2. A l’époque, le programme Redd n’existait pas. Il est apparu plus tard, en 2006-2007, quand les pays forestiers ont voulu récompenser ceux qui préservaient la forêt existante en comptabilisant les émissions économisées grâce à elle. En 2009, j’ai répondu à l’appel à projets du fonds de la forêt du bassin du Congo pour participer à un projet pilote Redd. Le souci, c’est que le marché carbone est trop bas. Nous avons une promesse d’un million de tonnes de crédits rachetés. Mais combien d’argent touchera-t-on et quand ? Qu’est ce que cela signifiera par rapport à notre investissement ? On devra sans doute se bagarrer. »

A voir, un petit film de Yann Verbeke et Séverine Dieudonné sur l’expérience menée par Olivier Mushiete Nkole

Olivier Mushiete / Ibi Village (RDC) from Yann Verbeke on Vimeo.


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