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21-02-2012
Mots clés
Société
Climat
Etats-Unis

L’Heartland Institute, la machine à plomber le climat

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L'Heartland Institute, la machine à plomber le climat
(Le Dr. Wojick, embauché par le Heartland Institute, est issu de l'industrie du charbon. Crédit photo : Joost J. Bakker IJmuiden - flickr)
 
La publication de documents internes du think-tank américain révèle sa stratégie pour contrer la réalité scientifique du changement climatique. Au menu : modification des programmes scolaires, salaires versés aux climato-sceptiques, influence sur les médias...
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Aux Etats-Unis, c’est bien connu, on aime faire les choses en grand. Après les 111,3 millions d’accros au football américain du Super Bowl, les 45 millions de dindes dévorées pour Thanksgiving, voici une autre nouvelle « super machine » : celle à démonter la réalité scientifique du changement climatique anthropique. Le nom de cet exterminateur ? Le Heartland Institute. Les documents internes récemment révélés par le blog DeSmogBlog et par Think Progress étalent sans scrupules les stratégies mises en place par ce think-tank pour que le droit à polluer soit remis au goût du jour. En cinq points, Terra eco vous explique comment ce groupe s’y prend pour casser la baraque climatique.

- Aux écoliers, tu diras que le changement climatique est un canular.

« Beaucoup de personnes déplorent l’absence de matériels éducatifs, qui ne soit ni alarmistes ni surpolitisés, sur le changement climatique pour les écoliers du 12ème grade (l’équivalent de la classe de terminale, en France, ndlr). Heartland a essayé de rendre ce matériel disponible, mais n’a eu qu’un succès limité », peut-on lire dans le paragraphe consacré à l’éducation. Heureusement, le think-tank a une solution : le Dr. David Wojick. Ce sauveur n’est autre qu’un des consultants, issus de l’industrie du charbon, du bureau de l’information scientifique et technique du Département de l’Energie américain, pour lequel il a notamment planché sur la question de l’éducation des sciences et de l’environnement. Questions stratégies et contacts dans le milieu, c’est donc peu dire qu’il en connaît un rayon. Son plan ? Un programme scolaire destiné à démonter la bien-pensance climatique qui devrait avoir « un grand succès », comme l’espère Heartland.

Le Dr. Wojick a en effet imaginé quels concepts les enseignants devraient aborder, grades après grades, pour avoir le plus d’impacts. Les 17-18 ans se verront enseigner des modules comme « l’activité humaine change le climat est une controverse scientifique majeure » ou « le CO2 est un polluant controversé ». Les enfants de 12 à 15 ans devront apprendre que « les impacts sur l’environnement sont souvent difficiles à déterminer. Par exemple, il y a une importante controverse sur le fait que les humains changent ou non le climat ». Un « donneur anonyme » tel que le nomme le think-tank, semble emballé par ce projet : il lui a donné 100 000 dollars (75 516 euros), en partie reversés au Dr. Wojick, rémunéré à hauteur de 5 000 dollars (3 775 euros) pour chaque module proposé.

- Aux « anti-climat », tu donneras beaucoup d’argent

Grâce à Heartland, Anthony Watts se remplit aussi les poches. Cet ancien présentateur météo tient un des blogs les plus connus parmi les « anti-climat », Watts up with that ?. « Hearland s’est engagé à aider Anthony à lever 88 000 dollars (66 457 euros) en 2011 », atteste en effet un document, et ce afin de créer un nouveau site dédié au suivi des températures de surface. Pour Watts, les températures enregistrées depuis des décennies ne pourraient en effet pas être prises au sérieux, car parasitées par les micro-conditions régnant autour des thermomètres, à cause des radiations issues des bâtiments, des machines, des routes (révélant qu’il méconnaît de fait que les modélisations réalisées par les scientifiques sont pensées pour éliminer ces données parasites).

D’autres « anti » sont généreusement arrosés par Heartland, afin qu’ils continuent à répandre leurs messages climato-sceptiques, d’après cet autre mémo, résumant la stratégie du think-tank pour 2012. C’est le cas de Craig Idso, fondateur du Centre pour l’étude du CO2 et du changement climatique, payé 11 600 dollars par mois, soit 8 760 euros, par Heartland. Ou encore de Fred Singer, professeur émérite de sciences environnementales à l’Université de Virginie (5 000 dollars par mois, soit 3 775 euros), de Robert Carter, chercheur à la James Cook University, en Australie (1 667 dollars par mois, soit 1 258 euros). Le trio a déjà publié un ouvrage, Climage Change Reconsidered, disponible en ligne et coproduit par le Heartland Institute. Au total, le groupe dépenserait quelques 300 000 dollars (226 539 euros) en salaires pour payer des experts, rassemblés dans ce qu’ils nomment le « Nongouvernemental panel on climate change », afin de démonter les conclusions de l’Intergovernemental Panel on Climate Change (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), établi par le Programme pour l’environnement des Nations Unies et l’Organisation météorologique mondiale.

- Des conférences anti-climatiques, tu organiseras

C’est le point d’orgue des actions menées par le think-tank : organiser de grandioses contre-conférences allant à l’encontre des annuelles et officielles « Conferences of the parties »mises en place par l’IPCC. La quatrième conférence s’est tenue à Chicago, dans l’Illinois. En 2009, Suzanne Goldenberg, du Guardian, s’était aventurée dans les couloirs de l’une de ses réunions à New York, où se tenaient des sessions aux intitulés aussi improbables que « changement climatique et événements extrêmes : mensonges et statistiques », (voir la vidéo ici).

- Les grands médias, tu mettras dans ta poche

Certains médias ont été des alliés efficaces pour relayer les propos climato-sceptiques. Mais certains, à l’instar de Forbes, semblent avoir cassé le pacte. « Les efforts auprès de médias tels que Forbes sont particulièrement importants maintenant qu’ils ont commencé à permettre à des scientifiques très en vue, comme Peter H.Gleick, (un spécialiste des liens entre environnement, développement économique et sécurité internationale au Pacific institute d’Oakland, en Californie, ndlr) de publier des essais sur la science du changement climatique qui contrent les nôtres. Cette audience très suivie était anti-climat et il est important de continuer à y garder nos voix adverses », mentionne ce document sur la stratégie climatique pour 2012 (ici). Heartland envisage aussi d’approcher le journaliste Andrew C. Revkin, qui tient le blog DotEarth, en utilisant l’antipathie que celui-ci exprime vis-à-vis des plus extrêmes défenseurs du changement climatique anthropique.

- Des fonds des grands industriels, tu récolteras

En 2012, Heartland compte bien récolter 7, 7 millions de dollars (5,8 millions d’euros), soit 170% de budget en plus, auprès de ses donateurs, décrit le document dédié à la récolte de fonds. Parmi eux, un très secret (et très riche !) « anonymous donor » a promis 1,2 millions de dollars (900 000 euros). Pour boucler son budget, Heartland table sur de grandes compagnies, déjà partenaires, pour renouveler leurs dons. C’est le cas des géants du tabac Altria et Reynolds America, ou des « Big Pharma » que sont GlaxoSmithKline, Pfizer et Eli Lilley. Plus surprenant, des entreprises s’engageant pourtant publiquement en faveur de la lutte contre le changement climatique... versent aussi de l’argent à Heartland, à l’instar de Microsoft. Contribution au think-tank en 2009 : près de 60 000 dollars (45 300 euros). Réponse des intéressés : la société de micro-électronique aurait fait cette donation dans le cadre d’un autre programme mené par Heartland, qui donne l’accès à des logiciels à des organisations à but non lucratifs. « Notre position sur le climat demeure inchangée », a affirmé au Guardian une porte-parole de l’entreprise.

Après la publication de ces documents internes, la réponse du Heartland Institute n’a pas traîné : dans un communiqué de presse, le think-tank a promis de s’attaquer aux blogs et aux sites qui avaient repris ces documents avant qu’ils n’aient pu répondre. Car Heartland ne dément pas vraiment : à ses yeux, seul un des documents serait un « faux », titré « Confidential memo : 2012 Heartland climate strategy » (Note confidentielle : Heartland, la stratégie 2012 pour le climat).

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Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

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