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18-05-2011
Mots clés
Energies
Japon

« J’avais choisi cet endroit pour son eau et son air pur »

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« J'avais choisi cet endroit pour son eau et son air pur »
(Crédit photo : Angela Bolis)
 
Shinpei Murakami, 52 ans, était installé à Iitaté, village réputé pour ses initiatives écologiques, à 40 km de la centrale. Avant de s'installer, il avait coopéré pendant 20 ans à des ONG au Bangladesh, en Thaïlande, en Inde et en Afrique pour promouvoir l' « agriculture naturelle ».
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« A Iitaté, on avait 6 hectares. Je sais que c’est peu pour la France, mais au Japon, c’est beaucoup ! On cultivait des légumes, du riz, du maïs, des prunes, des myrtilles... Je plantais plusieurs variétés de légumes complémentaires ensemble, pour éviter les maladies et les parasites. Dans mon exploitation, il n’y avait pas de labour, pas de produits chimiques, et beaucoup de biodiversité. Avec nos produits, ma femme préparait 34 plats cuisinés différents, pour le restaurant de macrobiotique qu’elle tenait dans la ferme. On a trois enfants de un, quatre et sept ans qu’on élevait en plein air ! J’avais choisi cet endroit, il y a neuf ans, pour son eau et son air pur. Mon rêve, c’était d’y construire un éco-village. Maintenant que la zone est contaminée, tout est réduit à néant.

Je me souviens très bien du 11 mars, quand c’est arrivé. Il était 14h40. J’étais à la ferme, et je construisais un bungalow. On venait de terminer la structure en bois, et de célébrer la cérémonie japonaise qui clôture cette étape de la construction d’une maison. J’étais monté sur une poutre élevée du bungalow quand le séisme a commencé. D’habitude, les secousses durent environ une minute. Là, on a été secoué pendant cinq minutes, c’est le plus grand tremblement de terre que j’ai connu. Je me suis accroché à ma poutre pendant tout ce temps, sans craindre pour la solidité de ma construction !

Puis je suis allé constater les dommages dans ma maison : presque rien, mis à part que l’électricité était coupée. A la radio, ils ont annoncé un tsunami de 10 mètres : c’était exceptionnel, les tsunamis faisant habituellement un ou deux mètres. Je me suis dit qu’on avait de la chance, dans notre ferme, d’avoir beaucoup de riz et de légumes, et que nous allions en apporter aux gens qui habitaient sur la côte.

A 18 heures, on a eu des nouvelles de la centrale : elle s’était arrêtée automatiquement pendant le séisme. Et à cause du tsunami, toute l’électricité était coupée dans la région. Au début, nous n’avons pas compris le problème. Puis on a su que lorsqu’une centrale s’arrête, elle a besoin d’énormément d’électricité pour refroidir ses réacteurs – pendant 30 ans après son arrêt, une centrale ne produit plus mais consomme de l’énergie ! Or si le système de refroidissement est en panne, le coeur peut entrer en fusion, et provoquer une explosion.

A 23 heures, la télévision a annoncé que le système de refroidissement fonctionnait. J’étais rassuré, je suis donc allé me coucher. Mais à 2 heures du matin, ma femme et mes enfants – qui étaient restés dans la ville de Fukushima - sont rentrés paniqués. Mon épouse m’a dit : « On doit vite se sauver ! » Elle avait eu des informations par des amis appartenant à un réseau anti-nucléaire, qui savaient que les annonces officielles étaient fausses, et que la fusion avait déjà commencé. On est donc parti avant tout le monde. Le lendemain, il y a eu une première explosion d’hydrogène, puis deux, puis trois. Alors, j’ai compris que le gouvernement et Tepco, malgré ce qu’ils disaient, étaient complètement dépassés par la situation.

Après ces explosions, beaucoup d’amis sont partis de chez eux. Mais ils n’avaient nulle part où se réfugier. J’ai proposé un hébergement au lycée agricole de la coopérative Ainô, qui a accueilli jusqu’à 50 personnes. Six familles y vivent encore. Avec mes enfants, nous nous sommes réfugiés chez mes parents, à 500 km de Fukushima.

Avant, le seuil d’exposition à la radioactivité était officiellement de un ou deux millisieverts par an. Après l’accident, le gouvernement a augmenté cette dose à 20 mSv : en-deçà, on n’est pas pris en compte dans la zone d’exclusion. De plus, le gouvernement n’a calculé la radioactivité qu’à partir du 23 mars, c’est-à-dire onze jours après l’accident nucléaire. S’il avait pris en compte les mesures depuis le début, la zone d’exclusion devrait être largement élargie, et engloberait un million de personnes. Mais c’est au-delà des capacités d’accueil de l’Etat.

Aujourd’hui, après avoir vécu cette expérience, je veux passer le reste de ma vie à lutter contre l’énergie nucléaire. Du temps de Tchernobyl, le Japon disait : « C’est à cause des Soviétiques. Nous avons la meilleure technologie au monde, ça ne peut pas nous arriver... » Il y a peu, Nicolas Sarkozy est venu au Japon, et il a dit : « Chez nous, il n’y a pas de risque, car nous avons une meilleure technologie. » Certes, mais nous n’avions pas imaginé un séisme d’une telle ampleur, qui peut arriver une fois tous les mille ans sur nos terres. Et vous, êtes-vous sûrs d’être protégés contre toute éventualité, par exemple contre une attaque terroriste ? »

Lire aussi le témoignage de Toshihide Kameda

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