publicité
haut
Accueil du site > Actu > Nature > Insecte - maïs transgénique : 1 - 0
Article Abonné
2-09-2011
Mots clés
Alimentation
Agriculture
Etats-Unis

Insecte - maïs transgénique : 1 - 0

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Insecte - maïs transgénique : 1 - 0
 
Aux États-Unis, la chrysomèle, principal ravageur des cultures de maïs, a développé une résistance contre un maïs transgénique commercialisé par le géant des semences Monsanto.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Ils ne font que 7 mm de long mais ils viennent pourtant de tacler un maïs génétiquement modifié commercialisé par le géant américain des semences, Monsanto. Eux, ce sont de petits coléoptères de l’espèce Diabrotica virgifera, communément appelés chrysomèles du maïs. Pour avoir développé une résistance contre la toxine Cry3Bb1, produite par le maïs transgénique et censée combattre les chrysomèles, celles-ci ont été surnommées par les agriculteurs américains « les insectes à 1 milliard de dollars ». Longtemps suspecté, l’exploit ne fait plus aucun doute : des chercheurs de l’Université de l’Iowa, aux Etats-Unis, qui publient leurs résultats dans la revue PLoS ONE, ont bel et bien repéré l’insecte rebelle aux biotechnologies dans des champs américains.

Un ravageur historique

Les chrysomèles n’en sont pas à leur premier coup de force : elles mènent la vie dure aux champs de maïs américains depuis plus de 50 ans. Originaires d’Amérique centrale, elles ont envahi l’Amérique du Nord dans les années 1955-1970, notamment la « Corn Belt », le centre céréalier du pays de l’Oncle Sam. « C’est l’un des ravageurs du maïs les plus importants aux États-Unis. En Europe [la chrysomèle y a été détecté pour la première fois en 1992], c’est un ravageur avéré en Italie du nord et dans le gros foyer invasif de l’Europe centrale et du Sud-Est. La chrysomèle ne ravage pas encore les cultures françaises car ses populations sont trop petites, pas encore assez denses », explique Thomas Guillemaud, de l’équipe « Biologie des Populations en Intéraction » à l’université de Nice Sophia Antipolis. Mais les cultivateurs commencent à leur faire régulièrement la guerre l’été en Alsace, Bourgogne et Rhône-Alpes.

Leur arme ? La voracité de leurs larves, pondues dans le sol et qui, tous les printemps, se font un festin des racines des jeunes plants de maïs. Ceux-ci, plus qu’affaiblis, n’y résistent souvent pas, allant jusqu’à verser dans les champs. Insecticides classiques, rotation des cultures : rien n’y a fait pour y venir à bout. Le maïs dit Bt, dans lequel un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis a été inséré afin de produire une toxine détruisant la chrysomèle, devait être « LA » solution pour venir à bout de ces insectes récalcitrants.

Une guerre éclair

Peine perdue : l’OGM développé par le géant Monsanto est mis en échec moins de 10 ans après sa première commercialisation, en 2003. Et même pire : d’après les scientifiques de l’Iowa, qui ont étudié la dynamique d’apparition des chrysomèles résistantes au sein de champs OGM, trois ans après l’implantation de cultures transgéniques suffiraient pour que ces insectes mutants soient sélectionnés et transmettent ce « super-pouvoir » à leur descendance. « Nous savons que l’apparition de résistance est très rapide chez les chrysomélidés. Mais un tel délai de 3 ans est incroyable ! Je ne pense pas que les semenciers aient pu anticipé cela », remarque Denis Bourguet, du Centre de biologie pour la gestion des populations de Baillarguet.

De quoi s’interroger sur la mise en œuvre de l’implantation du maïs transgénique aux États-Unis. En 2009, pas moins de 45% des cultures de maïs y étaient d’ores et déjà de type Bt. Avec une telle ampleur, la pression de sélection sur les chrysomèles a été forte, poussant les formes adaptées à émerger et à prospérer. « Dans la Corn Belt américaine, les populations de chrysomèles sont gigantesques, de plusieurs millions d’individus voire miliards ! Avec de telles tailles, la probabilité qu’un mutant adapté à une stratégie de lutte particulière apparaisse est très importante. Comme la sélection par ces stratégies (insecticides, OGMs, rotation des cultures) est forte, la mutation présente se répand très rapidement et devient fréquente, rendant inutilisable ou peu efficace la méthode de lutte », analyse Thomas Guillemaud. Sans compter que les solutions préconisées pour retarder l’apparition de résistance, comme la rotation des cultures ou l’aménagement de zones « refuge », ne sont pas toujours respectées : ces dernières par exemple, plantées de maïs non transgéniques afin que des lignées d’insectes non résistants s’y développent, ne seraient présentes dans le Midwest américain que dans 50% des cas, d’après les auteurs.

Qu’à cela ne tienne, le semencier d’OGM ne s’avoue pas pour autant vaincu, faisant la pub de sa nouvelle génération de graines transgéniques : celles-ci produisent désormais deux toxines, Cry3Bb1 et Cry34/35Ab1, censées mater doublement la chrysomèle et retarder l’émergence et la propagation de la résistance à d’autres régions agricoles. « Dans les zones où la résistance est déjà apparue, ces maïs à deux toxines n’ont d’ores et déjà plus d’intérêt. Cela ne veut pas dire que ces régions sont ’perdues’ : tout va dépendre de la capacité des entreprises à trouver de nouvelles toxines. C’est le même défi qu’avec les antibiotiques : tant que le réservoir de molécules contre les ravageurs est plein, les résistances pourront être contournées. Mais ce réservoir est-il illimité, ou très limité ? Nous ne le savons pas aujourd’hui », commente Denis Bourguet. Reste que dans sa grande guerre contre les ravageurs, et contre les semences traditionnelles, le géant américain vient de perdre le premier acte : après avoir annoncé être parvenu à maîtriser Diabrotica, la firme vient d’être repoussée dans les cordes par le petit insecte. Et de remettre en cause la super efficacité tant vantée des OGM contre les ravageurs, une de leurs raisons d’être. « Les semenciers sont dans un étau : doivent-ils continuer à vendre toujours plus, au risque de pousser à l’apparition de résistances ? Ou moins vendre, pour la retarder ? », conclut le chercheur.

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

1 commentaire
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Et oui, nous les insectes, nous gagnerons toujours.

    Nous avons des cycles reproductifs beaucoup plus rapide que les vôtres, notre phase de développement embryonnaire par rapport à notre vie adulte est proportionnellement beaucoup plus rapide que la vôtre. Nous évoluons donc beaucoup plus vite, et nous adaptons beaucoup plus vite. A cette course poursuite là, vous ne pouvez que perdre. L’épigénétique (les interactions entre gênes et environnement) nous favorise largement par rapport à des êtres certes plus intelligents, mais dont les cycles d’évolutions sont beaucoup plus lents.

    Juste un chiffre, une autre vérité qui dérange : les pertes de production agricoles, avant et après récolte, sont aujourd’hui, en proportion, les mêmes qu’en 1900, soit avant que vous ne lanciez la guerre chimique. Cette stratégie est vouée à l’échec.

    La seule solution pour vous, humains, serait de renoncer à vouloir domestiquer la nature. Apprenez plutôt, et vous le pouvez car vous êtes intelligent, à penser comme un écosystème (Aldo Léopold disait "penser comme une montagne"). C’est en travaillant avec, et non contre, l’écosystème que vous y arriverez. Des pratiques de lutte biologique fonctionnent très bien. Des pratiques d’agriculture diversifiées, inspirées par le fonctionnement des écosystèmes, fonctionnent et donnent des rendements tout à fait satisfaisant. C’est ainsi que vous nourrirez l’humanité. En faisant alliance avec le vivant, et non en tentant de lutter contre lui.

    3.09 à 12h45 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas