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19-12-2014
Mots clés
Biodiversité
France

Et la chenille processionnaire s’empara du Nord

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Et la chenille processionnaire s'empara du Nord
(Crédit photo : Lamiot - wikimedia)
 
La chenille processionnaire du pin, une méridionale, attaque le nord de l'Hexagone. Sous l'effet du réchauffement climatique, elle a parcouru cent kilomètres en vingt ans, et frappe aujourd'hui aux portes de Paris.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Elle monte vers le Nord. Rien ne l’arrête. Elle est aux portes de Paris. Les guetteurs de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) ont pourtant bien prévenu : Thaumetopoea pityocampa, la chenille processionnaire du pin, arrive. Les habitants de la capitale ne le savent pas encore, mais elle va, sous peu, devenir leur cauchemar. Un peu au nord de la forêt de Fontainebleau, dans le sud de l’Ile-de-France, se joue un Game of Thrones version insectes contre humains. Mais, dans le vrai monde, à la différence de la série d’heroic fantasy, ce n’est pas le froid et l’hiver que fuit la chenille processionnaire du pin.

Car les scientifiques qui la surveille depuis bientôt trente ans en ont les preuves : Thaumetopoea pityocampa, insecte méridional, a démarré son inexorable invasion du Nord sous l’effet du changement climatique. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) l’a d’ailleurs choisi comme l’un des deux modèles d’adaptation des insectes au réchauffement global de la planète. « On suspecte un lien pour de nombreuses espèces, mais les preuves scientifiques de l’effet du changement climatique sont rares, pour celle-ci nous les avons ! », se réjouit Alain Roques. Responsable de l’unité de zoologie forestière à l’INRA d’Orléans, il coordonne un vaste projet de recherche réunissant plus d’une centaine de scientifiques de 22 pays européens et d’Afrique du Nord et appelé PCLIM. Ce réseau euro-méditerranéen vient de publier les résultats de plus de quinze ans de travail. Son constat est sans appel. Le front de l’armée de lépidoptères a progressé, le long d’une ligne allant du Finistère jusqu’à la Bulgarie, et se déplaçant vers le septentrion. En France, le lépidoptère a ainsi naturellement avancé de plus de 100 km en 20 ans. Jusqu’aux années 90, la Loire semblait infranchissable à ses fantassins. Les voilà aujourd’hui, à Bagneux, à un kilomètre de Paris ! Dans les zones montagneuses, ils ont grimpé entre 3 et 7 mètres en altitude chaque année, et placé sous leur coupe, dans le Massif central, les Alpes et les Pyrénées, des reliefs jusque là épargnés. En tout, les bons petits soldats se sont emparés de 100 000 km2 de territoire.

Des hivers miséricordieux pour sa survie

Si les chercheurs l’ont mise dans leurs radars, c’est que Thaumetopoea pityocampa s’est révélée une parfaite sentinelle climatique. A la différence de la plupart des autres chenilles, elle se développe en effet pendant l’hiver, dans des nids blancs et soyeux installés dans ses arbres favoris, pins noirs si possible. « La chenille est sensible à de légères variations de température, sa survie en dépend : nous avons mis en évidence que si le thermomètre descend sous les -16°C, toutes les larves meurent, c’est une première barrière thermique à son expansion », explique Alain Roques.

La seconde permet ou condamne sa capacité à se nourrir. Pour que les chenilles sortent du nid brouter les aiguilles de l’arbre sur lequel elles dorment, il leur faut un clément 9°C pendant la journée, suivi d’une nuit où le mercure ne descend pas au-dessous de zéro. Faute de quoi, c’est la disette, puis, en cas de rigueur prolongée, la famine et la mort. Or, les relevés météo des vingt dernières années ont montré que les hivers devenaient inéluctablement miséricordieux pour Thaumetopoea pityocampa. Les années les plus froides ont affiché un frais – 14°C, épargnant des générations de lépidoptères. Mieux encore, dans le Bassin parisien, la température moyenne minimale d’octobre à mars a augmenté d’environ 1°C ! C’est ainsi que la méridionale a franchi la Loire à Orléans au milieu des années 90, est arrivée à Fontainebleau au milieu des années 2000 et s’est retrouvée à Rambouillet et Melun en 2011. « En réalité, le changement climatique va plus vite que la chenille : aujourd’hui, c’est tout le territoire hexagonal qui lui est favorable, il n’y a plus de barrière thermique à son expansion », précise Alain Roques.

L’insecte de la forêt s’est retrouvé en ville

Encore faut-il qu’elle se déplace, la bougresse ! Pour lui faciliter la manœuvre, les humains ont bien fait les choses en posant des chevaux de Troie un peu partout sur l’Hexagone. Le pin noir fut ainsi longtemps le chouchou des bordures d’autoroutes. « Nous nous demandions comment la chenille avait pu franchir la plaine de la Beauce, explique Alain Roques. En réalité, il y a toujours une place de village ou un rond-point sur lequel un pin a été planté : la cartographie de la zone nous a montré qu’il y avait un kilomètre maximum entre deux arbres-hôtes. »

Les femelles papillons nées de la chenille processionnaire ne se sont pas faites prier pour s’engouffrer sur ces boulevards et voleter d’année en année, cinq kilomètres par cinq kilomètres en moyenne, vers de nouveaux horizons coloniaux. Pire, transportée à l’état de chrysalide dans des mottes de terre entourant des pins destinés à l’ornement, la chenille a atterri dans les cimetières, les campus universitaires, les groupes HLM, les cours d’école, les stades municipaux. L’Ile-de-France ayant désormais un climat faste, on a retrouvé des colonies isolées mais bien portantes au nord de la capitale, à Mantes-la-Jolie, Marne-la-Vallée et Conflans-Saint-Honorine. Bref, l’insecte ravageur de la forêt s’est retrouvé en ville, dans l’une des zones les plus densément peuplées du pays.

Dotée d’armes de destruction massive

« Il y a des années, nous imaginions qu’elle n’arriverait aux portes de Paris qu’en 2020 ! En fait, ça y est, tout le sud de l’Ile-de-France est colonisé : les maires des communes ne savent pas ce qu’ils doivent faire, ils finissent par appeler chez nous », précise Céline Magen, de la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) Ile-de-France, qui anime le réseau d’épidémiosurveillance des zones non-agricoles. Car la chenille processionnaire porte sur elle des armes de destruction massive. De moins d’un millimètre chacun, cachés dans les replis de sa peau, ses poils urticants, en forme de harpons, sont libérés en cas d’agression. Chaque Thaumetopoea pityocampa en dispose d’un million environ. Comme la chenille vit par groupe de deux cents, c’est un arsenal.

Au printemps les chenilles partent en procession. A la queuleuleu, elles descendent le long du tronc de leur arbre en quête d’une terre meuble pour s’enterrer au chaud et devenir papillon. Qu’un fidèle Médor s’avise, à ce moment précis, d’aller renifler de trop près cet étrange scoubidou vivant, voire décide de le léchouiller, et c’est la nécrose de langue qu’il faut souvent amputer. Quant aux bambins asthmatiques, ou simplement joueurs, ils risquent allergies, chocs anaphylactiques, irritations des muqueuses, cécité, rien de moins. « Dans la Rome antique, la chenille processionnaire était utilisée comme poison : la connaissance de son caractère venimeux ne date pas d’hier, souligne Alain Roque. Les Méditerranéens savent vivre avec elle, et l’éviter quand il le faut, mais les gens du Nord, en milieu très urbanisé, eux, n’ont pas cette culture. »

La contre-attaque s’organise néanmoins. Les armes existent : éco-pièges en forme de collerettes à disposer sur le tronc des pins pour récupérer les insectes pendant la grande descente, aspersion d’insecticides biologiques à base de Bacillus thuringiensis (Bt), une bactérie toxique qui fait mourir la chenille de septicémie, nichoirs à mésanges, l’un de ses prédateurs, guêpes et mouches parasites... Les voisins européens du Nord auraient tort de regarder d’un œil narquois ce grande déballage d’armement. Car, dans un monde à +2 ou + 3°C, c’est toute la partie occidentale du Vieux continent que Thaumetopoea pityocampa sera susceptible de coloniser. Sous climat tempéré réchauffé, la guerre est déclarée.

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  • Comme toujours quand nous sommes face à des problèmes énergétiques, de protection de la nature, nous avons la fâcheuse tendance à ignorer ou minimiser les catastrophes que nous préparons par notre façon de nous comporter vis-à-vis de notre vaisseau spacial : notre bonne-vieille Terre.
    Ces envahisseurs extérieurs qui profitent des changements climatiques que nous provoquons, ceux que nos créons pour résoudre des situations environnementales qui découlent de nos erreurs, détruisent ce que nos ancêtres nous ont laissé en héritage.
    Et nous, qu’allons nous laisser à la génération suivante ??.

    21.12 à 19h55 - Répondre - Alerter
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