Erasmus fait des petits

"J’ai l’impression de vivre L’Auberge espagnole, mais avec la pluie en prime." Antoine, étudiant à Lyon, est passé depuis deux mois de l’autre côté de la Manche. Grâce au programme Erasmus, il suit des cours à l’université de Bristol. Coût d’une année pour un Britannique : 550 euros. Antoine, lui, n’a versé que les droits d’inscription dûs à son université d’origine. Merci au généreux Erasmus qui permet à ce jeune Froggy de découvrir la bière brune et la gelée à la menthe.

Le "programme d’action communautaire en matière de mobilité des étudiants universitaires" est né en 1987. Baptisé Erasmus en hommage au philosophe humaniste Erasme de Rotterdam - qui vécut dans plusieurs régions d’Europe au XVe siècle - il est financé par la Commission européenne. Un million d’étudiants ont lui connu grâce à lui les joies du déracinement. Une façon de préparer l’Europe de la mobilité.

Tous en Espagne !

Erasmus est ouvert à 31 pays : les 25 de l’Union, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège, et les trois candidats que sont la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. La France remporte la palme de la plus grosse "exportatrice" d’étudiants. Destination préférée  ? L’Espagne. "Soleil, fiestas et tapas, il ne faut pas me demander pourquoi j’ai choisi Barcelone !", sourit Emmanuelle, 25 ans. Le budget alloué par la Commission à Erasmus s’élevait à 950 millions d’euros pour 2000-2006. Une manne incluant la bourse versée à chaque étudiant - 150 euros par mois - qui, selon beaucoup, reste bien symbolique. "Même avec un logement étudiant, il a bien fallu que je me trouve un job pour financer mes extras", raconte Aurélie, qui a passé un an à Cardiff.

La Commission a émis une recommandation afin que le montant de cette bourse, gelé depuis 1993, soit doublé d’ici à 2007. Le Parlement, quant à lui, réclame 210 euros immédiatement, puis 300 en 2013. Car la vie à l’étranger peut coûter cher. Andrei Stanease, Roumain et ex-Erasmus, est responsable à Paris d’European Students Networks, une association dédiée à l’intégration des jeunes étudiants. Selon lui, "le problème numéro un consiste à les aider à trouver un logement. Ils ne disposent en moyenne que de 400 euros par mois pour cela".

Autre bémol au succès du programme, il n’a pas atteint l’un des objectifs fixés à sa naissance : bénéficier à 5 % des étudiants européens. A ce jour, à peine 1 % d’entre eux ont pu s’expatrier. Pourtant, le programme a fait des petits. Il se décline aujourd’hui à l’échelle mondiale via Erasmus Mundus, qui permettra cette année à plus de 1 300 étudiants de pays tiers de suivre des cours de master européens "de qualité". But avoué par la Commission : attirer les talents des quatre coins du monde dans les amphis de l’Union.

L’Afrique admise sous conditions

Un budget de 52 millions d’euros permet de financer leurs bourses. L’Asie s’immisce en force avec une majorité de Chinois, suivis par les Brésiliens et les Russes. Et la famille n’a pas fini de s’élargir : il y a deux mois, Jacques Chirac a lancé l’idée d’un "Erasmus méditerranéen" qui pourrait prendre le nom d’Averroès, du nom du philosophe arabe du XIIe siècle. Sans oublier le petit cousin d’Afrique, "Nyerere-Erasmus", qui est censé donner un coup de pouce aux Africains pour venir parfaire leur formation en Europe... A condition qu’ils s’engagent à rentrer au pays après leurs études. Histoire de réguler la fuite des cerveaux.

---

Erasmus en chiffres

En 2004-2005, 21 561 Français ont bénéficié d’Erasmus. Depuis 1987, 217 286 étudiants ont pu quitter l’Hexagone pour étudier dans un autre pays membre. L’Espagne a attiré en 2005 plus de 25 000 étudiants Erasmus, la Grande-Bretagne un peu plus de 16 000 et la France, 20 000 . Le Luxembourg a reçu 16 étudiants.

6,5 mois  : c’est la durée moyenne du séjour Erasmus en 2005.