C’était donc ça. Après l’échec de décembre 2007 près de la cathédrale Notre-Dame de Paris, où les CRS les attendaient de pied ferme, les Don Quichotte avaient imaginé un stratagème pour éviter de se faire déloger dans la foulée. C’était donc ça : ne pas révéler le lieu de campement avant le rendez-vous, 18 heures, place de la Concorde, à Paris.
A 18 heures, place de la Concorde, ce vendredi 15 mai, il n’y avait donc rien, excepté un regroupement de journalistes incrédules. Pas l’ombre d’une tente Quechua à l’horizon. Jusqu’à ce que, quelques minutes plus tard, débarque, de l’autre bout de la place, un géant au grand manteau noir, mégaphone à la main : "Suivez-moi", lance alors Augustin Legrand, l’un des fondateurs de l’association les Enfants de Don Quichotte. Direction les quais, au pas de course s’il vous plaît. "C’est drôle. On court sans savoir où on va" s’amuse Yannick, 24 ans, et sympathisant de la cause des mal logés, en atteste l’autocollant qu’il affiche sur sa poitrine.
"A la rue depuis 10 ans"
Quelques centaines de mètres plus loin, la grappe de micros et de caméras s’engouffre dans un escalier qui mène aux berges, en face du Musée du quai d’Orsay. Là, elle découvre une centaine de tentes déjà installées. Satisfaction. "Au moins, les CRS ne pourront pas empêcher l’installation du campement" commente Camille, 21 ans, étudiante, elle aussi venue soutenir les Don Quichotte.
Grégory, 27 ans, SDF, a déjà pris possession de sa tente. Assis en tailleur, il se déclare "déterminé à ne pas la quitter avant l’été", il tiendra même "jusqu’à l’hiver s’il le faut". "Je suis à la rue depuis 10 ans, rejoindre Augustin Legrand est la dernière solution que j’ai envisagé. Et ça marche" s’enthousiasme-t-il en faisant référence au succès de 2006. A l’époque, l’association avait installé une centaine de tentes sur les quais du Canal Saint-Martin avant de se faire évacuer quelques semaines plus tard par les forces de l’ordre. Mais suite au retentissement de l’opération, le gouvernement avait annoncé la mise en place d’un plan d’action renforcé au profit des mal-logés et des SDF, puis un projet de loi sur le droit au logement opposable (DALO) depuis adopté.
La force médiatique
Aujourd’hui, quai des Tuileries, toute la question est de savoir combien de temps le campement pourra tenir. "Le plus longtemps possible, quelques mois comme au Canal Saint-Martin", espère Yannick. Vers 19 heures, les CRS, nombreux déjà, se tenaient à distance, perchés sur le quai des Tuileries et la passerelle Solférino. "Ils étaient beaucoup aussi au Canal Saint-Martin. Tout dépend de combien de temps, vous les médias, vous resterez ici". dit Augustin Legrand. Mais les forces de l’ordre bloquent l’entrée du campement. "C’est la stratégie de l’enferment, analyse-t-il, si l’on sort il faudra rentrer en force".
L’opération, annoncée jeudi, a été organisée pour rappeler au gouvernement "ses promesses non tenues" en matière de logement. "M. Sarkozy, quand il a été élu, a dit : dans deux ans, il n’y aura plus personne à la rue." dénonce Augustin Legrand. "Sarko nous a promis des logements" renchérit un Don Quichotte. L’association réclame un "plan Marshall pour le logement". D’où, pour se faire entendre, cet alignement de ces tentes vertes et rouges quai des Tuileries. A 22h30, le campement était évacué par les forces de l’ordre.
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