Scènes, climat et remue-méninges |
Par Hervé Fournier, Dominique Béhar |
Développement durable et culture : le temps de la mobilisation |
Deux axes de réflexion étaient proposés par Christopher Crimes, son directeur [1] : la place des artistes et celui des organisateurs/programmateurs dans la mise en œuvre du DD en termes opérationnels [2]. Nous nous intéressons aujourd’hui au second groupe, sans oublier pour autant que l’artiste a probablement un rôle à jouer dans la mobilisation sociétale autour des grands enjeux de développement durable [3].
La région Poitou-Charentes propose quant à elle depuis 2007 un accompagnement des « éco manifestations » [5] sous l’angle environnemental. Cette politique, la seule à mettre en place un référentiel comparatif entre manifestations, permet aujourd’hui de mesurer les impacts significatifs des évènements et de sortir des ratios/spectateur selon la taille de la manifestation. De façon plus isolée, de nombreuses manifestations culturelles travaillent sur l’ « éco conception » avec des initiatives visant à réduire leurs impacts environnementaux significatifs (déplacement des spectateurs et tri des déchets aux Eurockéennes de Belfort, consommation d’eau pour les Nuits Carrées à Antibes).
Autre motivation, l’évolution du modèle économique des activités culturelles impose, si ce n’est une refonte complète des modes de financement, du moins une réflexion sur de nouvelles recettes et sur ce sujet, l’orientation développement durable ou environnementale des organisateurs peut ouvrir au mécénat des entreprises qui jusqu’à présent se sont peu intéressées aux arts et à la culture. Pour les entreprises industrielles ou de services qui aujourd’hui mettent en place des systèmes de management du développement durable, les acteurs culturels du territoire peuvent figurer au titre des parties intéressées pour lesquels des actions sont mises en place qui dépassent les relations de bon voisinage !
Les théâtres de Broadway se sont réunis sous l’égide de la municipalité new-yorkaise le 11 juin 2008 au Gershwin Theater pour entendre un appel à la mobilisation environnementale et surtout écouter les multiples initiatives déjà lancées dans les salles du pays. Les certifications LEED se développent dans les théâtres américains [7], les premières billetteries ventilant les réductions selon le mode d’accès au lieu de représentations apparaissent également [8].
Pour une démarche plus systémique en terme de développement durable, il faut puiser outre-Manche dans la méthodologie proposée par le Bristish Standard Institution (BSI) l’équivalent britannique de l’AFNOR en France, sur l’organisation d’un évènement responsable [10]. Le guide BS 8901/2007 lancé en septembre 2007 est proche en terme de vocabulaire et d’indicateurs de performance des normes internationales de type ISO 9001 ou ISO 14001 ou du référentiel français SD 21000.
La mise en place d’un système de management ouvrant la voie ou non à une certification constitue la piste méthodologique la plus pertinente pour répondre aux enjeux du développement durable. Il permet d’organiser la mobilisation des équipes autour d’objectifs partagés, de définir précisément les impacts significatifs au sein de l’activité culturelle concernée, d’assurer la mesure des efforts entrepris et d’identifier l’ensemble des parties intéressées par la démarche de l’opérateur. En France, des exploitants de grands équipements publics inscrivent aujourd’hui les certifications dans leur stratégie mais cette orientation reste rare [11].
L’impulsion viendra probablement de groupements d’opérateurs concernés par le développement durable qui se rejoignent sur un territoire ou dans une dynamique d’échanges déjà engagée. Cet émiettement des démarches garantirait le succès des réalisations de développement durable dans les équipements et les équipes de production, tous habitués et habités par l’inventivité, la créativité, l’innovation que réclame notre planète aujourd’hui.
(Légende : Le Quai à Angers intègre dans sa conception architecturale la démarche Haute Qualité Environnementale (HQE))
[1] La construction du Quai achevée en 2007 s’inscrivait dans une démarche Haute Qualité Environnementale
[2] Cette journée était organisée par l’équipe d’Open-Arts emmenée par Theresa von Wuthenau. Open Arts, membre du réseau
[3] Voir ce sujet la proposition théâtrale de Frédéric Ferrer « Kyoto forever »
[5] Eco manifestations. Un bilan des deux premières années avec les opérateurs du Poitou Charentes s’est tenu à Poitiers le 1er octobre 2008.
[6] Voir par exemple le Hove Festival
[7] LEED : Leadership in Energy and environnemental design , principale certification « verte » sur le continent américain qui concerne principalement la construction. Voir par exemple la certification obtenue par le Great Lakes Theater Festival de Cleveland, Ohio.
[8] Voir la billeterie du Elayne P. Bernstein Theatre à Lenox, Massachusetts dans le cadre du programme “Do But Greenly” du réseau Shakespeare & Company
[9] L’industrie théâtrale à Londres produirait annuellement 50 000 tonnes de carbone. Les déplacements des spectateurs n’entrent pas dans l’analyse environnementale par ailleurs estimés à 35 000 tonnes de CO2 par an. Source : Green theatre report, sept 2008.
[10] Specification for a sustainable event management system with guidance for use, 2007.
[11] Notons à proximité la certification Iso 14001 obtenue très récemment par le Grimaldi Forum, lieu d’accueil des grandes manifestations culturelles monégasques.
[12] Syndéac : Syndicat National des entreprises artistiques et culturelles SDTP : Syndicat des directeurs de théâtres privés SNDTV : Syndicat national des théâtres de ville
Hervé Fournier et Dominique Béhar animent Terra 21, un bureau d’étude qui intervient notamment dans la sphère des industries culturelles, principalement la filière spectacle. |