publicité
haut
Accueil du site > Actu > L’économie expliquée à mon père > « Comment être crédible en acceptant des rémunérations de ce niveau-là ? (...)
14-06-2012
Mots clés
Economie
France
Interview

« Comment être crédible en acceptant des rémunérations de ce niveau-là ? »

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
« Comment être crédible en acceptant des rémunérations de ce niveau-là ? »
(Crédit photo : mompl - flickr)
 
Les salaires des dirigeants seront plafonnés à 450 000 euros annuels. Pour Gaby Bonnand, de Terra Nova, encadrer les rémunérations est une nécessité éthique et économique.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Mercredi 13 juin, le ministre de l’Economie et des Finances a déclaré que le salaire des patrons d’entreprises publiques sera plafonné à 450 000 euros annuels et respectera ainsi le ratio de 1 à 20 (entre la plus petite et la plus grosse paie) préconisé par le candidat Hollande. Un décret et un arrêté seront pris sur ces sujets à la fin du mois de juillet et « ultérieurement, on agira sur les rémunérations dans le privé, les stock-options, bonus, retraites chapeaux et parachutes dorés », a ajouté Pierre Moscovici. Mais au fait, pourquoi faut-il encadrer les rémunérations des patrons et comment ? Et risque-t-on quelque chose à le faire ?

Gaby Bonnand est syndicaliste et coauteur du rapport de Terra Nova sur l’encadrement des rémunérations.

Comment en est-on arrivé à de tels écarts de rémunérations ?

Depuis le milieu des années 1980, le mode de financement des entreprises a changé. Plutôt que d’emprunter aux banques pour se financer, elles ont fait appel aux marchés. Des marchés qui ont exigé une rentabilité forte. Les dirigeants ont dû prendre en compte les exigences des actionnaires, qui n’étaient pas forcément intéressés par les produits ou les services fournis par l’entreprise mais plutôt par une rentabilité à court terme ou moyen terme suivant les types d’investisseurs. Mais l’entreprise n’est pas qu’une affaire d’actionnaires, il y a d’autres parties prenantes. Pourtant, les rémunérations des dirigeants ont été adossées à des critères de rentabilité qu’exigeaient les actionnaires et il y a eu des dérives. Aux Etats-Unis, on a vu émerger des scandales comme celui d’Enron, Worldcom…, et en Europe, Parmelat. Les gouvernements ont voulu réguler par des lois. Le gouvernement français, lui, s’est refusé à toucher à la gouvernance des entreprises au motif qu’il ne fallait pas s’immiscer dans la gestion de celles-ci. Ainsi, la loi sur la régulation économique n’a pas obligé la création de comités de rémunération. Chez nous, on a insuffisamment désolidarisé les actionnaires des dirigeants.

Pourquoi faut-il encadrer leurs rémunérations ? Pour des raisons éthiques, morales, économiques ?

Commençons par les raisons économiques. Qu’une entreprise soit en capacité de produire un bien ou un service, c’est une question de compétence et de capacité à travailler ensemble et pas seulement de rationalité économique. S’il y a une trop grande différence de rémunérations, ça n’incite pas, au sein de l’entreprise, à une communauté d’intérêts donc à un investissement collectif dans la production de ce bien ou service. L’encadrement de ces rémunérations est nécessaire aussi parce que celles-ci – notamment la part variable (soit les rémunérations annexes : retraites chapeaux, stock-options, parachutes dorés, ndlr) qui est la plus importante – sont souvent adossées à des critères de très court terme et prennent rarement en compte des critères sociaux. Or, la capacité d’une entreprise à former ses employés, à faire vivre le dialogue social par exemple, est fondamentale pour assurer sa performance. L’intérêt des dirigeants a été calqué sur l’intérêt et les objectifs des actionnaires. Aujourd’hui même ceux-ci se rendent compte que cette gestion à court terme est dangereuse pour l’entreprise et donc pour eux.

Il y a aussi, vous disiez, des raisons éthiques au nécessaire encadrement des rémunérations ?

Bien sûr. Comment être crédible en acceptant des rémunérations de ce niveau-là alors qu’il y a dans notre pays un développement de la précarité, de la pauvreté, du nombre de travailleurs pauvres ? Les questions morales, éthiques et économiques se rejoignent. On ne peut pas défendre des rémunérations de cette importance en demandant des efforts à la population. Diminuer le salaire des patrons ne suffira pas à sortir de la crise mais pour permettre de mettre en mouvement le pays, cette diminution est nécessaire et indispensable.

Comment fait-on pour encadrer les rémunérations ? François Hollande a décidé d’introduire un ratio de 1 à 20 entre le salaire le plus élevé et le moins élevé mais cela ne concernera que les entreprises publiques et ne touchera que les salaires, et non les rémunérations annexes.

C’est vrai, le décret ne touchera pas les éléments annexes aux salaires fixes qui sont souvent énormes. Mais dans ces entreprises où il a des parts, et surtout là où il est majoritaire, l’Etat aura son rôle d’actionnaire à jouer même sur la part variable. Il a la capacité d’agir. Sur le reste, nous avons plusieurs propositions. Il faut faire en sorte que les critères sur lesquels les rémunérations annexes sont accordées soient élaborés en concertation avec les instances du personnel de l’entreprise. On pourra ainsi introduire des critères sociaux de performance comme la formation de salariés ou leur qualification. Il faut aussi faire de la publicité autour de ces critères de rémunération afin de susciter un débat public. Il faut encore que l’assemblée générale d’actionnaires puisse connaître ces rémunérations, s’exprimer et jouer pleinement son rôle en adoptant des résolutions concernant les rémunérations des dirigeants. Enfin, nous pensons qu’il faut créer une conférence des hautes rémunérations qui rendrait visible les écarts de salaires. Ces réflexions pourraient faire référence dans les entreprises et influencer leur grille de rémunération. A cette conférence seraient présents la société civile, les syndicats… Un peu à l’image de la Commission nationale de la négociation collective qui rend un avis sur le Smic. Ce serait un moyen de retrouver du lien, du sens.

Et les retraites chapeaux ? Les parachutes dorés ? Faut-il les garder ? Les supprimer ?

Le problème des retraites chapeaux c’est qu’elles peuvent fortement mettre en difficulté l’entreprise au moment où le dirigeant s’en va. Car la situation économique de l’entreprise à ce moment-là n’est pas prise en compte. Je pense qu’il faut les supprimer. L’Etat peut agir dessus puisque c’est un produit de la loi.

Les parachutes dorés, c’est souvent une façon de se séparer d’un dirigeant peu performant. C’est une prime à l’échec qui n’a pas de sens. Mais là c’est plus compliqué pour l’Etat d’intervenir, la mesure législative est difficile à trouver. Dans les entreprises publiques, l’Etat peut jouer son rôle d’actionnaire et faire pression contre le versement de parachutes dorés mais dans les entreprises privées, c’est un autre problème. C’est là que la définition de nouveaux critères et leur diffusion publique me semble capitale, afin que tout cela participe à la régulation au sein des entreprises. Mais l’Etat doit aussi faire jouer la fiscalité et dans le rapport de Terra Nova, nous proposons de rajouter des tranches pour rendre plus progressif l’impôt sur les hauts revenus.

On dit souvent qu’encadrer les rémunérations des patrons risquent de les pousser vers l’étranger. Est-ce vrai, selon vous ?

Cela reste à démontrer. Je ne suis pas sûr qu’il y ait aujourd’hui un marché des grands patrons qui justifie le fait qu’on les paie à ce niveau-là. Il n’y a pas vraiment d’échange de patrons entre les pays. Et nos patrons français ne sont pas des ressources à ce point rare pour risquer d’être débauchés. Je pense que l’encadrement et l’imposition de leurs rémunérations n’aura aucun effet sur le départ des compétences. Et je reste persuadé que la volonté de justice ne s’oppose pas aux exigences de compétitivité. Il n’y a pas de performance économique durable sans performance sociale.

Crédit photo portrait : Patrick Gaillardin

A lire aussi sur terraeco.net :
- Encadrement des salaires : « Il faut d’abord améliorer la gouvernance des entreprises »

- « Les parachutes dorés ? Ils récompensent les patrons qui ont failli »

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

3 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • De quoi parle-t-on ?
    de rémunérations ou de revenus et des biens ?

    Envisager la réduction des rémunérations plutôt que des revenus et des biens risque de ne rien CHANGER À LA SITUATION ACTUELLE.
    Il faut tout prendre en compte !

    Pour limiter les revenus MAIS AUSSI pour limiter l’accumulation des biens.
    C’est le partage qui réduit les violences.

    Tout le contraire de ce qui se passe depuis une quarantaine d’années.

    20.06 à 12h24 - Répondre - Alerter
  • Quand il s’agit des patrons des grands groupes français, la plupart sont originaires des Mines, X ou Pont&Chaussé...alors qu’il existe pas mal d’ingénieurs qui n’ont pas fait ses écoles prestigieuses mais qui assurent pas mal dans leur boite. Mais comme ils n’ont pas le bon papier et surtout le bon réseau de potes grands patrons on les laisse souvent sur le banc de touche.

    Quant à ces grandes écoles dont une bonne partie sont financées par nos impots (à l’X les étudiants percoivent même un salaire pour étudier), les stats montrent que les 3/4 viennent de familles très aisées et au courant de toutes les ficelles pour réussir le parcours. Par ailleurs les 3/4 des diplomés se dirigent vers des métiers liés à la finance ou de l’audit...rien à voir avec l’entreprise et la reprise industrielle dont notre pays à grand besoin.

    Dans les années 60, presque la totalité de ces promos se dirigaient dans les entreprises publiques ou de recherches pour faire leur job et pas pour faire de la paperasse, du fric ou du politique. Et le recrutement des éléves était beaucoup moins élitiste.

    Non décidemment la limitation au 20x le smic n’est pas du tout un problème, puisque qu’il y a un bon paquet d’ingénieurs prêt à prendre leur place à ce salaire là. Pour ma part je dois me contenter de 2,5x le smic comme bon nombre de mes collègues ingénieurs bien qu’ayant aussi investi pas mal d’année de ma vie et d’argent dans les études.

    18.06 à 09h47 - Répondre - Alerter
  • deja il est que c’est souvent l’argent des consomateurs qui est dans les entreprises ou argent public style edf mais le pire se sont les banques qui investi notre argent se font des remunerations dont le client ne vois jamais la couleur(salaire de trader dirigeant) et en plus l’il en manque l’etat autant dire nous on en remet autant dire qu’ils ont tous compris l’etat devrait faire une loi ou les banques se servant de notre epargne pour investir doive nous reverser80% des profits et ca c’est pas pour demain

    14.06 à 22h12 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas