Au début du mois de mars, le printemps n’était pas encore là, mais Timotei verdissait les affiches quatre par trois de nos villes avec des jeunes filles en fleur et ces simples mots : « Sans paraben », « La beauté naturelle à prix doux ». Sur le site de la marque – qui appartient au groupe Unilever –, le thème feuillu se poursuit avec une telle abondance qu’il piquerait presque les yeux. On est accueilli avec le logo d’une planète plantée d’une feuille (cumuler les deux plus grands clichés de la com verte, il fallait le faire !). La navigation continue avec de jeunes beautés dans un champ et l’animation conduit le visiteur curieux à « la nouvelle gamme de produits coiffants », noyée dans une exubérance de lierre et de belles fleurs en grappe.
Stratégie
A en croire ce site Internet, la marque adore le vert depuis toujours. « Depuis sa création dans les années 1980, Timotei s’est fixé un objectif simple : sélectionner les meilleurs ingrédients naturels et les combiner dans un soin efficace pour vos cheveux. » Remettons les choses à leur place : il s’agit en fait de shampoings tout à fait conventionnels, avec des formules pleines de « chimie brune », qui n’appartiennent certainement pas à la famille des marques naturelles et bios incontestées, comme le sont, par exemple, Weleda ou Melvita.
Mais depuis les débuts de Timotei, le marché a changé. Des systèmes de certification sont nés et les consommateurs sont devenus très sensibles à la question de la cosmétique bio. Ce marché à la croissance de 30 % par an en moyenne – selon le cabinet d’études Eurostaf – ne laisse personne insensible. Plusieurs marques conventionnelles – comme Nuxe, Mixa, Garnier, Diadermine – ont lancé des produits bios. Et en ce début d’année 2012, c’est aussi chose faite pour Timotei. Elle met sur le marché une nouvelle (petite) gamme, vraiment naturelle et bio, cette fois : deux shampoings et après-shampoings certifiés Cosmébio et Ecocert, aux cahiers des charges sérieux, contrôlés par des organismes indépendants. Rien à dire, c’est clean ! Mais, dans la foulée, Timotei lance une autre gamme, de produits coiffants « à la résine végétale ». Sur les flacons des onze nouveautés (« mousse boucles et tenue », « laque volume captivant », etc.) fleurissent les allégations vertes : un logo de feuille + « Extrait de bambou » + « Sans paraben » + « Extraits 100 % d’origine naturelle ». Mais cette fois, pas de certification par un tiers, pas de vrai label indépendant.
Cas d’école
Et qu’y a-t-il à l’intérieur de cette gamme de produits coiffants ? Certes, plus de paraben, ce conservateur accusé de nombreux maux, notamment depuis le best-seller de Rita Stiens, La Vérité sur les cosmétiques, paru en 2005. A la place, du DMDM Hydantoin, du Methylisothiazolinone et du Iodopropynyl Butylcarbamate. Des substances inoffensives ? Pas si l’on en croit les smileys grimaçants dont Rita Stiens les affuble. Cette papesse de la cosmétique naturelle attribue des notes sous forme de visages souriants ou attristés à chacun des ingrédients présents dans nos produits de beauté.
Les deux premiers de ces conservateurs se voient dotés de deux figures noires – « insuffisant », pour Rita Stiens –, et le second, de trois, soit la pire note qui signifie « déconseillé » (selon la dernière édition de son livre, parue en 2012). A part ça ? Il y a bien de la résine végétale issue de la myrrhe, et de l’extrait de bambou, mais ils sont en fin de liste des ingrédients, soit en quantité dérisoire. En revanche, on trouve en bonne place bon nombre de substances chimiques qui n’ont pas les faveurs de Rita Stiens et sont interdites dans la cosmétique certifiée naturelle et bio : du Triethanolamine, un polyéthylène glycol et la liste continue.
Verdict
Sortir une vraie gamme certifiée bio, même mini, c’est toujours un progrès. Mais fallait-il vraiment jouer par ailleurs la partition du naturel en se servant d’un ou deux ingrédients prétextes, quand on ne fait rien d’autre que de la chimie classique ? Pour afficher le mot « bio », les fabricants de cosmétiques doivent obligatoirement montrer patte blanche sous la forme de label. Mais il n’existe aucune limite à l’usage du mot « naturel ». Timotei profite de cette faille… et abuse le consommateur. —
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