Apiculteurs vs Pesticides

"C’est une catastrophe écologique", estime Sophie Dugué de l’UNAF [1]. Les associations d’éleveurs d’abeilles et de défense de l’environnement à travers l’Europe approuvent : le Cruiser, un insecticide commercialisé par l’entreprise Syngenta [2] , est un fléau pour la biodiversité. Ce que dément Laurent Peron, responsable de la communication de Syngenta : "Le Cruiser est un produit homologué, en circulation depuis 5 ans dans 80 pays, sur une vingtaine de cultures différentes".

En Italie, le produit aurait provoqué la disparition de milliers de ruches au printemps 2008. Le gouvernement y a promulgué un arrêté interdisant les insecticides neurotoxiques. En France, le Cruiser est sous observation rigoureuse depuis janvier dernier pour une période d’un an. Le ministre de l’agriculture et de la pêche Michel Barnier avait demandé un suivi sanitaire suite aux plaintes de l’UNAF et d’autres associations.

Officiellement toxique

Car le Cruiser, non pas pulvérisé sur les cultures mais enrobant directement les graines semées, serait officiellement dangereux. "La mise en garde existe sur le produit lui-même !" s’exclame Sophie Dugué. "On peut lire sur la notice d’utilisation [3] qu’il faut bien enfouir les semis car ils sont toxiques pour les oiseaux, les pollinisateurs et la faune aquatique".

Or, il est fréquent que certaines graines restent à l’air libre lors de la mise en culture. De plus, l’UNAF constate d’une part que les abeilles butinent les plantes au moment de la floraison, mais d’autre part que l’insecticide enrobant les graines a tendance à s’effriter lors des semailles. Il dégage de la poussière toxique qui se dépose sur d’autres végétaux avoisinants, prisés par ces insectes.

Outre le taupin, ou "ver fil de fer", et la mouche oscinie visés par le Cruiser, ce sont tous les pollinisateurs, les oiseaux, voire les nappes d’eau et les végétaux qui seraient en danger. L’UNAF récuse aujourd’hui les premières conclusions du suivi français, arguant que le rapport se base sur un "protocole non conforme" et présente des résultats "mal justifiés, voire incohérents", selon Sophie Dugué. La décision du ministère de lever ou non le suivi, voire de prononcer l’interdiction du produit, devrait être rendue publique avant fin janvier 2009. Mais la firme Syngenta se dit confiante.