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Cycliste, tu ne seras plus un cochon
jeudi, 29 avril 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Course cycliste rime souvent avec immondices, c’est un fait. Heureusement, certains acteurs de la petite reine cherchent des solutions : maillots-poubelles, dossards verts, gendarmes écolos… Tour d’horizon.

Stop. En Wallonie, on en a soupé de ramasser les bidons balancés par des cyclistes. Un collectif d’associations belges a porté plainte contre trois coureurs pour s’être débarrassé de leurs déchets lors de la Flèche wallonne le 21 avril. Seront-ils condamnés à porter leur bidons vides autour de la taille comme un grotesque chapelet ? Devra-t-on ensuite interdire aux fans de boire et manger sur le parcours du Tour de France ? Passage en revue des initiatives plus ou moins farfelues pour faire du cyclisme vert.

1. Le maillot du cycliste

Cancellara est peut-être un héros. Mais, n’en déplaise à ses fans, c’est aussi un cochon. A quelques minutes de l’arrivée du Tour méditerranéen 2009, l’homme aurait littéralement vidé ses poches sur l’asphalte, rapporte Cyclismag. Et alors ? Les coureurs sont-ils condamnés à avaler l’emballage avec la barre de céréales ? Que nenni, ripostent les sponsors de l’équipe Saur-Sojasun. Ceux-là ont équipé leur « garçons » de maillots fabriqués à partir de bouteilles recyclées et dotés de poches-poubelles pour les emballages. « Maintenant, ils ne peuvent plus s’en passer, raconte Elise Grousset du service de presse de Saur, une entreprise spécialisée dans le retraitement de l’eau. Quand l’un des nôtres a décroché le maillot à pois sur le Paris-Nice, il était tout perdu parce que le maillot n’avait pas de poches. » Et les bidons ? « 100% biodégradables et 100% recyclables », assure le site de l’équipe.

2. La carotte du cycliste

Et pour inciter le cycliste à être plus propre, rien de tel qu’une jolie carotte. La Fédération française de cyclisme (FFC) en a inventé une. D’abord sur quelques courses amateurs et désormais sur des épreuves pour les pros. L’occasion pour les mauvais sprinteurs, les médiocres grimpeurs, les plus-si-jeunes et les jamais-premiers de monter sur le podium. C’est une patrouille de la fédé qui sillonne le peloton et désigne le meilleur élève de chaque étape. Celui-là peut endosser le dossard vert et remporter – comme au Tour méditerranéen – une mallette de produits céréaliers ! Efficace ? « Évidemment, les coureurs continuent d’être plus attiré par le maillot jaune… mais ça aide quand même à les sensibiliser », souligne-t-on chez les organisateurs du Tour méditerranéen.

3. La groupie du cycliste

20 tonnes. C’est la quantité de déchets abandonnés l’an passé après le passage du Tour de France sur le Mont Ventoux. Les dents des locaux ont grincé. Pourtant, Eco-Emballages s’y était collé. Partenaire de l’évènement, l’entreprise avait planté des poubelles, distribué des sacs jaunes et des goodies, des gadgets pour vanter le bonheur de recycler. Pas radine, elle avait même affrété un EcoBus et tester petits et moins petits sur les règles du tri. Cette année, elle promet d’« être encore plus sur le terrain », souligne-t-on au service de presse.

4. Les « goodies » de la groupie

Qui n’a pas un jour poursuivi haletant la caravane ? Et écraser le pif de son voisin pour tenter d’attraper l’autocollant La Vache qui rit, la casquette Champion, le lion en peluche LCL ? Problème : une fois la bataille passée, les trophées finissent souvent dans le fossé. Maligne, la Française des Jeux avait dégainé l’an passé les goodies durables : avec une « durée de vie plus longue que les cadeaux habituels ». En clair, des maillots de coureur. Non emballés dans du plastique, s’il vous plaît. Et ce n’est pas tout. La FDJ jetait aussi aux mains des foules « une boîte en carton (recyclé bien sûr) contenant un pot en plastique (également recyclé) avec 2 bulbes de trèfle à 4 feuilles, rappel du logo de la Française des Jeux ! », soulignait la société dans un communiqué de presse. Diable ! « J’ai beaucoup de doute sur la finalité écologique de la caravane publicitaire, tranche néanmoins Patrick François, chargé de mission développement durable à la FFC. Elle déverse quand même des tonnes de saloperies… Le développement durable, c’est aussi parfois l’occasion de faire du greenwashing. »

5. Les patrons des tours

« Malheureusement il n’y a pas d’action concrète : pas d’encart dans le livre de route, pas de motos-poubelles, pas de zone de délestage… Rien du tout. Je n’ai jamais participé à une course qui a tenté de mettre quelque chose en place, même pas ASO [1] qui soi-disant milite pour le développement durable », a souligné, fin avril, dans une interview Jérémy Roy, ambassadeur pour un cyclisme durable par la FFC. Contacté au téléphone à plusieurs reprises, le service de presse d’ASO s’est révélé injoignable. Mais plutôt que chez les pros, les efforts semblent venir du monde des amateurs. Pour les guider, la FFC a lancé le programme Eco-cyclo à travers la France : organisation du tri, réduction des emballages, panneaux le long du parcours pour passer l’envie aux coureurs de se « délester » en route… Mieux, des patrouilles vertes sillonnent le peloton pour rappeler les bonnes pratiques et tancer les cochons.

- Le blog d’Ecocyclo
- Le site de la Française des Jeux
- Interview de Jérémy Roy sur le site d’Ecocyclo
- Le communiqué de presse Eco-Emballages

Photo : Saur-Sojasun