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Marc Dufumier : « Sortir les agriculteurs de la logique des subventions »
mardi, 27 avril 2010
/ Julien Kostrèche
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Les agriculteurs sont dans la rue. Comme un air de déjà vu. Le système des subventions est à bout de souffle. Et si on les rémunérait autrement nos agriculteurs, sur la base des services rendus à l’environnement par exemple. Question posée à l’agronome Marc Dufumier.
Terra eco : Comment peut-on aider aujourd’hui les agriculteurs ?
« Un peu d’histoire pour commencer. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, on a rémunéré les agriculteurs sur le prix de leurs produits, grâce à des protections aux frontières et des taxes douanières. Faire des céréales, du sucre, du lait et de la viande (dans une moindre mesure) était un gage de stabilité. On est alors rapidement passé d’une situation déficitaire sur ces produits à une situation excédentaire. A l’inverse, le système dissuadait de cultiver des protéagineux [1].
Puis, pour faire face à l’excédent et maintenir le niveau de production, première grosse erreur, on a mis en place des subventions à l’exportation, ce qui a constitué un dumping inacceptable et causé un grand tort aux pays pauvres. Aujourd’hui, on s’est aligné sur les prix internationaux, mais on rémunère toujours les agriculteurs par des aides compensatoires, ce qui, aux yeux des Brésiliens ou des Argentins, reste une forme de dumping, d’ailleurs dénoncée par l’OMC. Il faut vraiment en finir avec ces aides, ces subventions de la PAC sont illégitimes et, qui plus est, inégalement réparties. Ça me rend malade d’entendre aujourd’hui certains agriculteurs demander encore et toujours des subventions ! »
Ensuite, on pourrait mettre des quotas sur les produits excédentaires. Ce serait plus jute, car en exportant à bas prix nos surplus de poudre de lait ou de céréales, on continue de faire souffrir les pays du Sud. Et ce serait plus équilibré, car en produisant moins ces denrées, on libérerait des terres pour des prairies temporaires, riches en légumineuses, qui nous éviterait d’importer du soja OGM. Dans le même mouvement, il faut renforcer les droits de douane à l’importation sur le soja. Tout le monde y gagnerait. Vous savez, les Brésiliens eux-mêmes trouvent stupide de produire autant de soja pour nourrir nos cochons plutôt que de nourrir leur population. Un tel deal peut se négocier au niveau de l’OMC. »
Les agriculteurs ont été trompés par l’industrie, par l’État, par les syndicats. A un céréalier français qui veut aujourd’hui diminuer ses coûts, il faut dire la vérité : ce n’est pas en élargissant les surfaces qu’il cultive qu’il parviendra à être plus compétitif ; à ce jeu là, il perdra toujours face au céréalier ukrainien. Mais il peut y arriver, en diminuant ses engrais, sa consommation de carburant, en revenant vers des produits de qualité, de terroir, à une agriculture hautement productive et à forte valeur ajoutée environnementale. C’est vrai, c’est une révolution des mentalités, et il y a de quoi être paniqué. Mais c’est aussi parler franc – et c’est ce qu’ils attendent - que de leur dire qu’il n’y a pas d’autre voie à suivre. Sinon on va droit dans le mur. »
Marc Dufumier, agronome, est professeur d’agriculteur comparée et développement à AgroParisTech. Membre du Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot, il a fait partie du Comité de soutien à Europe Écologie lors de la campagne des régionales 2010.
Agenda : Marc Dufumier donnera une conférence ouverte à tous, jeudi 27 mai 2010 à la faculté de médecine de Nantes (à 19h15,amphi Kerneis), sur le thème : « Comment nourrir l’humanité (sans nuire à la planète) ? »
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Photo : Marc Dufumier (autoportrait)