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Voile blanc sur les coraux
dimanche, 25 avril 2010 / Karen Bastien

Les barrières de corail n’auront bientôt plus de couleurs à exhiber aux touristes. Elles se meurent sous l’effet du changement climatique.

Quand le navire chinois Le Shen Neng 1 a heurté, le mois dernier, un écueil à proximité de la Grande Barrière de corail, les biologistes marins du monde entier ont retenu leur souffle. Une marée noire – 975 tonnes de fioul étaient contenus dans les flancs du bateau – et c’était un coup fatal pour ce site naturel, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La Grande Barrière de corail, qui s’étend dans un parc maritime de 345 000 km2 au nord-est de l’Australie, n’avait pas besoin de ça : elle n’a déjà que 50 % de chance de survie si les émissions de CO2 ne sont pas réduites d’au moins 25 % d’ici à 2020. Les océans, qui absorbent des quantités croissantes de CO2 de l’atmosphère, voient l’acidité de leur eau augmenter et leur pH baisser : cet environnement est néfaste pour les coraux qui n’arrivent plus à construire leur squelette, base même des récifs.

Ce n’est pas l’unique menace que connaît actuellement cet étrange animal, mariage fusionnel entre un polype et des algues, appelées zooxanthelles. Il suffit que la température de l’océan augmente de quelques degrés pour que le polype expulse les zooxanthelles qui lui fournissent pourtant nutriments et énergie. Alors, le corail se dépigmente et finit par mourir. C’est le phénomène du blanchissement, qui s’accélère partout dans le monde.

Une forêt sous-marine

« Le corail est au poisson ce que l’arbre est aux oiseaux, rappelle Pascale Chabanet, spécialiste des écosystèmes coralliens à l’Institut pour la recherche et le développement (IRD). Quand les coraux disparaissent, les animaux et les plantes, qui s’en nourrissent, s’y cachent ou s’y reproduisent, disparaissent aussi, et cela peut entraîner la perturbation de tout un écosystème. » Au cours de leurs plongées, les biologistes ont déjà repéré la baisse des effectifs chez certains poissons papillons ou poissons demoiselles. Ceux-ci sont remplacés par des espèces herbivores, comme les poissons perroquets ou les poissons chirurgiens, qui se délectent des algues proliférant sur le corail mort.

Point commun à toutes ces menaces ? L’homme, qui au-delà de son rôle dans le changement climatique, urbanise le littoral, érode les sols, pratique encore la pêche à la dynamite dans certaines régions, rejette ses eaux usées dans les océans… Que faire face à la disparition de ces paradis de biodiversité ? « Cela passe par l’information et la gestion commune des sites dans des aires marines protégées par exemple, défend Pascale Chabanet, de l’IRD. Population des côtes, pêcheurs, touristes, industriels… tous doivent comprendre l’importance de ces écosystèmes qui font vivre un demi-milliard d’habitants sur la planète, soit en leur fournissant leur nourriture, soit en attirant vers eux la manne touristique. » En attendant la prise de conscience générale, nombre de pays, comme le Japon, se sont convertis au récif artificiel. —

- Infographie : Idé