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A quoi servent les retraités ?
mercredi, 14 avril 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Les têtes grises, il y a des jours où tout le monde les maudit. Ce mercredi 14 avril, le Conseil d’orientation des retraites a laissé entrevoir le déficit abyssal qu’atteindraient les caisses si rien n’est fait. Mais ne nous y trompons pas. Les retraités font aussi leur part du boulot, contribuant à l’économie et construisant une société plus durable.

Sans sourciller, les experts ont posé leurs conclusions : il faudra trouver 56 milliards d’euros en 2030 pour alimenter les retraites, 71,6 milliards en 2050. Et encore, dans le meilleur des cas (voir encadré plus bas). Et le gouvernement a depuis bien longtemps cessé de chercher fortune sous les sabots des chevaux. Alors on peste contre la charge que représente les retraités. Et on oublie que l’heure venue de la retraite, nos têtes grises ne passent pas leur journée à buller, cocktail à la main, les orteils dans le pédiluve. Mieux, à leur manière, ils contribuent largement à l’économie et à la société. A quoi servent-ils ? Quelques exemples :

- à faire du bénévolat

L’hiver daigne enfin battre en retraite. Comme chaque année, on a vu : les camions des Restos du cœur, les cloches de l’Armée du Salut, la Banque alimentaire au bout de nos caisses de supermarché... Voilà bientôt l’été. Il va falloir occuper les enfants des quartiers, s’affairer dans les jardins ouvriers, défendre le thon rouge en Méditerranée. Pour les associations, pas de répit. Dans leurs rangs non plus. Là, s’agitent des soldats souvent recrutés aux portes de l’emploi. Entre 60 et 74 ans, ils sont près de 40% à adhérer à une association (après 75 ans, le taux d’adhésion décroît). C’est plus que le taux de la moyenne des Français : 33,5%. Et les seniors sont aussi plus investis. Dans 80% des cas, ils ne se contentent pas de renvoyer leur petite cotisation chaque année. Selon les chiffres de l’Insee, ils sont participants « occasionnels ou réguliers » (38%) ou ont même des responsabilités (41%) au sein des associations.

- à voter... et à être élu

Quand les uns boudent les urnes, prétextant un voyage calé depuis des lustres ou l’urgence d’une lessive, les autres se font un devoir de voter. En 1995, les sexagénaires étaient 95% à être inscrit sur les listes électorales. Résultat de leur assiduité : alors qu’ils représentent 20% de la population, ils pèsent plus d’un quart du corps électoral. Et ils ne contentent pas de s’inscrire, ils se déplacent pour voter ! Aujourd’hui à en croire l’Insee, ils représentent 30% des visiteurs des bureaux de vote et, au train où décroît le désamour de la politique, pourraient être 40% en 2020. Pour changer les choses, on peut voter. On peut aussi saisir les rênes du pouvoir. Nombreux sont les retraités qui arborent l’écharpe tricolore. Au lendemain des municipales de 2008, les plus de 60 ans représentaient près de 40% des vainqueurs et les retraités 32%.

- à garder les petits

Si la fibre politique ne lui dit rien ou que la vie de militant n’est pas sa tasse de thé, le senior peut toujours aller lire des histoires à ses petits enfants. A l’heure où les familles peinent à faire garder leurs mômes, les grands-parents font souvent figures de solution. A en croire un rapport du Conseil économique et social paru en 2009, 85% des grands-mères et 75% des grands-pères jouent les nounous de dépanne ou occupent les petits pendant les vacances. D’autres s’y collent plus régulièrement : 38% des femmes et 26% des hommes assurent une garde hebdomadaire.

- à soutenir les plus grands

Il est loin le temps où le fils devenu cadre versait une pension à ses parents restés au village, vivotant de leur maigre retraite. Aujourd’hui, le monde a inversé sa course. Les plus jeunes s’en sortent souvent plus mal que leurs aînés... qui n’hésitent pas à leur donner un petit coup de pouce. En fait, cette réalité – qui s’accélère - ne date pas vraiment d’hier. Déjà en 1996, les plus de 60 ans versaient 20 milliards de francs annuellement aux 40-60 ans et 30 milliards au moins de 40 ans, pointait l’Insee. A cette époque, un ménage sexagénaire consacrait environ 6% de son revenu à ses descendants, un octogénaire, 12%.

- à partir en vacances

S’ils refusent de militer ou de garder la marmaille en pension, les retraités peuvent encore voyager. Et ils sont nombreux à le faire. Les agences de voyage, les hôtels, les organisateurs s’en frottent déjà les mains. Selon les prévisions du cabinet Xerfi, le tourisme pour les plus de 55 ans représentera 40% du marché total à l’horizon 2012. Évidemment, les plus de 55 ans ne sont pas tous retraités. Mais une fois passé le seuil de la retraite, les Français partent en moyenne 10% de plus qu’avant.


Le rapport du COR : des chiffres trop optimistes ?

Alarmistes et pourtant encore trop optimistes. Voilà pour les conclusions du Conseil d’orientation des retraites, estiment les spécialistes. Le COR – de son petit nom – estime qu’il faudra 56 milliards d’euros pour alimenter le ventre des retraites chaque année à l’horizon 2030. 71,6 milliards en 2050. Une somme rondelette... mais sous-évaluée.

Ces chiffres découlent en effet du scénario le plus « optimiste » du rapport. Pour y parvenir, il faudrait cumuler un taux de chômage riquiqui de 4,5% (contre 10% aujourd’hui) et une productivité de travail de 1,8%. Quand elle voit les choses plus en noir (productivité à 1,5% et chômage à 7%), le COR évoque un besoin de 79,9 milliards en 2030 et de 114,4 milliards en 2050. Reste que ces hypothèses sont « peu réalistes » selon le Medef qui rappelle que la France n’a pas connu un chômage de 4,5% ( le plein emploi) depuis les années 60 et n’a jamais maintenu longtemps un taux de 7%. Une fois n’est pas coutume, la CGT est d’accord, du moins sur l’analyse. Bernard Thibault a estimé les projections du COR « aléatoires » sur France Info.

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- Le rapport de l’Insee
- L’étude Xerfi
- L’étude de France Bénévolat
- Le rapport du Conseil économique social et environnemental 2009
- Tourisme et retraités. Rapport de la CFDT
- Le rapport du Cor livré par Les Echos

- Crédit : Jamelah