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Changement de direction
jeudi, 7 octobre 2004
/ Toad
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/ Stéphane Mercier
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Des dirigeants d’entreprises ont lâché le pouvoir, la voiture de fonction, la secrétaire particulière et les stock-options pour endosser l’habit d’agriculteur, d’écrivain ou de caviste, dont ils rêvaient. D’autres, que le travail a mis à l’abri du besoin, hésitent à franchir le cap. Portraits d’ex-forçats du business.
Pendant des années, Laurent Le Moigne a collectionné les étiquettes de bouteilles de vin. Depuis deux ans, il empile ses crus préférés sur les étalages d’une boutique où se mêlent moellons de pierre et décor urbain aux tons rouge et noir. Silhouette trapue, chaussures tendance, Laurent Le Moigne n’est pas un caviste ordinaire. En 2001, ce trentenaire au cheveu grisonnant endossait encore le costume trois pièces du dirigeant d’entreprise. La société de conseil dont il était co-fondateur et associé employait alors quelque 1500 personnes. "J’étais directeur général, responsable des activités internationales", raconte-t-il. Un poste enrichissant mais oppressant. "J’étais trop investi. Pendant dix ans je me suis dit "plus tard ce sera cool". Sans jamais rien changer".
Si l’ampleur du phénomène reste difficile à évaluer, le cas du directeur général devenu caviste n’est pas isolé. "La plupart des dirigeants que je connais ont envie de changer de vie, assure Alexandre Noto, le président du cabinet de recrutement Concerto. Tous me disent leur rêve d’ouvrir un restaurant à vins ou une librairie de livres anciens. Ils me confient leur ras-le-bol du stress et de la pression". Contraints de faire avec une norme à laquelle ils ne souscrivent pas toujours, les dirigeants paient leur trajectoire par un renoncement à la fantaisie. D’où, parfois, un malaise. "On peut avoir une vocation pour la musique ou la peinture mais je ne connais personne qui se dise "j’ai envie de monter une entreprise qui fabrique des couches-culottes et de manager 3000 salariés". A la tête d’une entreprise on est dans schéma logique, pas dans une démarche hédoniste", observe Alexandre Noto.
Marc Durin-Valois plaque tout et disparaît. "J’étais sans domicile fixe. Je squattais à droite à gauche en considérant qu’il me fallait m’affranchir du monde matériel. Je n’avais plus de liens sociaux, plus d’amis ni de famille". Au volant d’une épave il erre. Fait une halte à l’Espace des possibles, camping de Charente-Maritime rendu célèbre par Michel Houellebecq, "un endroit où se rencontre toute une génération de personnes en rupture". Puis se lance dans l’écriture, deux ans de travail en vivant d’indemnités chômage. L’empire des solitudes paraît en 2001, suivi de trois autres ouvrages, dont Chamelle et, dernier en date, Les voix intérieures. "Aujourd’hui je construis ma carrière dans un domaine nouveau. Ce genre de rupture permet de revenir à ce pour quoi on est fait", insiste-t-il.
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