https://www.terraeco.net/spip.php?article9624
|
Un vote qui sent le charbon en Afrique du Sud
vendredi, 9 avril 2010
/ Noëlle Guillon
|
La Banque Mondiale a voté hier l’octroi d’un prêt de 3,75 milliards de dollars à la société Eskom, notamment pour la construction de la centrale à charbon géante de Medupi en Afrique du Sud. Un projet qui va à l’encontre de ses engagements dénoncent les ONG, Amis de la Terre en tête.
Avec une production de 4 800 mégawatts, elle sera la plus grande centrale électrique à charbon de la planète. Medupi déchaîne les passions et les controverses. Une centaine d’associations dans le monde se sont engagées dans la bataille. Hier, jeudi 8 avril, les pays votant à la Banque Mondiale ont cependant décidé d’accéder à la demande de prêt de 3,75 milliards de dollars de la compagnie d’électricité Eskom Holdings.
Le 6 avril, les Amis de la Terre-Afrique du Sud et l’organisation Earthlife Africa avaient déposé une plainte devant le panel d’inspection de la Banque Mondiale. Ils y dénonçaient ce qu’ils considèrent comme une incohérence de l’institution. « La Banque Mondiale a voulu se poser depuis Copenhague comme un exemple en matière climatique. Nous voulons montrer ici qu’elle n’est pas prête à gérer les fonds publics sur le climat », explique Anne-Sophie Simpere, chargée de campagne responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre. Le prêt ne prévoit en effet que 745 millions de dollars pour des projets éoliens et solaires ou d’efficacité énergétique. Dérisoire par rapport aux plus de 3 milliards pour Medupi. L’Afrique du Sud, aux émissions de CO2 équivalentes à celles de l’Allemagne, s’était pourtant engagée à Copenhague à réduire ses émissions de 34% en 2020 et 43% en 2025.
La société civile sud-africaine est cependant opposée au projet, comme le rappelle Anne-Sophie Simpere. « Le prêt de la Banque mondiale ne servira à rien d’autre qu’à soutenir des entreprises occidentales très riches, et ne permettra en aucun cas d’améliorer l’accès à l’électricité des plus pauvres. » Les Amis de la Terre dénoncent ce qu’ils considèrent comme un apartheid climatique. Le coût lié à la construction des nouvelles centrales devra être supporté par les citoyens sud-africains. Eskom a déjà annoncé une augmentation de ses tarifs de 25% par an pour les particuliers de 2010 à 2013. Les entreprises étrangères bénéficieraient au contraire « de prix artificiellement bas pour l’énergie, sur la base d’accords signés pendant l’apartheid », selon le communiqué de l’association.
Les États-Unis, les Pays-Bas, la Grande Bretagne et l’Italie se sont abstenus lors de ce vote controversé. La France, elle, a soutenu le projet. Le français Alstom a en effet décroché un contrat pour développer Medupi et plusieurs banques françaises, dont BNP Paribas et la Société Générale, ont accepté de prêter plus de 1,2 milliards d’euros à Eskom via une garantie Coface.
A lire aussi sur terraeco.net :
Charbon superstar : la bombe écologique
7 pistes pour attraper le carbone
Du charbon vert pour réchauffer l’Afrique
Photo : la centrale électrique d’Arnot à Mpumalanga, en Afrique du Sud, l’une des centrales à charbon d’Eskom. Crédit : Gerhard Roux
L’interview de Pravin Gordhan
Le plainte des Amis de la Terre
Les doutes du ministère des Finances des Etats-Unis