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A Aubagne, les bus ouvrent leurs portes… à la gratuité
jeudi, 15 avril 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Depuis près d’un an, habitants et visiteurs peuvent monter à l’œil dans les transports en commun de la communauté d’agglomération aubagnaise. Une initiative appréciée des contribuables mais qui fait débat dans la région.

Les habitants d’Aubagne peuvent respirer à fond. Les chiffres sont là : alors que les trajets en automobile représentaient 70% des déplacements, les bus connaissent une hausse de fréquentation spectaculaire depuis l’an dernier : +67% en moyenne sur le réseau et jusqu’à +150% sur certaines lignes urbaines.

L’explication ? La promesse de transports publics gratuits faite par le maire sortant de la ville Daniel Fontaine lors de la campagne des municipales 2008. Pari tenu dans ce bastion communiste un an plus tard, et ce dans les 12 communes de l’agglomération.

La gratuité, génératrice d’économies

Aubagne la rouge virerait-elle au vert ? « Il n’y a pas de politique environnementale sans que l’homme ne soit au centre », a expliqué Daniel Fontaine devant le conseil de l’agglomération. La campagne de communication « Liberté, égalité, gratuité » mettait d’ailleurs l’accent sur le service public, pas sur l’aspect écologique. L’économie pour les porte-monnaies aubagnais est, il faut dire, substantielle : pas moins de 700 euros par foyer.

Reste une question : qui va payer cette gratuité ? Grâce à son tout récent 100 000e habitant, l’agglomération a pu augmenter la « cotisation transport » des entreprises locales et reçoit donc une manne de 2 millions d’euros par an (qui permet déjà de mettre de l’argent de côté… pour un éventuel futur tram). Les patrons locaux n’ont évidemment pas sauté au plafond, mais « ce n’est pas qu’une imposition, car en retour nous avons le souci que notre réseau de transport pénètre nos zones économiques », précise Daniel Fontaine. Les chefs d’entreprises du Parc de Napollon ont ainsi obtenu la déviation d’une ligne de bus à leur demande.

Des émules en région Paca

Pourtant on ne se bouscule pas au portillon de la gratuité : Aubagne n’est que la quinzième ville française où vous pouvez monter dans un bus sans un sou en poche [1]. Mais l’initiative aubagnaise a valeur de symbole car ce genre de mesure est supposée être réservée à des villes moyennes. Bien qu’elle n’ait « pas eu d’écho significatif dans la région » Daniel Fontaine positive et assure que l’expérience de sa ville « fera des petits ». En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Manosque lui a emboîté le pas fin 2009 et Martigues a entamé une réflexion.

A gauche, l’idée séduit de plus en plus. Elle faisait partie des 7 mesures d’urgence préconisées par la coalition de gauche « Tous ensemble pour Aix » défaite par la majorité UMP lors des municipales de juillet 2009 [2]. « On y pensait et c’est vrai que la mise en place à Aubagne a donné l’exemple », explique Fleur Skrivan, conseillère municipale du groupe. Même engouement pendant la campagne des régionales qui a vu fleurir le thème dans les tracts du NPA et du Front de Gauche (qui a lancé la proposition…depuis un TER à destination d’Aubagne).

Des édiles dubitatifs

Mais cette campagne a aussi mis en lumière les réticences qu’inspire encore la gratuité. Michel Vauzelle, président PS de la région Paca, a ainsi déclaré sur France Bleu Provence que plutôt que « de donner de l’argent aux riches pour prendre le train », il valait mieux « garder les 100 millions d’euros que coûterait une telle réforme pour faire de nouvelles lignes ou améliorer celles qui existent ». Même défiance au Groupement des autorités organisatrices des transports [3], pour qui « la qualité de service est plus importante que le prix » et qui estime que « sur le long terme la gratuité réduit les capacités de développement des réseaux »".

Mais l’argument-choc est celui de la taille de la ville : à Aubagne, les recettes des billets ne couvraient que 7% du budget des transports, soit 700 000 euros. avec le même rapport, l’ardoise s’eleverait à 130 millions à Marseille Mais pour Aix, 140 000 habitants au compteur, « c’était tout à fait supportable », assure Fleur Skrivan. La frontière devrait donc continuer de bouger. D’autant que, comme le rappelle en 2007 une étude de l’Ademe, « en milieu urbain, l’automobile mobilise 80 à 90 % des budgets publics consacrés aux déplacements ». Un basculement d’une partie d’entre eux « suffirait à financer à la fois la gratuité (ou une tarification attractive) et l’augmentation de l’offre ». Le gratuit a de beaux jours devant lui…

- Le rapport de l’Ademe