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Haro sur Allègre : l’Académie des Sciences veut « calmer le jeu »
jeudi, 1er avril 2010 / Noëlle Guillon

400 climatologues français viennent d’interpeller l’Académie des Sciences face aux accusations qu’ils essuient de la part de Claude Allègre. Le président de l’Académie des sciences, Jean Salençon, ne désavoue personne et prône la tenue d’un débat scientifique serein.

Terra eco : L’ancien ministre et géochimiste Claude Allègre est membre de l’Académie des Sciences, parmi les signataires de l’appel contre lui figurent d’autres membres de l’institution, comme Hervé le Treut. Comment allez-vous dépasser les tensions internes ?

Jean Salençon : "Les tensions entre personnes me semblent plus sensibles de l’extérieur que visibles de l’intérieur. Tous ces membres sont des scientifiques respectables et respectés et toutes les paroles doivent se faire entendre au sein de l’Académie. Nous avions décidé d’organiser un débat sur les questions du réchauffement climatique, comme nous l’avions déjà fait en 2007 - en espérant faire mieux. Cet épisode avec appel à la ministre, Mme Pécresse, n’a fait qu’accélérer le processus. Je ne peux pas dire pour l’instant qui y participera, mais encore une fois, nous prônons un débat contradictoire. Notre objectif premier est de ramener la paix dans ces controverses qui vont bien au-delà du cadre scientifique. Pour l’instant, tout cela en est au stade des premières réflexions mais nous souhaitons que ce débat puisse être organisé d’ici à octobre."

Puisque l’on parle d’échéances, comment le résultat de vos discussions doit-il s’articuler avec le débat international du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en prévision du sommet de Cancún qui doit se dérouler du 29 novembre au 10 décembre ?

"Il s’agit de deux échelles différentes. Notre enjeu n’est pas à Cancún. En ce moment, un comité indépendant commissionné par le secrétaire général de l’ONU est en train d’examiner les méthodes et procédures du Giec. Mais l’on parle bien de méthodes uniquement. De notre côté, nous nous attelons au questionnement scientifique. Le but ? Assoir les bases. Dans sa tenue, ce débat restera franco-français. Évidemment, les conclusions ne seront pas tenues secrètes mais à disposition de qui le souhaite. Attention, notre rôle n’est pas de « trancher ». Pour l’instant, tout le débat tient à quelques livres, et certains sont plus faciles à lire que d’autres. Nous voulons nous investir dans ce débat, en faisant réellement état des connaissances actuelles et en exhibant les points de désaccords. Cela permettra, nous l’espérons, de mettre en lumière les points d’ombre. Pour permettre aux chercheurs de développer leurs axes de travail."

Malgré tous ces débats, l’Académie des sciences a bien tout de même une position sur l’implication de l’homme dans le réchauffement climatique ?

"Je ne peux pas répondre à cette question. L’Académie, ce sont 250 chercheurs chevronnés, avec des positions discordantes sur ce sujet. Il n’est pas question de vote ou de position unique. D’ailleurs, nous publions sur notre site les libres points de vue d’Académiciens autour de la question de l’environnement et du développement durable. Tout le monde peut y voir que s’y expriment aussi bien Hervé le Treut, climatologue qui soutient le consensus sur le climat, que Vincent Courtillot ou Jean-Louis le Mouël, qui partagent le point de vue de Claude Allègre. Il semble néanmoins admis maintenant que le dégagement de CO2 est imputable à l’homme, mais tout le débat est de savoir si ce dégagement participe significativement au réchauffement climatique."

Pas question donc de sanctions à l’encontre des climato-sceptiques et de Claude Allègre en particulier ?

"En aucun cas ! Il n’est pas question de sanctions déontologiques. Encore moins d’une exclusion. La nomination à l’Académie des sciences est perpétuelle. Il n’est pas possible d’en être exclu, même pas d’en démissionner."

- Les libres points de vue d’Académiciens sur l’environnement et le développement durable