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Le coup de gueule contre Allègre des climatologues français
jeudi, 1er avril 2010 / Noëlle Guillon

Entre climatologues et climato-sceptiques, ça tourne à la guerre ouverte. Ce mercredi, plus de 400 scientifiques français ont adressé un appel à la ministre de la Recherche pour que cessent les remises en cause permanentes de leur travail par l’ancien ministre de l’Education.

Traités dans L’imposture climatique de Claude Allègre de « mafieux » , « dévoyés » par l’appétit « d’argent », parmi d’autres noms d’oiseaux, quelque 400 climatologues français contre-attaquent ce mercredi. Pour la plupart habituellement discrets, ils sont sortis de l’anonymat avec une lettre ouverte adressée à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse. « Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les structures référentes de la recherche scientifique française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre communauté », dit le texte. En cause, l’ancien ministre et géochimiste qui, à longueur d’interviews, n’en finit plus de dénigrer ces scientifiques reconnus sur le thème du changement climatique.

« La lettre est adressée à Pécresse, mais nous ne demandons pas à la ministre de se prononcer sur le contenu scientifique. Nous visons avant tout les structures compétentes : l’Académie des sciences bien entendu, mais aussi les centres de recherche regroupés dans l’alliance AllEnvi qui travaillent sur le climat, CEA, CNRS, Météo France, INRA… », explique Jérôme Chappellaz, directeur de l’équipe climat au laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement du CNRS à Grenoble et l’un des premiers signataires de l’appel.

Pour ces scientifiques, une telle sortie se donne avant tout comme objectif de recadrer le questionnement scientifique au sein d’un débat « serein ». « Allègre, Courtillot, Galam et compagnie sortent de ce cadre. La science ne se fait pas sur des plateaux télé, mais dans des journaux spécialisés. », cingle Jérôme Chappellaz.

« Un ouvrage politique, avec de la mauvaise science »

Et pour les climatologues français, l’imposture Allègre, c’est du militantisme drapé dans un semblant de science. « Allègre est capable d’aller contre toutes les règles déontologiques en trafiquant des données pour soutenir son message », accuse Jérôme Chappellaz. « Il faut choisir entre faire un livre militant, avec tout ce que l’on veut, des préconisations écologiques, de la décroissance même, mais pas de science, ou un ouvrage de données scientifiques. Le tissu d’âneries d’Allègre, c’est un ouvrage politique, avec de la mauvaise science. »

Mais au-delà du coup de gueule, l’appel tient aussi à faire prendre conscience au grand public qu’une immense communauté travaille sur la question du changement climatique, une communauté pour qui le doute sur son origine anthropique n’est pas de mise. « Ce qu’on voit dans les médias, ce n’est qu’une infime partie de l’iceberg. Derrière Hervé Le Treut et Jean Jouzel, nous sommes un millier en France à travailler sur le climat. C’est pour ça que je me lève le matin ! », confie encore Jérôme Chappellaz.

Les climatologues lui demandent juste de respecter les règles du jeu

Malgré tout, les signataires se disent prêts à discuter avec Allègre… s’il accepte de se plier de nouveau aux règles fondamentales de la recherche scientifique. Ce qu’il a ignoré dans son dernier ouvrage qui contient des « accusations ou affirmations péremptoires [qui] ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques », rappelle la lettre ouverte. Pas question donc d’exiger l’exclusion du géochimiste (retraité) de l’Académie des sciences. Les climatologues lui demandent juste de respecter les règles du jeu : débat contradictoire et relecture par des pairs.

Valérie Pécresse assure avoir « saisi le président de l’Académie des sciences pour qu’il organise en son sein un débat sur le sujet » mais y voir Claude Allègre, qui a semble-t-il conservé une énorme influence au sein du club des meilleurs chercheurs français, serait très étonnant « Nous ne nous faisons pas d’illusion », avoue Jérôme Chappellaz.

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