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Fondation Nicolas Hulot : « la faute écologique du gouvernement »
mardi, 30 mars 2010 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

La Fondation Nicolas Hulot a claqué la porte des groupes de travail du Grenelle dans une lettre ouverte à ses 750 000 membres. Cécile Ostria, sa directrice générale, dénonce « l’incohérence » de Nicolas Sarkozy et François Fillon.

Cécile Ostria, cette lettre ouverte aux 750.000 signataires du Pacte écologique et le départ de la Fondation des groupes de travail du Grenelle ressemble à un constat d’échec.

Cécile Ostria : C’en est un. La taxe carbone était l’une des mesures fortes du Pacte. On avait obtenu un premier pas, douloureux certes, mais un premier pas quand même. Cette taxe était le premier signe de la mise en place d’une fiscalité écologique. Nous avons observé comme tout le monde la levée des boucliers et assisté aux déclarations incompréhensibles et inaudibles du gouvernement. La France dit attendre un texte à l’échelle européenne pour à son tour avancer. Mais pourquoi ne pas faire les deux, à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières ? Pourquoi attendre ?

Vous êtes déçue ?

Bien sûr que nous sommes déçus et nous faisons notre autocritique aussi. Sans doute avons-nous mal communiqué. Maintenant, nous ne voulons pas rompre les ponts, ni casser le dialogue. Nous attendons désormais ce que vont faire les députés sur le Grenelle 2.

Vous semblez surprise par la décision du gouvernement, alors qu’il y avait tout de même des signes précurseurs comme cette phrase prononcée par le président Sarkozy au salon de l’agriculture [1] ?

Si cette phrase n’est pas une erreur, et je ne crois pas qu’elle en soit une, alors cette attitude du gouvernement constitue une vraie faute écologique. L’esprit du Pacte n’est plus respecté. Vous savez, nous entendons dire que l’économie, la compétitivité sont fondamentales et prioritaires sur tout le reste, comme si l’écologie était d’un coup devenue accessoire. Il faudrait tout de même bien comprendre que la démultiplication des résultats de nos économies en Occident sur la base de ce qui est fait aujourd’hui est un vœu impossible. Avec cette lettre ouverte de la Fondation, nous disons que les déclarations du président Sarkozy et du Premier ministre François Fillon sont totalement incohérentes par rapport aux messages que nous portons. C’est une dérive forte.

Avez-vous été en contact avec un membre du gouvernement sur cette question ?

Du tout. Nous avons attendu après la déclaration du Premier ministre, une explication du Président de la République. Nous l’attendons toujours. Maintenant si vous le permettez, j’aimerais faire un distinguo entre ce que fait le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer et ce que nous entendons. C’est pour cette raison que nous demandons des explications. Les discours sont brouillés et c’est l’incompréhension qui règne.

Comment jugez-vous les sorties de Chantal Jouanno et de Nathalie Kosciusko-Morizet ?

Je les trouve courageuses et salutaires [2]. Un ministre ne doit peut-être pas ouvrir la bouche de la sorte, mais tant pis. Je trouve que cette sincérité est nécessaire et qu’elle illustre la cacophonie ambiante.

Comment ont réagi les 750.000 signataires du Pacte écologique ?

Nous avons eu énormément de messages. D’encouragement bien entendu mais aussi de frustration. Encore une fois, on ne comprend pas ce retournement.

Il vient peut-être du fait que l’écologie ne rapporte pas grand chose aujourd’hui à un parti politique ? Seriez-vous un peu naïfs à la Fondation ?

Peut-être avons-nous été naïfs, encore une fois, nous faisons nous aussi notre autocritique. Mais nous avons bien en tête ce décalage pour l’heure insoluble entre le court et le long terme chez les politiques que nous renvoyons d’ailleurs dos à dos. Vous savez, il y a trois ans en 2007 au moment de la signature du Pacte, Nicolas Sarkozy était plutôt opposé à cette taxe, Ségolène Royal plutôt pour… Donc certes, l’écologie ne « rapporte » peut-être pas encore assez, mais ce n’est pas un motif suffisant pour expliquer ce qu’on entend.

Une fois votre colère passée, quelles décisions allez-vous prendre ? Durcir le discours ?

Nous allons lancer plusieurs choses, qui ceci dit, étaient prévues. Davantage de rassemblements, de réunions avec les signataires du Pacte, le lancement d’une plateforme d’éco-volontariat et la mise en place à l’automne d’un système de mesure et de coaching CO2 pour les particuliers de façon à mieux guider ces derniers vers le changement.

Quelle est l’ambiance à la Fondation ?

Nous sommes dans un mauvais cycle d’une façon générale. Il y a eu Copenhague, puis les climato-sceptiques et maintenant la taxe carbone, ça fait beaucoup… Pour autant, j’ai la conviction que nous n’avons pas reculé. Il suffit de regarder du côté des entreprises et des collectivités pour se rendre compte qu’elles, elles ont compris. Le développement durable et l’écologie ont quitté les services de communication. Nous sommes passés à une autre étape, mais le chemin, je vous le concède, est encore long.

Nicolas Hulot s’exprimera ce vendredi. Cette déclaration est la première depuis longtemps. Pourquoi ?

Parce que nous n’avons pas le choix. Les messages sont brouillés. Il faut repartir de l’avant. Et de nouveau expliquer et convaincre.

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- (Photo archives JDD 2007)