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Enercoop : l’électricité à contre-courant
mercredi, 28 avril 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Vous en avez assez de la suprématie d’EDF ? Assez de ne vous chauffer au renouvelable qu’à la portion congrue ? Optez pour le contrat vert de grandes compagnies. Ou foncez vers un petit fournisseur qui mise sur la coopération : Enercoop.

Tout commence en 2004. Réservé jusqu’ici à la gourmande EDF, le marché de l’électricité pour les professionnels accueille à sa table de nouveaux convives. Alléchés par cette perspective, des acteurs du secteur renouvelable, des ONG, des investisseurs solidaires (la coopérative de finances La Nef notamment) concoctent un nouveau projet : Enercoop. A peine sortie des cartons, la société coopérative d’intérêt collectif voit loin : elle n’aura qu’une seule et unique offre alimentée à 100% au robinet renouvelable. La sauce prend vite et séduit aussi les particuliers quand le marché s’ouvre en 2007. Aujourd’hui, ils forment 90% de la clientèle. Le reste est constitué de petites entreprises : biocoop, cabinets médicaux, boulangers… En tout, 5 500 clients-consommateurs (contre plus de 31 millions pour EDF en France). Et des centaines de sociétaires.

« Avec EDF, on est traités comme des paysans subventionnés »

Car Enercoop n’est pas une boîte comme les autres. Elle se base sur la coopération… de chaque côté du fil électrique. A un bout, des consommateurs qui peuvent, s’ils le veulent, prendre part au capital de la coopérative. De l’autre, des producteurs automatiquement intronisés sociétaires… Soit entre 50 et 60 individus pour 40 000 MW de jus annuel. « Je suis trop loin pour assister aux AG mais je vote par Internet, confie Joachim Rauhut, un agriculteur-producteur de l’Aude. Et j’essaye de m’engager dès que j’en ai l’occasion. Il y a quelques temps, j’ai participé à une opération à Carcassonne pour faire la publicité d’Enercoop auprès de nouveaux clients » Pour lui, Enercoop a un avantage de poids : « Tout est très simple. En 2005, j’avais eu des problèmes avec EDF qui essayait de me mettre des bâtons dans les roues. Avec Enercoop, il n’y aucune complication. Une fois par an on envoie une photo de la production au compteur et on reçoit le paiement. » C’est l’offre 100% renouvelable qui a emporté l’adhésion de Christian Peyres, producteur d’énergie hydraulique en Midi-Pyrénées : « C’est plus honorable de participer à des commerces comme ça que de travailler avec EDF. L’esprit n’est pas du tout le même. Quand on vend à EDF, on est traités comme des paysans subventionnés et peu importe si on fait bien notre travail ou pas. Avec Enercoop c’est différent. »

Peu à peu la société trouve son créneau. « Aujourd’hui nous sommes à peu près à l’équilibre financier », se félicite le directeur général Patrick Behm. Une périlleuse stabilité atteinte au seuil de 5 000 consommateurs et de 11 salariés. La société va pouvoir grandir. Ou en tout cas faire des petits. Car plutôt que d’engraisser, Enercoop préfère décliner son offre en région. Il y a déjà Enercoop Ardennes et, dans les tuyaux, Enercoop Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais ou Bretagne. Au pays des électriciens, la devise d’Enercoop sonne comme une anomalie. « Avant de consommer vert, il faut consommer moins donc limiter le transport d’électricité. »

« Il n’y a pas d’électron vert qui se balade dans le réseau »

D’où la volonté de créer ces filiales – indépendantes – en région. « Aujourd’hui, en France, les moyens de production sont très centralisés. En régionalisant, on rapproche le consommateur de son point de production », explique Patrick Behm. Certes, Enercoop ne peut garantir que l’électricité vendue à Martin vient de l’éolienne de son voisin Paul. En France, le transport reste le monopole de RTE/ERDF. « On n’a pas un électron vert qui se balade dans le réseau, explique Patrick Behm. La traçabilité n’est pas possible à moins d’avoir une ligne physique. Mais dès que le consommateur a besoin d’un kwh on injecte un kwh vert dans le réseau . » Mieux, la boîte aspire à l’équilibre régional : soit autant d’électrons produits que d’électrons consommés dans une même région.

Vous êtes conquis ? Votre porte-monnaie le sera sans doute moins. Car les prix d’Enercoop sont environ 30% plus chers que ceux d’EDF. Une réalité due au marché français qui se subdivise en marché regulé et dérégulé. Sur le premier, EDF exerce son monopole. Là, le prix de vente est fixé – et subventionné – par l’État. Mais loi sur la concurrence européenne oblige, le marché régulé est voué à disparaître. « A ce moment-là, on sera sûrement parmi les moins chers. Grâce à notre structure plus légère, parce que nous n’avons pas de frais de communication… », énumère Patrick Behm. Mais pour le moment, on en appelle à la conscience verte des consommateurs. « A eux de voir s’ils veulent participer à notre projet, ose le directeur général. Idem pour les producteurs qui doivent parfois subir des tarifs de rachat inférieurs à ceux proposés par EDF. « EDF ne doit pas être le seul à gagner de l’argent sur l’énergie, justifie Joachim Rauhut. Tout le monde a le droit d’en profiter. Et le renouvelable permet cela »,

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- Photos : Enercoop


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