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Consommation : L’explosion des labels
dimanche, 4 avril 2010
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
De gondoles en gondoles, de rayons en rayons, ils sont petits mais partout. Eux, ce sont les logos qui hurlent que les produits qu’ils décorent sont différents et bien plus fiables que leurs voisins. Enfin un coup de main donné au consommateur ou une arnaque en couleurs ? « Terra eco » a enquêté.
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C’est samedi, jour béni des courses. Plus de gel douche en rive de baignoire, plus de café au placard. J’attrape le charriot par les cornes. Alignées au fil des gondoles, des boîtes colorées m’attendent. Je pose prudemment une roue sur le carrelage froid. Les logos ferrent mon regard. Ici, un petit papillon, là un arbre stylisé ; ici une fleur, là un poisson bleu. Je tends une main assurée vers un thé siglé Max Havelaar. L’équitable, ça sauve les petits producteurs de la misère, martèlent-ils à la télé. Mais un « thé vert » de la marque Bjorg clignote dans mon champ de vision. Sur son flanc, aux côtés du label Max Havelaar, s’étale fièrement le logo AB (« Agriculture biologique »). Deux labels valent mieux qu’un, non ? Mais cela mérite-t-il 44 centimes supplémentaires ?
Je m’en vais réfléchir au quartier des lessives. Et me fais agresser par un flacon : l’« Avenir en vert » exhibe sa « formule lessive liquide écologique » et « naturellement efficace ». A ses côtés, sa voisine « maxi-concentrée écologique » me fait de l’œil. J’hésite. Le Chat éco-efficacité aggrave ma confusion en agitant ses 100 % de tensio-actifs « d’origine végétale », « biodégradables » et son « efficacité en eau froide ». Avec sa douce image de feuille et son teint couleur planète, il me refroidit la couenne. Je suis perdue dans la jungle des labels. On me lance un fil d’Ariane. C’est l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et son classement en trois catégories. D’abord les labels « volontaires multicritères » (type 1), qui mesurent l’impact d’un produit depuis sa naissance jusqu’à sa mort, comme NF Environnement ou l’écolabel européen. Puis, les labels « autoproclamés écologiques » adoptés par une marque (comme Carrefour Agir), un groupe de professionnels (comme AB, Cosmebio) ou une association (comme Nature et progrès). Enfin, les « informations standardisées » qui notent un aspect du produit : la consommation d’énergie pour une machine ou d’essence pour une voiture. Entre 2007 et 2008, NF Environnement et l’écolabel européen ont grignoté 30 % de terrain sur les rayonnages. Du côté du commerce équitable, l’étiquette Max Havelaar a progressé de 22 %. Même les gros bonnets s’y sont mis : depuis le 2 mars, tous les expressos avalés chez Starbucks sont estampillés équitables. Outre-Manche, Nestlé l’imite avec ses Kit Kat.
Me voilà rassurée. Le foisonnement des labels serait bon pour moi comme pour la planète. A condition que le message soit limpide. Et c’est bien là le problème. Plus la jungle est dense, plus elle cache de tricheurs. Or, aux commandes de mon charriot, j’ai tendance à faire les mauvais choix. « Devant un label au critère X ou un autre qui combine des critères X+Y, le consommateur aura tendance à aller vers le plus simple, parce qu’il le comprend mieux », décrypte Douadia Bougherara, économiste à l’Insitut national de la recherche agronomique. En clair, mon instinct me fera plutôt saisir un bloc-notes qui « épargne la forêt amazonienne » que son voisin siglé NF Environnement. Si l’on se réfère à sa fiche Afnor, celui-ci promet pourtant d’utiliser des colles de base aqueuse et de bannir les terribles nonylphénols !
Illustration : François Prosper - Denis Esnault