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Chine : une fac qui prend son pied dans la rizière
dimanche, 28 mars 2010
/ Hélène Duvigneau
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Au nord-est de la Chine, les champs de riz laissent place à des universités. L’une d’entre elles en a conservé quelques parcelles pour plonger les étudiants en architecture dans l’agriculture.
(De notre correspondante en Chine)
Mini-caméra à la main, Zhang Fu Chang, la cinquantaine, s’amuse comme un gamin. Le secrétaire du comité du Parti de l’Université d’architecture de Shenyang a pris l’habitude, l’hiver, de filmer les moineaux picorant les quelques panicules de riz non-récoltées. A l’étroit dans le centre de cette ville industrielle de l’ancienne Mandchourie, le campus a dû être déplacé, en 2003, dix kilomètres plus au sud, sur ordre de la municipalité. Mais en doublant de taille, la fac a contraint des centaines de riziculteurs au déménagement. Aujourd’hui, trois hectares de cultures ont pourtant été préservés sur le site. Cette originalité a valu au campus de décrocher en 2005 le prix de l’American Society of Landscape Architects, un collectif américain qui récompense les meilleurs projets d’architecture paysagiste.
Zhu Lei, 20 ans, étudiante en urbanisme, s’est portée volontaire pour la moisson. « Je viens de la ville, raconte-t-elle, je ne connais pas grand-chose à la récolte du riz et encore moins aux difficultés de la vie paysanne. » Conserver ces parcelles a donc permis aux étudiants, pour la plupart citadins, de « se rapprocher de la nature », observe Zhu Ling, professeur d’architecture. Quant aux 8 000 kg de riz récoltés chaque année, ils sont offerts aux étrangers de passage. Voilà un outil de communication efficace pour un campus qui cherche à se désenclaver en nouant des partenariats à l’international.
A l’origine du projet, Kongjian Yu. Cet architecte paysagiste, fondateur du cabinet Turenscape, a gagné sa réputation en réhabilitant des friches industrielles. Dans son bureau pékinois, il explique, juché sur un banc en bois d’olivier, comment lui est venue l’idée de Shenyang. « La terre était fertile, je n’avais que très peu de temps et un budget d’un dollar par hectare. » Aujourd’hui, il considère ce campus comme l’un de ses projets les plus aboutis pour sensibiliser les futurs architectes à l’art de ne pas dilapider les terres agricoles.
Photo : Kongjian Yu - Turenscape