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J’ai testé : la peinture bio
dimanche, 28 mars 2010 / Karen Bastien

Bricoler avec un produit naturel n’est finalement pas si naturel. Première leçon : rester zen, c’est pour la planète.

Une sorte de réflexe pavlovien est en train de s’installer chez mes proches. Dès que leur vient une idée ou un projet « vert », ils m’invitent à le vivre avec eux. Comme si travailler pour un média « durable » n’était pas suffisant… Comment leur dire non, parfois ? En attendant d’aborder ce problème avec ma psy, me voilà donc arborant un vieux jean et une chemise d’ado (et oui, je rentre encore dedans…), au beau milieu d’une pièce vide de 12 m2. Nous sommes très exactement dans le futur bureau d’une amie journaliste. Et nous avons pour mission de repeindre murs et plafond à coup de peinture bio.

Passant un certain nombre d’heures par jour – voire par nuit – à s’échiner sur son clavier dans cette pièce, mon amie aspire à respirer autre chose que des composés organiques volatils (COV), des métaux lourds comme le cadmium, le cobalt ou le chrome, voire des fongicides. On peut la comprendre. La littérature sur le monde de la peinture est digne des meilleurs films d’horreur : les peintures à l’huile contiendraient ainsi jusqu’à 50 % de solvants organiques, toxiques pour la peau, le foie, les reins.

Une sale odeur

Après avoir considéré l’option « fabriquons nous-mêmes notre peinture à base de lait et de chaux », mon amie choisit finalement la sécurité – la confiance règne… – et jette son dévolu sur une peinture naturelle en pot. Selon le vendeur, il suffit de mélanger notre liquide blanc au colorant naturel acheté à part. Dès l’ouverture du pot, une très forte odeur envahit la pièce. Mais qui vient de décapuchonner 150 marqueurs simultanément ? C’est idiot, mais en ouvrant un pot de « peinture bio », je m’attendais à humer des essences de fleurs sauvages, de prairies au printemps ou de sous-bois humides au lever du soleil. Et bien, non, on est plus proche de l’essence de térébenthine. Un mythe s’éffondre. Il n’est pas le seul.

Dès les premiers coups de pinceaux, j’ai comme la désagréable impression de peindre dans le vide. Et réalise qu’à ce rythme, il ne va pas falloir deux, mais huit couches ! Je me précipite sur le pot, lis et relis les conseils de pose. Je file sur le Net en quête d’une réponse sur les forums de bricoleurs verts. Au bout du rouleau, j’appelle un pote qui travaille dans le secteur. Il est catégorique : « En réalité, ces peintures ne se posent pas difficilement mais autrement ! Même les peintres professionnels sont obligés de se reformer, car les gestes traditionnels ne sont pas adaptés à la texture de ces peintures moins souples et moins aisées à travailler. »

A moins de faire une razzia sur le rayon peinture – et d’y consacrer la moitié de son revenu mensuel vu le prix à l’unité –, mon amie tranche pour une première couche de peinture « classique ». On gardera la mixture « bio » pour les couches supérieures. Cela s’appelle un compromis. Bilan : la pièce est peinte en « demi-bio » au prix d’une tendinite aux poignets, d’engueulades entre amis (très classique quand chacun est persuadé d’avoir trouvé la bonne façon de peindre et veut l’imposer aux autres). Et l’odeur, me direz-vous ? Elle a disparu au bout de deux mois environ. Déplaisir sur le court terme, bonheur et santé sur le long terme. Tiens, on dirait un proverbe zen. —


LES BONNES IDEES

Labels : vérifiez que votre pot affiche l’écolabel européen et le label NF environnement. Avec le macaron Ange Bleu, c’est encore mieux !

Marques : Pionniers, les Auro ou Biofa voient débarquer des gammes comme Air Frais chez Ripolin, Ushuaïa by Bondex ou Everywhere chez Castorama.

Illustration : Adrien Albert