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La taxe carbone renvoyée aux calendes grecques
lundi, 22 mars 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Hier, on le sentait. Aujourd’hui, c’est confirmé. Le gouvernement ne dégainera pas sa taxe carbone le 1er juillet. En tout cas pas avant qu’une taxe similaire soit adoptée à l’échelle européenne. Or, Bruxelles est loin d’être prête à prendre une telle mesure. Avant même l’annonce officielle, les ONG exprimaient leur inquiétude et dénonçaient les fausses promesses du gouvernement en matière d’environnement.

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Devant les députés UMP réunis en meeting ce matin, François Fillon a mis fin aux spéculations. La taxe carbone sera européenne ou ne sera pas. Un revirement qui vise, en ces temps de crise, à “ne pas plomber la compétitivité” des entreprises hexagonales. Fuitée par des députés, l’information a été confirmée officiellement par Jean-François Copé à l’issue de la réunion. “S’il n’y a pas d’accord européen avant le 1er juillet, ça se fera plus tard”, a affirmé le chef de file de l’UMP à l’Assemblée nationale lors d’une conférence de presse.

Mais voilà, l’Europe n’est pas vraiment prête à sauter le pas. La taxe carbone aux frontières - qui pénaliserait les produits venus de pays qui ne luttent pas contre le réchauffement climatique - a beau être réclamée haut et fort par Nicolas Sarkozy, elle n’est pas à l’ordre du jour bruxellois. Tandis que la création d’une taxe intérieure au sein même de l’Union est conditionnée à la révision de la taxation sur l’énergie... qui risque de tarder encore. Enfin, toute mesure de fiscalité doit être adoptée par Bruxelles à l’unanimité. Une taxe carbone européenne ? Ce n’est pas pour demain.

Du coup, la condition posée par le gouvernement ressemble bel et bien à un recul. Nicolas Sarkozy avait déjà préparé le terrain dans un entretien au Figaro magazine le 12 mars : "Nous prendrons le temps de la concertation au niveau européen comme au niveau national." Avant même l’annonce de Jean-François Copé ce matin, les ONG exprimaient leur inquiétude.

Elise Buckle, responsable Energie-climat, WWF France :

“Le recul du gouvernement est très démago, très populiste. Le Conseil constitutionnel a annulé la taxe parce qu’elle comportait trop d’exemptions pour de nombreux industriels et que son seuil était beaucoup trop bas. Nous aussi, nous estimions qu’il y avait des progrès à faire. Mais on préfère une taxe carbone que rien du tout. Évidemment la taxe n’est pas populaire. Mais ce n’est pas parce que deux tiers des Français sont contre, qu’il ne faut pas le faire. Si cette taxe n’est pas mise en place aujourd’hui, elle ne pourra pas permettre de financer de nouvelles infrastructures de transport, des projets d’énergies renouvelables et les générations futures en paieront la facture. Le gouvernement s’est donné jusqu’au 1er juillet. On va attendre. Tout espoir n’est pas encore perdu”

Karine Gavand, chargée de campagne climat-énergie à Greenpeace :

“Les déclarations récentes montrent la fragilité de l’ambition du gouvernement français en matière d’environnement. Au moindre coup de vent, il renonce, en prétextant que la France est toute seule à monter au créneau et que la taxe est trop ambitieuse. Mais le Conseil constitutionnel a justement retoqué la taxe carbone parce qu’elle était insuffisante pour lutter contre le changement climatique. On ne peut pas dire maintenant qu’elle est trop ambitieuse ! Et puis, dire que la France est toute seule à monter au créneau, c’est faux. Les pays nordiques ont fait des taxes carbone avant nous. Après l’échec de Copenhague et dans un contexte où le réchauffement climatique est remis en question, le gouvernement participe au message ambiant du “à quoi bon ?”. A quoi bon faire une taxe carbone alors que tout a échoué ? Dans ce contexte difficile, la France devrait tenir la barre. Mais là c’est plutôt “courage, fuyons.””

Olivier Louchard, coordinateur du Réseau Action Climat :

“Si la taxe carbone disparaît, le Grenelle aura perdu son essence. On n’aura plus grand chose à se mettre sous la dent. Du côté du transport, l’abandon du wagon isolé va remettre des milliers de camions sur les routes et on attend toujours le schéma national d’infrastructures des transports qui devait sortir fin 2009. Côté énergie, il ne restera que quelques mesures fiscales pour inciter les gens à isoler leur maison ou à installer des énergies renouvelables. Du côté des bâtiments, de bonnes normes ont été adoptées sur le neuf mais sur la rénovation de l’ancien, le bilan est mauvais. Sur l’agriculture et le climat, on n’a rien et dans le secteur de l’urbanisme quelques avancées dans le texte du Grenelle 2 qui n’est pas encore adopté. Bref, on est bien loin de la rénovation énergétique et de la rupture écologique annoncées !”

Photo : L.Blevennec/Elysée


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