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Les nouveaux réactionnaires
dimanche, 28 mars 2010 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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Quand on est ancien ministre, on a une certaine légitimité à donner un avis sur tout. Il suffit de choisir un « bon créneau ». Le fonds de commerce qu’a choisi monsieur Allègre pour faire carrière sur les plateaux de télévision est celui du climat. Agrémentés d’un sens de la formule abouti, les propos de l’ancien ministre – contestant l’origine essentiellement humaine de la crise climatique et minimisant la portée de celle-ci – revêtent les apparences d’un raisonnement crédible. Charmés par tant d’atours, de grands médias lui tendent régulièrement le micro. Et lorsqu’il paraît sur le plateau d’une télévision de service public pour livrer ses approximations scientifiques, monsieur Allègre s’offre le luxe d’une émission sous-titrée « Allègre face aux Français », dans une posture habituellement réservée aux élus de la Nation. Malheureusement, il y a un détail qui fait mal : tout chercheur qu’il fut, monsieur Allègre n’est pas climatologue. Par conséquent, interroger l’ancien ministre sur la crise climatique est à peu près aussi cohérent que convoquer un plombier pour refaire les peintures de l’appartement. D’ailleurs, lorsque l’on demande à monsieur Allègre de confronter ses arguments avec ceux d’un climatologue reconnu – ce qu’a fait Terra eco à plusieurs reprises –, la bête de médias refuse catégoriquement le débat. On pourrait hausser les épaules et considérer cette affaire comme un épiphénomène. Ce serait oublier que la portée des gesticulations de monsieur Allègre dépasse le périmètre de la cour de récréation médiatique. Ces clowneries taillent en pièces le travail patient de sensibilisation mené ces dernières années par des scientifiques compétents, qui ont pour défaut de n’être ni célèbres ni communicants. Surtout, ces arguties servent les intérêts de lobbies puissants (1), qui ont fait, font et continueront de faire fortune sur le dos de notre dépendance aux énergies fossiles et de ses désastreuses conséquences économiques, sociales et environnementales. Les propos des climato-sceptiques ne font pas qu’amuser la galerie. Ils font aussi le lit de ces nouveaux réactionnaires, qui lutteront jusqu’au bout contre l’émergence d’une nouvelle société. —

(1) Parmi eux, la compagnie pétrolière Exxon Mobil n’avait pas hésité à diffuser, en mai 2000, une fausse pétition, prétendument signée par 17 000 scientifiques, niant les signes précurseurs du changement climatique dû aux activités humaines.

Photo : Flore-Aël Surun - Tendance floue